LE DÉRAILLEUR EN FLANELLE
20.7.10
Suite à un énième rebondissement, El Pistolero retrouve son beau maillot jaune dans un concert de ouin ouin. Andy Schleck, coupé net dans son attaque par un saut de chaîne, l’a amer. Il n’est plus le copain d’Alberto, coupable d’être parti jouer sans lui.
Ah ! L’André ! Le Ber ! La grande asperge et le pois sauteur ! L’été que nous font passer ces deux galopins ! Avant ce lundi 19, 16h44, tout souriait à leur amitié naissante. De force égale, seules stars du Tour depuis le râteau d’Armstrong dans les Alpes, ils traversaient l’épreuve, insolents, avec la facilité de gamins jouant à chat. Loin des bassesses de la vie d’adulte et sans conscience du danger, ils franchissaient les cols comme on plonge dans le toboggan de l’Aquaboulevard.
Ce lundi, au pied de la pente en forme de pomme de terre du Port de Balès, les Saxo nous régalent d’un puissant chorus. Stan O’Grad’ en tête, puis Charlie Sorensen, Ornette Fuglsang, se relaient pour assurer un tempo d’enfer. Doo wap, doo wap, swingue Bjarne Riis au volant de sa voiture. On se dit qu’un tel déploiement de force laisse augurer un superbe coup de bluff de la part d’Andy. Et en effet, rien ne se passe.
L’ascension, bien que menée tambour battant, n’en finit pas. Pas besoin de feuille de route, l’identité des coureurs lâchés nous informe de la distance jusqu’au sommet. Wiggins décroche ? Encore dix bornes. Armstrong ? Restent huit. Evans ? Plus que cinq. C’est alors, tandis que, supposant le status-quo, je me décide à perdre momentanément la course de vue pour m’extirper d’un maillot Mapei trop petit, que l’attaque survient.
Andy Schleck a accéléré. Sans doute lassé d’entendre les halètements des besogneux dans sa nuque, il emmène avec lui la crème de la crème. Alberto bien sûr, et aussi Sanchez, le grand Manche, et Van den Branque.
Mais bientôt, déçu sans doute de n’avoir pas fait plus de dégâts, le grand Lux joue les indolents : il louvoie, fait semblant de rentrer à Rotterdam, veut bien, puis ne veut plus. Aussitôt, c’est toute la bande de gueux dépenaillés qui rapplique de l’arrière, gueules difformes et édentées, réclamant toujours, soit un bidon, soit une roue. Contador semble s’être fait une raison. Il est le meilleur. Si Schleck conteste ce point de vue, qu’il s’avance.
On retiendra donc qu’à trois kilomètres du sommet, sans crier gare, lorsque les arbres devenus rares laissaient enfin entrevoir l’autre versant, Andy Schleck, maillot jaune sur les épaules, a tenté de se faire la belle. Il part bien, d’abord, tout en souplesse, depuis l’intérieur du groupe. Contador, aux corneilles, se fait les ongles et lui laisse prendre vingt mètres. Un Astana part à la chasse du fugitif, mais ce n’est pas celui qu’on croit, c’est Vino. Attention, tout va se passer très vite. Un cric, un crac et Schleck s’arrête en plein vol, pédalant dans le vide. Fait-il encore l’andouille ? Non. Sa chaîne a sauté. Au pire moment. Le jeune Albert, qui s’était déjà rebiffé, passe outre l’incident et abandonne son super pote à sa galère. Pas de bol pour Andy, il s’emmêle les pinceaux au moment même où la guerre s’engage. Et pas trop adroit avec ça, puisqu’il lui faudra une dizaine de secondes avant de repartir, du cambouis plein les mains et du bleu à l’âme.
La descente est épique. Contador combat les scrupules en attaquant les virages. A ce jeu, c’est Samuel Sanchez le virtuose. L’Euskaltel dessine des courbes qui en feront un excellent tatoueur lorsqu’il raccrochera le bicloune.
Trente secondes plus loin, le Saxo triste prend des risques, mais ne descend pas très bien. L’écart se creuse et ne se comblera pas.
Comme on pouvait hélas le deviner, la polémique s’est mise à enfler dès la ligne franchie. D’ignobles sifflets ont accompagné les retrouvailles d’Alberto avec son yellow tricot, venus de la bouche épaisse de formidables imbéciles allant répétant qu’on n’attaque pas un maillot jaune à terre. Mais qu’est-il arrivé de si fâcheux à Andy qui nécessite l’arrêt des hostilités, sinon une petite erreur technique imputable à sa nervosité ? Ceci n’a rien à voir avec les cas de force majeure que constituent la chute ou l’enlèvement bête par un ours des Pyrénées. A ce stade, le flair-play consisterait pour Andy à ne pas gâcher la réussite de son adversaire par ses pleurnicheries sur le sort. Du cran, nom d’un chien !
Ne soyons cependant pas trop sévère avec le petit prince de Luxembourg, son amertume, ce soir, devait autant à la déception qu’à la honte de s’être ainsi fait attraper. A vrai dire, sa mésaventure ne change pas grand chose à la donne. Combien de secondes aurait-il gagné sans cette maudite chaîne, s’il était parvenu à résister à Contador jusqu’au sommet ? Peut-on sincèrement penser que l’Albert ne l’aurait pas rejoint dans la descente ?
Andy se déclare en colère. Il promet de rendre justice.
Nous lui donnons rendez-vous avec grand plaisir, à l’heure et au lieu qu’il aura choisi. Le panache est désormais sa seule issue.
Un mot tout de même de Thomas Voeckler, champion de France et des Pyrénées, qui remporte l’étape selon la recette déjà éprouvée la veille par son compatriote, Grand Blond. Un triple bravo donc pour celui qui a perdu sa rondeur et ses taches de rousseur, mais nullement sa vaillance, ainsi qu’on le soulignait déjà il y a un an, dans un article qui, lui, n’a rien perdu de sa fraîcheur (voir 8/07/09).
Ah, monde instable ! Terrains mouvants des sociétés sans dieux ! Plus rien définitivement n’est comme avant. Les Français écœurent le peloton mondial et Lance, en plein Tour pourtant, trouve le temps de prendre la pose avec les anciens du groupe Modern Talking, comme lui rangés des affaires.
Pascal d’Huez, depuis l'aire de la Bidouze, Bagnères-de-Luchon.
Ah ! L’André ! Le Ber ! La grande asperge et le pois sauteur ! L’été que nous font passer ces deux galopins ! Avant ce lundi 19, 16h44, tout souriait à leur amitié naissante. De force égale, seules stars du Tour depuis le râteau d’Armstrong dans les Alpes, ils traversaient l’épreuve, insolents, avec la facilité de gamins jouant à chat. Loin des bassesses de la vie d’adulte et sans conscience du danger, ils franchissaient les cols comme on plonge dans le toboggan de l’Aquaboulevard.
Ce lundi, au pied de la pente en forme de pomme de terre du Port de Balès, les Saxo nous régalent d’un puissant chorus. Stan O’Grad’ en tête, puis Charlie Sorensen, Ornette Fuglsang, se relaient pour assurer un tempo d’enfer. Doo wap, doo wap, swingue Bjarne Riis au volant de sa voiture. On se dit qu’un tel déploiement de force laisse augurer un superbe coup de bluff de la part d’Andy. Et en effet, rien ne se passe.
L’ascension, bien que menée tambour battant, n’en finit pas. Pas besoin de feuille de route, l’identité des coureurs lâchés nous informe de la distance jusqu’au sommet. Wiggins décroche ? Encore dix bornes. Armstrong ? Restent huit. Evans ? Plus que cinq. C’est alors, tandis que, supposant le status-quo, je me décide à perdre momentanément la course de vue pour m’extirper d’un maillot Mapei trop petit, que l’attaque survient.
Andy Schleck a accéléré. Sans doute lassé d’entendre les halètements des besogneux dans sa nuque, il emmène avec lui la crème de la crème. Alberto bien sûr, et aussi Sanchez, le grand Manche, et Van den Branque.
Mais bientôt, déçu sans doute de n’avoir pas fait plus de dégâts, le grand Lux joue les indolents : il louvoie, fait semblant de rentrer à Rotterdam, veut bien, puis ne veut plus. Aussitôt, c’est toute la bande de gueux dépenaillés qui rapplique de l’arrière, gueules difformes et édentées, réclamant toujours, soit un bidon, soit une roue. Contador semble s’être fait une raison. Il est le meilleur. Si Schleck conteste ce point de vue, qu’il s’avance.
On retiendra donc qu’à trois kilomètres du sommet, sans crier gare, lorsque les arbres devenus rares laissaient enfin entrevoir l’autre versant, Andy Schleck, maillot jaune sur les épaules, a tenté de se faire la belle. Il part bien, d’abord, tout en souplesse, depuis l’intérieur du groupe. Contador, aux corneilles, se fait les ongles et lui laisse prendre vingt mètres. Un Astana part à la chasse du fugitif, mais ce n’est pas celui qu’on croit, c’est Vino. Attention, tout va se passer très vite. Un cric, un crac et Schleck s’arrête en plein vol, pédalant dans le vide. Fait-il encore l’andouille ? Non. Sa chaîne a sauté. Au pire moment. Le jeune Albert, qui s’était déjà rebiffé, passe outre l’incident et abandonne son super pote à sa galère. Pas de bol pour Andy, il s’emmêle les pinceaux au moment même où la guerre s’engage. Et pas trop adroit avec ça, puisqu’il lui faudra une dizaine de secondes avant de repartir, du cambouis plein les mains et du bleu à l’âme.
La descente est épique. Contador combat les scrupules en attaquant les virages. A ce jeu, c’est Samuel Sanchez le virtuose. L’Euskaltel dessine des courbes qui en feront un excellent tatoueur lorsqu’il raccrochera le bicloune.
Trente secondes plus loin, le Saxo triste prend des risques, mais ne descend pas très bien. L’écart se creuse et ne se comblera pas.
Comme on pouvait hélas le deviner, la polémique s’est mise à enfler dès la ligne franchie. D’ignobles sifflets ont accompagné les retrouvailles d’Alberto avec son yellow tricot, venus de la bouche épaisse de formidables imbéciles allant répétant qu’on n’attaque pas un maillot jaune à terre. Mais qu’est-il arrivé de si fâcheux à Andy qui nécessite l’arrêt des hostilités, sinon une petite erreur technique imputable à sa nervosité ? Ceci n’a rien à voir avec les cas de force majeure que constituent la chute ou l’enlèvement bête par un ours des Pyrénées. A ce stade, le flair-play consisterait pour Andy à ne pas gâcher la réussite de son adversaire par ses pleurnicheries sur le sort. Du cran, nom d’un chien !
Ne soyons cependant pas trop sévère avec le petit prince de Luxembourg, son amertume, ce soir, devait autant à la déception qu’à la honte de s’être ainsi fait attraper. A vrai dire, sa mésaventure ne change pas grand chose à la donne. Combien de secondes aurait-il gagné sans cette maudite chaîne, s’il était parvenu à résister à Contador jusqu’au sommet ? Peut-on sincèrement penser que l’Albert ne l’aurait pas rejoint dans la descente ?
Andy se déclare en colère. Il promet de rendre justice.
Nous lui donnons rendez-vous avec grand plaisir, à l’heure et au lieu qu’il aura choisi. Le panache est désormais sa seule issue.
Un mot tout de même de Thomas Voeckler, champion de France et des Pyrénées, qui remporte l’étape selon la recette déjà éprouvée la veille par son compatriote, Grand Blond. Un triple bravo donc pour celui qui a perdu sa rondeur et ses taches de rousseur, mais nullement sa vaillance, ainsi qu’on le soulignait déjà il y a un an, dans un article qui, lui, n’a rien perdu de sa fraîcheur (voir 8/07/09).
Ah, monde instable ! Terrains mouvants des sociétés sans dieux ! Plus rien définitivement n’est comme avant. Les Français écœurent le peloton mondial et Lance, en plein Tour pourtant, trouve le temps de prendre la pose avec les anciens du groupe Modern Talking, comme lui rangés des affaires.
Pascal d’Huez, depuis l'aire de la Bidouze, Bagnères-de-Luchon.
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