SOUFFRANCES DU JEUNE VOECKLER
8.7.09
Après un début de semaine réservé par la jet-set, la victoire à Perpignan de Thomas Voeckler vient opportunément faire la réclame de la patience et du dénuement.
L’éternel Ti-Blanc du Tour 2004, dix fois porteur du maillot jaune, héros de la résistance, ayant tenu tête aux multinationales avec pour seule arme sa brioche, reste aujourd’hui encore la frimousse la plus populaire du peloton national et l’un de ses représentants les plus consistants.
Rien d'étonnant à cela.
Dans son coin, où l’on ne l’a jamais vu qu’à vélo, cet humble champion est un modèle pour tous. Les écoliers, le gendarme, les ambulanciers de l’Ouest, mais aussi le soleil, la pluie, et plus souvent, la grêle, aiment à l’accompagner quelques hectomètres sur la route de la Grimoire ou de la Génétouze, avant, hélàs, de devoir abandonner la partie face à sa persévérance. Car c’est un dur au mal. Un qui fabrique chacun de ses succès de ses propres mains, quand il n’est pas rare qu’il ait lui-même planté puis coupé les fleurs qu’on lui offre à l’arrivée, dans un pot qu’il a souvent lui-même cuit.
Son dopant ? Un morceau de bœuf ou de cheval enroulé dans du papier journal, que son épouse aura glissé dans sa musette la veille au soir; et, les jours fériés, un mouchoir imprégné de Viandox qu’il aura tout loisir d’inhaler au terme d’une série de sprints en côte, afin de récompenser les jambes et l’esprit. Ah ! On est loin des produits miracles des gars de la ville, avec leurs cheveux qui tiennent tout seuls, à coups de dieu sait quelle substance formule plus ! Loin des tripèdes des planètes Astana et Saxo, avec leurs couloirs de vent, leurs stratèges importés de la Nasa, et leurs plages de récupération de trois semaines.
Chez Thomas le brave, pas de jour de repos.
Quand, au bout de dix heures à rouler, la peine décline et fait place à un sentiment de bien-être, c’est qu’il est grand temps d’arrêter. Briquer la bécane dans la grange, puis se foutre au pieu avant le journal de 20 heures, avec, de préférence, trois cailloux dans l’estomac, pour ne pas être tenté de se relever dans la nuit croquer un bout de pain sec dans le garde-manger.
Le lendemain, rebelote à 5 heures. Une ricorée sans sucre, puis retour sur la route, bienveillamment rendue humide par les copains de la voierie.
Laissant souffler son dir spor au bar-tabac, le jeune Voeckler s’accorde quelquefois une halte dans le bois. Il aime à s’y tailler de nouvelles cales dans le tronc d’un chêne, qui remplaceront avantageusement les anciennes, -du peuplier,- qui avaient pris du jeu.
Sur le chemin du retour, par sa seule volonté, il pédale en tentant de retenir la sueur qui coule sur ses joues d’enfant tachées de rousseurs, car c’est un peu rageant, -c’est vrai- de laisser si facilement s’échapper les protéines offertes par la soupe du soir, quand elles pourraient encore rester au fond du corps, fournir l’énergie nécessaire à l’accomplissement de trente bornes supplémentaires.
Tous vous le diront. Ses faits d’armes sont légendaires. Combien de fois l’a-t-on retrouvé sans connaissance sur sa machine, le cerveau endormi, tandis que ses cuisses, par un mouvement réflexe, tournaient encore ?
Félicitations à toi, vaillant coureur à l’ancienne, qui travaille la route comme une terre, dans l’espoir qu’elle te rende tes efforts. Il fallait t’admirer, sitôt la ligne coupée. Appuyé sur ta fourche, tu contemplais ton sillon, heureux du labeur accompli, et ne désirant déjà plus rien d’autre que de partager le vin avec tes frères, Bbox boys aux ventres tendres mais à l’esprit fier, définitivement vengés de leurs misères d’hier.
Demain, poursuite du rallye balnéaire et arrivée de nos teufeurs sur la Costa Brava.
Pascal d’Huez, envoyé spécial.
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