PIERRE ROLLAND TUE
23.7.11
Encore un bien joli morceau d'espace-temps, cet après-midi, entre 14 et 18 heures, du côté des Grandes Rousses.
Autant le Tour s'était couru recroquevillé dans les Pyrénées, autant il se joue torse nu, solaire et déployé dans les Alpes. Au bout du compte, tout s'équilibre. La course paye son comptant d'extase.
L'espoir Pierre Rolland s'offre le luxe de gagner à l'Alpe d'Huez en lâchant Sanchez et Contador. Le surréalisme règne. A ce rythme, qui sait si demain, un coureur ne gagnera pas le contre-la-montre sur un vélo en éponge ?
La presse abuse tant et tant d'expressions creuses comme Le Tour est fou, Le Tour est foufou, quand ce n'est pas Le peloton en folie, qu'on ne sait plus trop ni quand ni où commence la déraison, la vraie. Pourtant, hier, puis aujourd'hui, -à fortiori,- la loi fantasque du porte nawak règnait sur la course, commandant aux concurrents épuisés de tenter le saut dans le vide, plutôt que de rester dans les roues.
Pour bien commencer, après quinze kilomètres de course à peine, l'Alberto, défait la veille, plaque la meute au pied du Télégraphe, façon Landis 2006. A peine levé, on se dit qu'on ira plus tard à la salle de bains, vu que l'étape est partie tambour battant, et qu'il y a de la légende qui se trame.
Andy suit, facile, puis Evans, inimitable, tandis que les autres marquent le pas, sans qu'on sache trop s'ils sont dans le rouge, ou s'ils agissent avec prudence, conscients de la route qui reste à parcourir (Galibier, puis l'Alpe d'Huez).
On rêve d'une démonstration de force. On se prend à croire que Contador, au terme de dix-neuf jours de bluff, va sortir, en cent kilomètres, toute la puissance patiemment contenue durant deux semaines. Il semble au poil, sautille dans son style habituel. L'oeil aiguisé ne peut toutefois manquer de sentir une certaine crispation dans son coup de pédale, une aigreur qui laisse penser que l'Espagnol marche à la colère, et que cette énergie-là ne va qu'un temps.
Dans sa roue, Andy Schleck, impeccable, toise l'agitation ambiante. C'est le mystère Andy. Nulle détermination dans son regard. Un style de perpétuel dilettante qui donne envie de l'envoyer ranger sa chambre.
Tandis que Cadel Evans s'empêtre dans une histoire de roue bloquée et semble perdre le Tour sur incident mécanique, Thomavoeckler, revenu une première fois sur Schleck et Contador, marque enfin le pas. Le début d'une longue errance pour le boss Europcar. Intercalé entre l'échappée royale et le reste du peloton, le maillot jaune lutte seul contre le vent, le derche entre deux chaises. C'est ici que Tommy Boy se fait piéger, ivre des vapeurs du classement général.
Sans vouloir nous ériger en professeur de conduite, on réalise soudain que l'humble Voeckler n'est pas si insensible que ça aux douceurs de la notoriété. Ce qui lui fait perdre le podium, aujourd'hui, c'est peut-être bien son penchant pour les caméras. Thomas, en plus d'être un grand coureur, est aussi un enfant de la télé. Pour s'être pris au jeu du gros plan, suivi du plan large sur fond de montagne, pour s'être vu maillot jaune seul dans la montée du Galibier, Voeckler a poursuivi sa chasse effrénée du groupe Contador, alors même qu'elle était vouée à l'échec.
Dans la vallée, -modeste entrejambe entre Galibier et Huez,- tout s'annule.
Cadel et le grand Francky s'abattent sur le panache du Pistolero. Tout est à refaire.
On sent les organismes fatigués.
Révélés par l'hélicoptère, les 21 lacets se tortillent en attendant leur nourriture.
Là, au début de la montée, quand, dit-on, la pente est très dure, le Ber joue son va-tout. Pour la deuxième fois de la journée, il fausse compagnie à ses rivaux, lesquels, occupés à se marquer, laissent faire. Il est vrai que Contador est à 3 minutes et demie au général, et qu'il n'y a pas le feu au lac des Bergers.
Pourchassé par d'épatants imbéciles, habillés en chirurgiens, Contador grimpe à toute allure, mais ne s'envole pas. Il donne des gifles pourtant, se bastonne.
Sur un malentendu, espère-t-on, tout est possible. Tergiversant à n'en plus finir avec l'Australien taciturne, Andy & Francky semblent momentanément avoir retrouvé leur sens tactique de merde. Devant, Contador a déjà repris une minute.
A cet instant, Samu Sanchez, qui peut encore prétendre au maillot à pois, et le discret Pierre Rolland, s'extraient du groupe des poursuivants.
Mieux encore, ils parviennent bientôt à revenir sur Contador, déçu.
Ah, quelle saloperie, ce giro !
Avec un sens de la course digne d'un vieux briscard, le rookie (pas tout à fait puisque c'est sa deuxième participation) joue un bon coup à Sanchez. Il met la plaque dans le dernier virage et s'en va, seul, triompher au sommet des sommets.
Andy Chèque enfile enfin le maillot jaune.
Samu, les pois.
Rolland, le blanc du poulet Uran, à la ramasse aujourd'hui.
Demain, tous les rêves sont permis à ce Tour de France 2011, y compris le fantasme de damer le pion du cru 1989, en proposant, - « en guise d'hommage à Laurent Fignon », me suggérait un ami par texto- un écart encore inférieur aux huit secondes des Champs-Elysées.
Alors ?
Andy ?
Ou bien Cadel ?
L'un des deux, en tous cas, quittera le statut de mal-aimé des miss Crédit Lyonnais.
L'un des deux intégrera le cercle fermé des vainqueurs de boucle.
Pascal d'Huez
Autant le Tour s'était couru recroquevillé dans les Pyrénées, autant il se joue torse nu, solaire et déployé dans les Alpes. Au bout du compte, tout s'équilibre. La course paye son comptant d'extase.
L'espoir Pierre Rolland s'offre le luxe de gagner à l'Alpe d'Huez en lâchant Sanchez et Contador. Le surréalisme règne. A ce rythme, qui sait si demain, un coureur ne gagnera pas le contre-la-montre sur un vélo en éponge ?
La presse abuse tant et tant d'expressions creuses comme Le Tour est fou, Le Tour est foufou, quand ce n'est pas Le peloton en folie, qu'on ne sait plus trop ni quand ni où commence la déraison, la vraie. Pourtant, hier, puis aujourd'hui, -à fortiori,- la loi fantasque du porte nawak règnait sur la course, commandant aux concurrents épuisés de tenter le saut dans le vide, plutôt que de rester dans les roues.
Pour bien commencer, après quinze kilomètres de course à peine, l'Alberto, défait la veille, plaque la meute au pied du Télégraphe, façon Landis 2006. A peine levé, on se dit qu'on ira plus tard à la salle de bains, vu que l'étape est partie tambour battant, et qu'il y a de la légende qui se trame.
Andy suit, facile, puis Evans, inimitable, tandis que les autres marquent le pas, sans qu'on sache trop s'ils sont dans le rouge, ou s'ils agissent avec prudence, conscients de la route qui reste à parcourir (Galibier, puis l'Alpe d'Huez).
On rêve d'une démonstration de force. On se prend à croire que Contador, au terme de dix-neuf jours de bluff, va sortir, en cent kilomètres, toute la puissance patiemment contenue durant deux semaines. Il semble au poil, sautille dans son style habituel. L'oeil aiguisé ne peut toutefois manquer de sentir une certaine crispation dans son coup de pédale, une aigreur qui laisse penser que l'Espagnol marche à la colère, et que cette énergie-là ne va qu'un temps.
Dans sa roue, Andy Schleck, impeccable, toise l'agitation ambiante. C'est le mystère Andy. Nulle détermination dans son regard. Un style de perpétuel dilettante qui donne envie de l'envoyer ranger sa chambre.
Tandis que Cadel Evans s'empêtre dans une histoire de roue bloquée et semble perdre le Tour sur incident mécanique, Thomavoeckler, revenu une première fois sur Schleck et Contador, marque enfin le pas. Le début d'une longue errance pour le boss Europcar. Intercalé entre l'échappée royale et le reste du peloton, le maillot jaune lutte seul contre le vent, le derche entre deux chaises. C'est ici que Tommy Boy se fait piéger, ivre des vapeurs du classement général.
Sans vouloir nous ériger en professeur de conduite, on réalise soudain que l'humble Voeckler n'est pas si insensible que ça aux douceurs de la notoriété. Ce qui lui fait perdre le podium, aujourd'hui, c'est peut-être bien son penchant pour les caméras. Thomas, en plus d'être un grand coureur, est aussi un enfant de la télé. Pour s'être pris au jeu du gros plan, suivi du plan large sur fond de montagne, pour s'être vu maillot jaune seul dans la montée du Galibier, Voeckler a poursuivi sa chasse effrénée du groupe Contador, alors même qu'elle était vouée à l'échec.
Dans la vallée, -modeste entrejambe entre Galibier et Huez,- tout s'annule.
Cadel et le grand Francky s'abattent sur le panache du Pistolero. Tout est à refaire.
On sent les organismes fatigués.
Révélés par l'hélicoptère, les 21 lacets se tortillent en attendant leur nourriture.
Là, au début de la montée, quand, dit-on, la pente est très dure, le Ber joue son va-tout. Pour la deuxième fois de la journée, il fausse compagnie à ses rivaux, lesquels, occupés à se marquer, laissent faire. Il est vrai que Contador est à 3 minutes et demie au général, et qu'il n'y a pas le feu au lac des Bergers.
Pourchassé par d'épatants imbéciles, habillés en chirurgiens, Contador grimpe à toute allure, mais ne s'envole pas. Il donne des gifles pourtant, se bastonne.
Sur un malentendu, espère-t-on, tout est possible. Tergiversant à n'en plus finir avec l'Australien taciturne, Andy & Francky semblent momentanément avoir retrouvé leur sens tactique de merde. Devant, Contador a déjà repris une minute.
A cet instant, Samu Sanchez, qui peut encore prétendre au maillot à pois, et le discret Pierre Rolland, s'extraient du groupe des poursuivants.
Mieux encore, ils parviennent bientôt à revenir sur Contador, déçu.
Ah, quelle saloperie, ce giro !
Avec un sens de la course digne d'un vieux briscard, le rookie (pas tout à fait puisque c'est sa deuxième participation) joue un bon coup à Sanchez. Il met la plaque dans le dernier virage et s'en va, seul, triompher au sommet des sommets.
Andy Chèque enfile enfin le maillot jaune.
Samu, les pois.
Rolland, le blanc du poulet Uran, à la ramasse aujourd'hui.
Demain, tous les rêves sont permis à ce Tour de France 2011, y compris le fantasme de damer le pion du cru 1989, en proposant, - « en guise d'hommage à Laurent Fignon », me suggérait un ami par texto- un écart encore inférieur aux huit secondes des Champs-Elysées.
Alors ?
Andy ?
Ou bien Cadel ?
L'un des deux, en tous cas, quittera le statut de mal-aimé des miss Crédit Lyonnais.
L'un des deux intégrera le cercle fermé des vainqueurs de boucle.
Pascal d'Huez
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