ARMSTRONG DANS UN BAD DAY
12.7.10
Maillots ouverts, poitrines offertes, les coureurs expérimentent la fournaise.
La Radioshack se désagrège dans la Ramaz comme le beurre dans la poële. Ca saute partout. Armstrong est cuit. Il court avec l’équipe la plus faible qu’il ait jamais eu. On se dit qu’il a sans doute pêché par précipitation, quand en juillet dernier, il avait semblé plus soucieux de dépouiller Contador de ses équipiers que de bâtir une formation originale.
Dès la plaine, des chutes ont provoqué des trous dans les cuissards. Astucieux, pour qui souffre de la chaleur et cherche à se donner un peu d’air ! Cadel Evans, comme à son habitude, se gauffre en privilégiant le côté gauche, de la cuisse à l’épaule. C’est ensuite au tour d’Armstrong. A un rond-point idiot, il percute le trottoir et déjante. Le voilà déjà dans le vent, obligé de revenir fissa avant que les Astana ne s’attaquent goulument au premier des premières cat. Le début d’un calvaire presque comique tant il semble que le Lancier d’Austin a connu en une seule journée plus de déveine qu’il n’en avait souffert durant tous ses étés français réunis.
A la première accélération du groupe des leaders, le Seven Up, pansé au coude, déchiré au cul, lâche prise. Le temps d’appeler le docteur Porte sur son mobile pour prendre des nouvelles, on le retrouve à la merci du grupetto, crachant sa gloire, planté sur la pente irréversible de la pyramide des âges. En voyant Armstrong dans cet état, le cœur pince. On se souvient de Greg LeMond disparaissant dans la voiture-balai une après-midi caniculaire de l’été 92, laissé sur le carreau, du plomb plein les artères, à cinquante minutes de la tête. Son regard bleu, dans l’ombre fraîche de l’ambulance, laissait photographier la preuve que le temps était fini des succès et de l’arrogance. Il s’était fait attraper le mollet par surprise alors qu’il se pensait encore apte au triomphe. Une jeunesse s’achevait.
Armstrong ne convainc personne quand il invoque ce soir aux micros des journalistes la malchance, le bad day.
Quoi ? C’était donc ça, le croquemitaine que personne n’osait défier ? Le champion absolu qui faisait baisser les yeux des néophytes ? Ce petit vieux retrouvé hagard sur la route de Morzine ?
Armstrong est nu. Il a eu ce qu’il était venu chercher, comme un petit enfant curieux cherche sa baffe. Il n’ignorait pas que la fin viendrait, mais, incrédule, voulait l’entendre de sa chair. Cet après-midi, il a reçu la confirmation qu’il est mortel autant que les autres– voire même un peu plus-. Lui voilà retirée une belle épine du pied en vue des étapes à venir.
Pour le reste ?
La confirmation qu’Alberto est bien entouré. Ses Astana (Navarro, le loyal Vino) souffrent moins la chaleur que les Saxo du rival. Le petit peuple grimaçant qui formait le groupe de tête contient les cinq ou six coureurs qui vont jouer la gagne. Wiggins confirme qu’il peut suivre, en même temps qu’il confirme hélas qu’il ne peut que suivre. Kreuziger et Basso, du côté Liquigas, Menchov et Gesink, côté Rabobank, formeront une superbe haies de garçons d’honneur pour le futur vainqueur. Celui-là est encore à choisir parmi les trois célibataires Evans, Contador, et Andy Schleck. Alors que nous arrivons au tiers du parcours, rappelons-nous qu'un tel suspense n’est jamais garanti à ce stade de l’épreuve. C’est une bonne surprise, essentiellement due à l’attaque du petit Lux dans le dernier kilomètre, attaque brouillonne que le vainqueur sortant s’est pourtant révélé incapable de suivre. Les dégâts, bien peu importants –dix secondes perdues- pourraient donner des regrets à Schleck, qui aurait pu partir plus tôt. Mais ce dernier prétend avoir un plan.
En attendant, il gagne l’étape, -sa première dans le Tour,- et, plus grave, se donne confiance. Alberto a laissé la porte entrouverte à tous les espoirs. Une attitude bien peu responsable quand on souhaite faire le métier d’imbattable.
L’odeur devient alléchante et la cuisine abonde. A l'heure d'aborder la Maurienne, Evans –un peu court, mais terriblement résistant- parade en jaune. Schleck le talonne à vingt secondes. Albert, dans la minute, se trouve dans l’obligation de reprendre du temps à ces deux durs à la détente, ce qui sera tout sauf une partie de plaisir. Bref, Paul le poulpe s'emmêle les tentacules et n’a pas tranché.
Mais voilà qu’opportunément, les organisateurs viennent déposer dans le hall des hôtels un gros paquet enrubanné. Un jour chômé. Un lundi de l’ascension que l’on consacrera à aller faire du vélo, certes, mais sans douleur, entre compagnons de la même galère.
Ce sera alors l’occasion pour Armstrong et Bruyneel d’anticiper la suite. Pas l’après-carrière, non, ni même le devenir d’une équipe Radioshack dont on peut se demander si elle lui survivra, mais la stratégie à suivre pour animer ce Tour. Si le physique le permet, le Septuple est en mesure de finir comme il avait commencé, sous la peau d’un spécialiste des courses d’un jour. Certain de bénéficier d’un bon de sortie, il pourrait même oser la fin en apothéose sous la forme d’une échappée solitaire.
Qui sait même s’il ne tentera pas de disputer le maillot à pois au valeureux Pineau ?
Pascal d’Huez, depuis Morzine.
La Radioshack se désagrège dans la Ramaz comme le beurre dans la poële. Ca saute partout. Armstrong est cuit. Il court avec l’équipe la plus faible qu’il ait jamais eu. On se dit qu’il a sans doute pêché par précipitation, quand en juillet dernier, il avait semblé plus soucieux de dépouiller Contador de ses équipiers que de bâtir une formation originale.
Dès la plaine, des chutes ont provoqué des trous dans les cuissards. Astucieux, pour qui souffre de la chaleur et cherche à se donner un peu d’air ! Cadel Evans, comme à son habitude, se gauffre en privilégiant le côté gauche, de la cuisse à l’épaule. C’est ensuite au tour d’Armstrong. A un rond-point idiot, il percute le trottoir et déjante. Le voilà déjà dans le vent, obligé de revenir fissa avant que les Astana ne s’attaquent goulument au premier des premières cat. Le début d’un calvaire presque comique tant il semble que le Lancier d’Austin a connu en une seule journée plus de déveine qu’il n’en avait souffert durant tous ses étés français réunis.
A la première accélération du groupe des leaders, le Seven Up, pansé au coude, déchiré au cul, lâche prise. Le temps d’appeler le docteur Porte sur son mobile pour prendre des nouvelles, on le retrouve à la merci du grupetto, crachant sa gloire, planté sur la pente irréversible de la pyramide des âges. En voyant Armstrong dans cet état, le cœur pince. On se souvient de Greg LeMond disparaissant dans la voiture-balai une après-midi caniculaire de l’été 92, laissé sur le carreau, du plomb plein les artères, à cinquante minutes de la tête. Son regard bleu, dans l’ombre fraîche de l’ambulance, laissait photographier la preuve que le temps était fini des succès et de l’arrogance. Il s’était fait attraper le mollet par surprise alors qu’il se pensait encore apte au triomphe. Une jeunesse s’achevait.
Armstrong ne convainc personne quand il invoque ce soir aux micros des journalistes la malchance, le bad day.
Quoi ? C’était donc ça, le croquemitaine que personne n’osait défier ? Le champion absolu qui faisait baisser les yeux des néophytes ? Ce petit vieux retrouvé hagard sur la route de Morzine ?
Armstrong est nu. Il a eu ce qu’il était venu chercher, comme un petit enfant curieux cherche sa baffe. Il n’ignorait pas que la fin viendrait, mais, incrédule, voulait l’entendre de sa chair. Cet après-midi, il a reçu la confirmation qu’il est mortel autant que les autres– voire même un peu plus-. Lui voilà retirée une belle épine du pied en vue des étapes à venir.
Pour le reste ?
La confirmation qu’Alberto est bien entouré. Ses Astana (Navarro, le loyal Vino) souffrent moins la chaleur que les Saxo du rival. Le petit peuple grimaçant qui formait le groupe de tête contient les cinq ou six coureurs qui vont jouer la gagne. Wiggins confirme qu’il peut suivre, en même temps qu’il confirme hélas qu’il ne peut que suivre. Kreuziger et Basso, du côté Liquigas, Menchov et Gesink, côté Rabobank, formeront une superbe haies de garçons d’honneur pour le futur vainqueur. Celui-là est encore à choisir parmi les trois célibataires Evans, Contador, et Andy Schleck. Alors que nous arrivons au tiers du parcours, rappelons-nous qu'un tel suspense n’est jamais garanti à ce stade de l’épreuve. C’est une bonne surprise, essentiellement due à l’attaque du petit Lux dans le dernier kilomètre, attaque brouillonne que le vainqueur sortant s’est pourtant révélé incapable de suivre. Les dégâts, bien peu importants –dix secondes perdues- pourraient donner des regrets à Schleck, qui aurait pu partir plus tôt. Mais ce dernier prétend avoir un plan.
En attendant, il gagne l’étape, -sa première dans le Tour,- et, plus grave, se donne confiance. Alberto a laissé la porte entrouverte à tous les espoirs. Une attitude bien peu responsable quand on souhaite faire le métier d’imbattable.
L’odeur devient alléchante et la cuisine abonde. A l'heure d'aborder la Maurienne, Evans –un peu court, mais terriblement résistant- parade en jaune. Schleck le talonne à vingt secondes. Albert, dans la minute, se trouve dans l’obligation de reprendre du temps à ces deux durs à la détente, ce qui sera tout sauf une partie de plaisir. Bref, Paul le poulpe s'emmêle les tentacules et n’a pas tranché.
Mais voilà qu’opportunément, les organisateurs viennent déposer dans le hall des hôtels un gros paquet enrubanné. Un jour chômé. Un lundi de l’ascension que l’on consacrera à aller faire du vélo, certes, mais sans douleur, entre compagnons de la même galère.
Ce sera alors l’occasion pour Armstrong et Bruyneel d’anticiper la suite. Pas l’après-carrière, non, ni même le devenir d’une équipe Radioshack dont on peut se demander si elle lui survivra, mais la stratégie à suivre pour animer ce Tour. Si le physique le permet, le Septuple est en mesure de finir comme il avait commencé, sous la peau d’un spécialiste des courses d’un jour. Certain de bénéficier d’un bon de sortie, il pourrait même oser la fin en apothéose sous la forme d’une échappée solitaire.
Qui sait même s’il ne tentera pas de disputer le maillot à pois au valeureux Pineau ?
Pascal d’Huez, depuis Morzine.
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