TRIOMPHE DISCRET AU MONT VANTARD
25.7.09

Le Ventoux est une espèce de vétéran de la Corée, qui se gargarise du récit de ses campagnes en caressant son crâne chauve. Il faut voir comme il flambe ! Comme il se la raconte avec son ascension mythique, la peau de Tom Simpson tendue au mur de son salon, et les poumons d’Eddy Merckx sous cloche de verre !
Aujourd’hui, on allait voir ce qu’on allait voir. Le vieux nous bassinait depuis des mois au sujet de l’énormité de l’étape qui devait se jouer sur ses pentes. Il entretenait le buzz, laissait sur mon répondeur des rumeurs de défaillance, utilisait les mots chambard et chambardement. Ah ! Au terme de longues années de manigance, il n’était pas peu fier d’avoir enfin été choisi président du jury. Il riait de la vexation subie par ses rivaux Alpe d’Huez et Tourmalet, et sans doute hélàs, n’en dormait plus depuis longtemps.
Ce matin, à l’instar des sièges de camping dans le coffre de la voiture, le Tour était plié.
La cave était bientôt vide. Demeurait un seul enjeu, une seule bouteille : la 3ème place du podium final, briguée par quatre gus. Ce genre de bibine pourra paraître insipide à celle ou celui qui suit le cyclisme une fois l’an. Pour le passionné, c’est du nanan.
La course commençait bien pourtant. Rien à redire sur le tracé à la mine de plomb des stylistes Prud’homme et Pêcheux. Comme d’habitude, une poignée de troisièmes couteaux valeureux anime l’après-midi par un set de reprises, avant de laisser la route aux vedettes. En chemin, ils croisent des véhicules de pompiers déboulant à contre-sens. Un incendie s’est déclaré au bas du Col des Abeilles. Ca sent l’allumette et Lance Armstrong a déjà la main sur l’extincteur.
A vingt kilomètres de l’arrivée, le peloton amorce la montée par Bédoin. Ce nom seul – hérité des temps anciens où la commune figurait déjà sur la route des caravanes – suffit à faire frémir le cyclosportif. Plusieurs accès mènent en haut du Ventoux. Imaginez que vous soyez une fourmi, et le Mont un obèse allongé sur le dos. Le gravir par Bédoin signifie que vous l’attaquez directement par les basses-côtes.
Au pied, où il existe encore un peu d’ombre, à la faveur de quelques arbres protégés par l’UNESCO, Andy Schleck secoue la branche, obnubilé par l’idée folle d’emmener son frère Frank sur le podium à Paris. Hélàs pour eux, le vieux Lance ne lâche rien. La demi-douzaine d’assauts vains des champions du Lux ne suffira pas à lâcher l’Amerloque, poutrelle du même métal que celui dont on fait les gratte-ciels.
Au final, Garate et Martin, partis bien avant la bagarre, se départagent au sprint à l’avantage de l’Espagnol. Les cadors arrivent ensuite, dans la même poignée de secondes. Rien ne bouge, ou presque.
Le Ventoux, qui nous promettait de l’orage et des risques d’éboulis, est resté assoupi. Peut-être faut-il y voir un effet de sa misanthropie, vu le nombre de casse-pieds venus ce samedi encourager les coureurs et détruire par inadvertance les derniers nids de psammodromes, un lézard menacé.
Dans le TGV qui nous ramène en Seine-et-Marne, les positions restent inchangées. Contador est à l’avant de la voiture 1 ; Andy, assis pas loin derrière, se retourne toutes les deux minutes pour s’assurer que son frère est bien installé ; et Armstrong, au milieu, s’accapare le droit de tirer le rideau du carré affaires qu’il partage avec Klöden et Wiggins.
Voilà du moins, lecteur, ce que je tente de baratiner à N’importe-Quoi, l’hôtesse blonde du Prix de l’audace Ballantines-Finaref, qui, n’ayant pas trouvé de place, doit se farcir le voyage en ma compagnie, sous une table du wagon-bar.
Pascal d’Huez, envoyé spécial.
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