BIEN RAIDE
8.7.12
Bien calé dans le fauteuil Trigano
affrété par mon aide-soignante, je distingue à travers mes
jumelles d'opéra une escouade d'échappés approcher la Planche des
Belles Filles.
Il est 16h30, et ils sont sept prétendants, qui découvrent le final avec une minute d'avance sur les autres.
Comme, ces dernières années, la première étape d'escalade a souvent déçu, on se dit que c'est peut-être jouable pour Luis Leon Sanchez, le plus capable de la bande. Caramelle, l'innocente, me demande même si, d'aventure, Fabian Cancellara ne pourrait pas compter sur le marquage des favoris pour conserver son maillot jaune jusqu'au jour de repos (mardi).
Mais soudain, la Réalité, tel l'hélicoptère de la télévision masquant le soleil de ses pales rotatives, vient projeter sur le peloton son ombre visqueuse.
Les éclopés sont les premiers touchés par la brutale levée de la route. On leur demande de payer comptant de copieux agios sur leur découvert d'efforts des jours derniers. Les coutures craquent, les points de suture sautent les uns après les autres. Rotules à l'air, cubitus au vent, on serre les dents.
Rapidement, on sait qu'on n'abordera pas les belles filles en noeud pap et pantalon Smalto, mais plutôt dépenaillés et sentant le léopard.
Structure abîmée, le peloton casse en deux au bas de la montée.
C'est la panique. On sort les chaloupes.
Valverde, le bras bandé, ne trouve rien mieux à faire que crever (le pneu arrière).
Plus loin, le maillot vert Peter Sagan, rapidement décroché, exprime enfin ses limites.
Au beau milieu des Vosges, le rideau s'ouvre sur un décor d'Alpe d'Huez. De chaque côté d'un mur de bitume peinturluré, une foule multicolore agitée par le vent produit par les coureurs, encourage les athlètes à aller plus loin dans la douleur. Quel drôle de modèle de société, le Tour de France, quand on y pense.
Il n'y a pas à dire, la pente est raide à souhait.
Tous debout sur les pédales, tandis que Cadel Evans rampe en troisième position, la Sky veille. Frank Schleck est furieux : la bosse est plus dure que ne le signalait le road-book. Trop dure pour les ardennais : Vino, puis Philippe Gilbert redeviennent de simples bonshommes.
Les Sky, casques jaunes, lunettes glaces, jouent le service d'ordre, les Hell's Angels. Installés à quatre à la pointe de l'attaque, ils percutent la roche à grands coups de cuisse, ne laissant à personne le soin d'espérer aucune tentative d'évasion. Cette étape marquera à tout jamais l'accession d'un nouveau team au firmament des équipes fameuses qui, par le passé, etouffèrent de leur puissance les rêves d'une course débridée. Tel le train US Postal, tel le coffre-fort Banesto, la Sky préfigure une entreprise de BTP, venue sur le Tour de France pour construire le long des routes des chapelets d'immeubles en béton.
Les Sky durcissent, durcissent.
Ils sont comme une mèche hélicoïdale qui s'enfonce dans la route.
La bête humaine Richie Porte mène le train. Ils isolent Cadel Evans, puis Vincenzo Nibali, Denis Menchov, Rein Taramae...
Porte claque, Christopher Froome accélère. Pierre Rolland, épatant de courage après la chute qui l'a jeté au sol, les côtes en vrac, finit par lâcher, en compagnie du vétéran Zubeldia. Menchof s'asphyxie plus sûrement qu'un poisson forcé à traverser un champ.
Froome a de la ressource. C'est l'homme du jour. Il contre Cadel, et donnant tout ce qui lui reste (il semble, l'animal, en avoir encore sous la pédale), règle le groupe des survivants avec une poignée de secondes sur son leader.
Au final, l'aîné Schleck paye sa minute. Samu sa minute trente. Spartacus 2', Voeckler partage l'addition, correct.
Tandis que Gérard Holtz enrichit sa collection des accents de France avec le Francilien Christophe Riblon, les sans-grade déjà arrivés repartent par leurs propres moyens, à bicyclette. Redescendre en quelques minutes ce qu'on a tant peiné à monter : bien un truc de cycliste. En chemin, ils croisent ceux qui en sont encore dans le dur et s'amusent à les charrier.
Ce soir, sirotant un dernier petit perroquet dans la bagnole conduite en amazone par ma joyeuse garde-malade, je m'interroge : comment s'y prendre pour battre Wiggins ?
Son héros, dit-il dans les journaux, est Miguel Indurain, ce qui n'augure rien de bon. Meilleur contre la montre et indéboulonnable en montagne grâce à son équipe surpuissante, le Britannique, désormais en jaune, fiche le bourdon.
Faut-il écourter l'aventure et rentrer à Paris ?
Pourquoi pas, car la tâche se complique davantage au vu du nombre de coureurs encore capables de gagner l'épreuve. Evans, Nibali... Ou bien Froome, peut-être, au cas où Wiggins souffrirait d'insuffisance respiratoire en altitude ?
Il est 16h30, et ils sont sept prétendants, qui découvrent le final avec une minute d'avance sur les autres.
Comme, ces dernières années, la première étape d'escalade a souvent déçu, on se dit que c'est peut-être jouable pour Luis Leon Sanchez, le plus capable de la bande. Caramelle, l'innocente, me demande même si, d'aventure, Fabian Cancellara ne pourrait pas compter sur le marquage des favoris pour conserver son maillot jaune jusqu'au jour de repos (mardi).
Mais soudain, la Réalité, tel l'hélicoptère de la télévision masquant le soleil de ses pales rotatives, vient projeter sur le peloton son ombre visqueuse.
Les éclopés sont les premiers touchés par la brutale levée de la route. On leur demande de payer comptant de copieux agios sur leur découvert d'efforts des jours derniers. Les coutures craquent, les points de suture sautent les uns après les autres. Rotules à l'air, cubitus au vent, on serre les dents.
Rapidement, on sait qu'on n'abordera pas les belles filles en noeud pap et pantalon Smalto, mais plutôt dépenaillés et sentant le léopard.
Structure abîmée, le peloton casse en deux au bas de la montée.
C'est la panique. On sort les chaloupes.
Valverde, le bras bandé, ne trouve rien mieux à faire que crever (le pneu arrière).
Plus loin, le maillot vert Peter Sagan, rapidement décroché, exprime enfin ses limites.
Au beau milieu des Vosges, le rideau s'ouvre sur un décor d'Alpe d'Huez. De chaque côté d'un mur de bitume peinturluré, une foule multicolore agitée par le vent produit par les coureurs, encourage les athlètes à aller plus loin dans la douleur. Quel drôle de modèle de société, le Tour de France, quand on y pense.
Il n'y a pas à dire, la pente est raide à souhait.
Tous debout sur les pédales, tandis que Cadel Evans rampe en troisième position, la Sky veille. Frank Schleck est furieux : la bosse est plus dure que ne le signalait le road-book. Trop dure pour les ardennais : Vino, puis Philippe Gilbert redeviennent de simples bonshommes.
Les Sky, casques jaunes, lunettes glaces, jouent le service d'ordre, les Hell's Angels. Installés à quatre à la pointe de l'attaque, ils percutent la roche à grands coups de cuisse, ne laissant à personne le soin d'espérer aucune tentative d'évasion. Cette étape marquera à tout jamais l'accession d'un nouveau team au firmament des équipes fameuses qui, par le passé, etouffèrent de leur puissance les rêves d'une course débridée. Tel le train US Postal, tel le coffre-fort Banesto, la Sky préfigure une entreprise de BTP, venue sur le Tour de France pour construire le long des routes des chapelets d'immeubles en béton.
Les Sky durcissent, durcissent.
Ils sont comme une mèche hélicoïdale qui s'enfonce dans la route.
La bête humaine Richie Porte mène le train. Ils isolent Cadel Evans, puis Vincenzo Nibali, Denis Menchov, Rein Taramae...
Porte claque, Christopher Froome accélère. Pierre Rolland, épatant de courage après la chute qui l'a jeté au sol, les côtes en vrac, finit par lâcher, en compagnie du vétéran Zubeldia. Menchof s'asphyxie plus sûrement qu'un poisson forcé à traverser un champ.
Froome a de la ressource. C'est l'homme du jour. Il contre Cadel, et donnant tout ce qui lui reste (il semble, l'animal, en avoir encore sous la pédale), règle le groupe des survivants avec une poignée de secondes sur son leader.
Au final, l'aîné Schleck paye sa minute. Samu sa minute trente. Spartacus 2', Voeckler partage l'addition, correct.
Tandis que Gérard Holtz enrichit sa collection des accents de France avec le Francilien Christophe Riblon, les sans-grade déjà arrivés repartent par leurs propres moyens, à bicyclette. Redescendre en quelques minutes ce qu'on a tant peiné à monter : bien un truc de cycliste. En chemin, ils croisent ceux qui en sont encore dans le dur et s'amusent à les charrier.
Ce soir, sirotant un dernier petit perroquet dans la bagnole conduite en amazone par ma joyeuse garde-malade, je m'interroge : comment s'y prendre pour battre Wiggins ?
Son héros, dit-il dans les journaux, est Miguel Indurain, ce qui n'augure rien de bon. Meilleur contre la montre et indéboulonnable en montagne grâce à son équipe surpuissante, le Britannique, désormais en jaune, fiche le bourdon.
Faut-il écourter l'aventure et rentrer à Paris ?
Pourquoi pas, car la tâche se complique davantage au vu du nombre de coureurs encore capables de gagner l'épreuve. Evans, Nibali... Ou bien Froome, peut-être, au cas où Wiggins souffrirait d'insuffisance respiratoire en altitude ?
Pascal d'Huez, sur la route du Tour de
France.
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