UN K-WAY NOMMÉ DÉSIR
17.7.09
De Vittel à Colmar, les coureurs ont passé l’après-midi à couper en deux les limaces égarées entre les flaques. Par un temps d’automne qui sentait bon son Tour de Lombardie, le Col du Platzerwasel – où s’était déjà abattu autrefois le déluge sur la casquette d’un Poulidor défaillant- n’a pas manqué à sa triste réputation. Le coin est pour le moins malsain. Et ce n’est pas le rabobant Oscar Freire, victime d’un tir de carabine à plombs dans la cuisse, qui viendra y faire marcher l’industrie de la carte postale.
Fort heureusement, devant ce triste ragoût de k-ways jaunes et marrons qui peinait à bouillonner, l’imper du fringant Heinrich Haussler est venu réveiller notre appétit. Mieux qu’une sensation, c’est un sentiment ! L’ancien poupon sprinter de la Gerolsteiner est devenu, le temps d’un début de saison éblouissant, un champion amphibie au potentiel remarquable.
Aussi, en récompense à son talent, est-ce dans la plus parfaite solitude que le Cervélo est arrivé en Alsace, bien avant tout le monde, après avoir gentiment déposé son compagnon d’échappée Chavanel sous un abri-bus à cinquante bornes du finish. Ami de la pluie et de toutes les dépressions, Haussler a tenu à apporter sa contribution à la thématique du jour en se mettant à pleurer sous la banderole d’arrivée, pourtant suffisamment glissante.
Ironie du sort, alors qu’on arrive tout près du Rhin, force est de constater que nos amis allemands n’ont pas de veine avec leurs cyclistes. Ce jeune Heinrich, bénéficiant de la double nationalité germano-autralienne, souhaite vivement se débarrasser de la première, et ceci, dès les prochains championnats du monde. Hambourg ?... Ou la grande barrière de corail ? Scorpions ?... Ou l’opéra de Sydney ? Chacun fera son choix en son âme et conscience. Quant à notre du héros du jour, sa spectaculaire perte de poids (5 kilos en un an) ne laisse planer aucun doute sur le modèle qui a sa préférence. Plutôt Ian Thorpe que Jan Ullrich.
Et pour la grande bagarre, vous demandez-vous ?
Que dalle. Nib. La mire de l’ORTF.
Les gros bonnets semblaient frigorifiés.
Cinq cols au programme et l’abandon de Leipheimer n’ont pas suffit à donner confiance aux Schleck et compagnie.
Dans le cyclisme moderne, l’attaque massive et préméditée ne s’opère qu’en cas d’absolue nécessité, c’est-à-dire, bien souvent, trop tard, voire jamais. La faute à la société. Personne n’a envie de passer pour un poète en allant s’emplafonner contre le vent, à l’heure où les coups de pédale nécessaires à l’exploit semblent aussi comptés que les calories sur la petite balance du diététicien.
Résultat de cette mentalité de merde, les Astana sont sur le point de réussir leur funeste projet d’inspiration ultra-libérale : Réduire la durée du Tour à une semaine. Une partie blitz. En un coup sec. Qui pourrait bien sourire au plus roublard de la bande.
Nonobstant tous les pronostics, me voici ce soir à Besançon, ville célèbre pour son relatif anonymat, où la course accostera demain soir.
Enfin à l’abri de la pluie, je dors sur le siège passager d’une inconnue qui a eu la gentillesse de me prendre en stop, tandis que, debout dans les flaques, je grelottais, non pas de froid, mais du saisissement d’avoir vu passer devant moi l'immense, l'inoui, l'invraisemblable Tour de France.
Pascal d’Huez, envoyé spécial.
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