L’AVONS-NOUS BIEN DESCENDUE ?
26.7.09
Paris. Les Champs-Elysées. Ses drapeaux nationaux, sa foule cosmopolite, ses enseignes chantantes. Club Med, Iran Air, Eden Shoes. Voilà enfin où menait le chemin passant par le col d'Envalira et le Mont Ventoux ! Avouez que les coureurs ne sont pas très malins. L’énigme a beau changer, la solution est chaque année la même.
Tout à l’heure, ce sera Lido, Moulin Rouge ou Michou pour les mieux lotis. Léon de Bruxelles avec les Quick Step, et spaghetti bolognaises à la maison pour les Skill-Shimano. Qu’importe.
L’ivresse gagne rapidement un corps asséché par trois semaines à vélo. La casquette ne sera pas longue à se substituer au casque, et ce sera bientôt l’heure, pour votre serviteur, de faire signer par-dessus la jambe à des athlètes fatigués des contrats de dix ans en faveur du team Sport&Erotism.
L'avons-nous bien descendue ? - Quoi ? - L'avenue.
Les photographes démontent leurs objectifs dans des boitiers spéciaux. Des étudiants en commerce rangent les plots rouges et blancs. Un dernier coup de balai sur les mains vertes pmu tombées dans la poussière comme des feuilles mortes, et ce sera fini pour de bon.
Et maintenant, quoi ? Que faire ? Et pourquoi ?
Combien de tours encore avant que le monde n’explose dans un maelström indifférencié de camions à benne, de cailloux, et de maillots multicolores ?
Le vieil Obélisque n'est pas dupe, sur qui les jours semblent avoir raccourci d’un coup.
Pourtant, le défilé des équipes sur l’avenue révèle les vrais camarades et les compagnies forcées. Tandis que de futurs retraités embarquent bébé sur le guidon, que Cadel Evans roule cent mètres derrière ses coéquipiers, d’autres, à peine fatigués et ruisselant d’ambition, s’écartent ostensiblement de leur famille pour regarder l’Arc de Triomphe droit dans les yeux. Déjà dans certains cœurs, un nouveau tour se prépare !
Sur le podium final, la gloire du jeune Albert est immense. Privé de son compagnon de chambre Noval, harcelé par les comptes twitter de ses amis Armstrong et Leipheimer, soupçonné de dopage par le lointain Greg LeMond, il a tenu tête à tous, franchi chaque obstacle, des bordures du Languedoc aux pluies de Colmar, afin de se présenter vivant jusqu’à nous et jaune à Paris, alors même que les élégantes du Faubourg Saint-Honoré ne jurent plus que par le beige.
« L’homme qui garde la tête froide grâce à deux plaques de titane fixées dans sa boîte crânienne a eu raison de son idole ». Voici ce qui pourrait, dans un monde meilleur, tenir lieu de résumé au dos du prochain dvd du Tour 2009.
Quand j’avais cinq ans, -n’étant pas encore au fait de la complexité des choses,- je croyais naïvement que le vainqueur des Champs était aussi celui du Tour. Je sais désormais qu’il n’en est rien, et que Mark Cavendish n’a pas gagné la Grande Boucle aujourd’hui, mais seulement six des vingt-et-une étapes au programme.
Quasiment un tiers !
Si le Tour était une Pina Colada, Cavendish serait le rhum à lui tout seul.
Hélàs, cette année encore, le physio du Lido ne semble pas me reconnaître. Qu'à cela ne tienne !... Il me tardait de quitter mes chaussures cyclistes pour de simples sandalettes.
Faute de nouba, je regagne mon cabanon au fin fond de la forêt, afin d’y finir l’été à la cool. Dans l’ombre fraîche tapissée de posters de champions, je rentre dans la saison des somnolences.
Des copains doivent passer en novembre.
D’ici là, je vais faire du placo.
Pascal d’Huez, envoyé spécial.