LES PYRÉNÉES INVISIBLES
11.7.09
Second volet du triptyque pyrénéen, l’étape Andorre-Saint-Girons a vu la victoire maline de Luis Leon Sanchez, -déjà lauréat cet hiver du Paris-Nice,- au nez et à la barbe du méritant Sandy Casar. Côté jardin, notons deux rebondissements : Hushovd prend le maillot batavia, Kern les pois.
Alors qu’on déplore la passivité des concurrents à la victoire finale, une nuée de critiques s’abat sur l’audace graphique de Prudhomme et Pescheux, auteurs de l’itinéraire. On les accuse, notamment, d’avoir dessiné un parcours absurde et gommé les difficultés pour favoriser le triomphe d’Astana. Il n’est guère besoin de sortir de l’école du Louvre pour s’apercevoir que leurs pourfendeurs sont les mêmes qui, déjà, dénigraient cubisme et nouveau roman au prétexte qu’on ne voyait pas où était le sujet.
La responsabilité m’échoit de défendre les portraitistes officiels de ce mois de juillet.
Leur mérite est grand de secouer le cocotier. Dans la volonté de réveiller notre passion toujours fragile, dans le but de varier émotions, positions, et sous un brin d’influence tantrique, ils n'ont cherché qu'à retenir le plaisir, le plus longtemps possible, prenant leur pied à construire des profils frustrants, où la courbe, après s’être élevée, retombe en bout de course. Fini l’amour à la hussarde et les coïts brutaux à la Indurain, ce Tour –hautement érogène- durera trois semaines et réserve notre orgasme pour le Mont Ventoux.
D’ici là, le chemin qui va aux Champs-Elysées est tellement atypique qu’il plonge les challengers dans l’expectative. L’angoisse les ronge tant et si bien qu’ils en deviendraient à moitié frappadingues, à l’exemple de Cadel Evans, qu’on a vu s’engager avec effroi, au moment de l’apéritif, dans l’échappée du kilomètre 15.
L’Australien, -qui n’avait pas besoin de ça,- s’est mis le reste de la bande à dos, refusant de quitter l'embarcation que sa présence condamnait à couler rapidement. Mais alors, que faire ? Ou bien vous restez sagement dans les roues, et Le Figaro vous traite d’assisté, de poltron, de minable, soit vous allez de l’avant, et Libération vous donne de l’arriviste, de l’arrogant, voire du facho, tout ça parce que, issu de la haute, vous faites votre vie sans soucis des petits.
Heureusement, il demeure encore, ça et là, quelques nobles intentions.
« Ça sera pas facile d’attaquer ces vermines d’Astana, mais je vais essayer », annonçait, par exemple, le jeune Schleck au village-départ.
A quatre kilomètres du sommet du Col d’Agnès, le voilà donc qui fait partir un feu de broussailles à l’aide d’une petite boîte d’allumettes dérobée à Bjarne Riis pendant son sommeil. Hélàs, la sirène n’a même pas besoin de se mettre en branle. Les Astana ne sortent pas la grande échelle, mais une simple couverture. L’incendie est étouffé sans avoir fait de fumée, et Andy, un peu piteux, rappelé en queue de peloton pour venir chercher des bidons.
Ces menus sabotages à l'arrière permettent à l’échappée de se déchirer royalement, sous l’influence du fourbe Sanchez.
"L’équipe d’Efimkin se cherche un nouveau sponsor, il était dans l’obligation d’attaquer" confiera-t-il, à peine la ligne franchie. "Je le connais bien, parce qu’il est sorti avec ma soeur à une époque. Je me méfiais donc, car, d’après elle, c’est un rapide. A dix kilomètres de l’arrivée, je suis allé voir Astarloza pour lui raconter qu’Efimkin avait dit des saloperies sur son compte. Après quoi, j’ai procédé de même avec Casar. Dès lors, l’ambiance était tellement éxécrable que ça a été un jeu d’enfant de tous les régler au sprint. Je dois dire que je suis assez fier de ma course. C’est une belle victoire, que je dédie à mes enfants."
Nocentini, momentanément dépossédé de son maillot jaune dans la dernière montée, parvient à rentrer torse nu sur le groupe Contador, low tempo, qui avait décidé de louer une journée supplémentaire son leadership à l’équipe AG2R. Une façon comme une autre de faire rentrer l’argent dans les caisses, quand on domine son secteur.
Demain, à la veille du premier jour de repos, nouvelle phase des préliminaires interminables des libidineux Prudhomme et Pescheux, sous forme de speed-dating (180km seulement) à travers Aspin et Tourmalet. Les coureurs sauront-ils profiter du coin de prairie mis à leur disposition pour s’adonner aux joies du saute-mouton ?
Pascal d’Huez, envoyé spécial.
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