L'AFFICHE EN DUR
1.7.10
De nouveau, une affiche officielle carabinée.
L’an dernier, le maillot jaune, artistiquement plissé par une professionnelle de l’origami, dessinait un col. Le col où on passe la tête ne faisait plus qu’un avec celui qu’on grimpe. Fausse bonne idée et analogie poussive. Le procédé rendait l’un et l’autre ridicules. Pendouillant à un porte-manteau invisible, le maillot jaune avait l’air con. Il sentait la fripe. Son encolure avait beau tenter de se faire passer pour une vulve subliminale, il était loin de susciter le désir. Quant à la montagne ? Avec ses lacets en plis synthétiques, elle ne faisait plus peur. Que craindre d’un Alpe-d’Huez qui laisserait s’échapper la transpiration, franchement ?
Ajoutez à cela un dégradé photoshop tartiné au rouleau et une accroche inspirée (« Le Tour toujours »), il y avait matière à s’inquiéter pour l’avenir amoureux d’un séducteur qui se fagotte aussi mal.
Forte du succès de l’affiche 2009, la même équipe de graphistes a –semble-t-il- été reconduite. Se mettent-ils au travail au lendemain de l’arrivée sur les Champs-Elysées ? Parions plutôt que leurs ordis renferment déjà les visuels des dix prochaines éditions, tant leur style impeccable ne tient compte d’aucune spécificité ni d’aucune variation de l’air ambiant.
C’est un brave petit peloton qui dévale un bitume refait la veille. Ca sifflote sûrement. Pas une moto, pas un hélico. Pas davantage de public. Tout autour, des blés superbes protègent le convoi. Nulle moissonneuse à l’horizon. La scène n’a jamais eu de commencement et pourrait durer toujours. Cependant, ce n’est pas pour le blé que les coureurs roulent, puisqu’ils passent leur chemin sans même succomber à la satisfaction de besoins naturels à laquelle un cadre pareil prédispose pourtant.
Dominant la scène avec grandiloquence, foutant les jetons, une gigantesque France de granit se dresse devant eux. Des décennies de propagande pour tenter de moderniser l’image de notre pays partent en éboulis. France apparaît soudain au saut du lit, effroyablement burinée. Une croûte du jurassique ! Et hostile, avec ça. Voilà un pays qui, par un concours de circonstances encore non élucidée (un trop-plein de confiance peut-être ? Les conséquences d’une humiliation imposée par des pays rivaux lassés de son arrogance ?), se tient à la verticale. Le trajet d’ouest en est y semble impossible. Le voyage du Toulousain souhaitant rendre visite à son cousin de Lille s’accomplit via une odyssée d’un stress inouï, au prix d'une escalade de crêtes en silex, où la moindre erreur signifie la mort. Est-ce un coup du ministère de l’immigration, désireux de dissuader d’éventuels clandestins ? Constatons que la France se présente comme un endroit inhabitable. Une forteresse sans électricité, peuplée de montagnards revêches.
L’allure est fière, certes. L’ensemble dégagerait même une impression de force, si le choix malheureux de tons ocres et jaunes ne faisait passer par endroits la pierre pour du bois. Un éclat d’écorce tout sec et bien vulnérable. Et l’on comprend alors le désarroi des coureurs levant la tête pour apprécier l’obstacle du jour.
On discerne assez bien ce qu’ont voulu raconter les concepteurs. La France comme terrain d’aventures, au jour le jour. Finies les étapes de plaine, l’ennui des transitions Reims/ Saint-Quentin-en-Yvelines. Bienvenue à l’épopée, aux échappés tombant dans les crevasses ou entre les mains de tribus mangeuses de têtes. La France comme phénomène naturel, aussi vieille que la planète, aussi indéniable que l’Everest. Insubmersible et indifférente aux pérégrinations des vermisseaux qui s’apprêtent à la conquérir. « L’éternelle quête des sommets » redonde l’accroche. Pas mal tenté. Ca marche presque, mais sans se départir d’une impression plus négative. Celle d’un pays fossile, accroché à sa légende et –littéralement- coupé du monde (quid des terres de Belgique et de Hollande d’où partira la course ?).
Ironie involontaire, cette France-obstacle qui bouche la vue et s’impose au peloton, semble finalement snobée par les coureurs, lesquels la contournent tranquillement par la gauche pour aller voir plus loin.
Ah ! Communicant ! Comme ton art est difficile ! Les Michel-Ange, les Raphaël, passent pour des gars du bâtiment comparés à tes raffinements.
Un vœu, toutefois.
Que la prochaine affiche ose une Marianne en bitume et torse nu, aux bras en forme de nationales et au nombril-îlot directionnel, autour duquel, les coureurs, fous de désir, tourneraient comme des insectes butineurs.
Pascal d’Huez, à deux jours du départ de Rotterdam.
L’an dernier, le maillot jaune, artistiquement plissé par une professionnelle de l’origami, dessinait un col. Le col où on passe la tête ne faisait plus qu’un avec celui qu’on grimpe. Fausse bonne idée et analogie poussive. Le procédé rendait l’un et l’autre ridicules. Pendouillant à un porte-manteau invisible, le maillot jaune avait l’air con. Il sentait la fripe. Son encolure avait beau tenter de se faire passer pour une vulve subliminale, il était loin de susciter le désir. Quant à la montagne ? Avec ses lacets en plis synthétiques, elle ne faisait plus peur. Que craindre d’un Alpe-d’Huez qui laisserait s’échapper la transpiration, franchement ?
Ajoutez à cela un dégradé photoshop tartiné au rouleau et une accroche inspirée (« Le Tour toujours »), il y avait matière à s’inquiéter pour l’avenir amoureux d’un séducteur qui se fagotte aussi mal.
Forte du succès de l’affiche 2009, la même équipe de graphistes a –semble-t-il- été reconduite. Se mettent-ils au travail au lendemain de l’arrivée sur les Champs-Elysées ? Parions plutôt que leurs ordis renferment déjà les visuels des dix prochaines éditions, tant leur style impeccable ne tient compte d’aucune spécificité ni d’aucune variation de l’air ambiant.
C’est un brave petit peloton qui dévale un bitume refait la veille. Ca sifflote sûrement. Pas une moto, pas un hélico. Pas davantage de public. Tout autour, des blés superbes protègent le convoi. Nulle moissonneuse à l’horizon. La scène n’a jamais eu de commencement et pourrait durer toujours. Cependant, ce n’est pas pour le blé que les coureurs roulent, puisqu’ils passent leur chemin sans même succomber à la satisfaction de besoins naturels à laquelle un cadre pareil prédispose pourtant.
Dominant la scène avec grandiloquence, foutant les jetons, une gigantesque France de granit se dresse devant eux. Des décennies de propagande pour tenter de moderniser l’image de notre pays partent en éboulis. France apparaît soudain au saut du lit, effroyablement burinée. Une croûte du jurassique ! Et hostile, avec ça. Voilà un pays qui, par un concours de circonstances encore non élucidée (un trop-plein de confiance peut-être ? Les conséquences d’une humiliation imposée par des pays rivaux lassés de son arrogance ?), se tient à la verticale. Le trajet d’ouest en est y semble impossible. Le voyage du Toulousain souhaitant rendre visite à son cousin de Lille s’accomplit via une odyssée d’un stress inouï, au prix d'une escalade de crêtes en silex, où la moindre erreur signifie la mort. Est-ce un coup du ministère de l’immigration, désireux de dissuader d’éventuels clandestins ? Constatons que la France se présente comme un endroit inhabitable. Une forteresse sans électricité, peuplée de montagnards revêches.
L’allure est fière, certes. L’ensemble dégagerait même une impression de force, si le choix malheureux de tons ocres et jaunes ne faisait passer par endroits la pierre pour du bois. Un éclat d’écorce tout sec et bien vulnérable. Et l’on comprend alors le désarroi des coureurs levant la tête pour apprécier l’obstacle du jour.
On discerne assez bien ce qu’ont voulu raconter les concepteurs. La France comme terrain d’aventures, au jour le jour. Finies les étapes de plaine, l’ennui des transitions Reims/ Saint-Quentin-en-Yvelines. Bienvenue à l’épopée, aux échappés tombant dans les crevasses ou entre les mains de tribus mangeuses de têtes. La France comme phénomène naturel, aussi vieille que la planète, aussi indéniable que l’Everest. Insubmersible et indifférente aux pérégrinations des vermisseaux qui s’apprêtent à la conquérir. « L’éternelle quête des sommets » redonde l’accroche. Pas mal tenté. Ca marche presque, mais sans se départir d’une impression plus négative. Celle d’un pays fossile, accroché à sa légende et –littéralement- coupé du monde (quid des terres de Belgique et de Hollande d’où partira la course ?).
Ironie involontaire, cette France-obstacle qui bouche la vue et s’impose au peloton, semble finalement snobée par les coureurs, lesquels la contournent tranquillement par la gauche pour aller voir plus loin.
Ah ! Communicant ! Comme ton art est difficile ! Les Michel-Ange, les Raphaël, passent pour des gars du bâtiment comparés à tes raffinements.
Un vœu, toutefois.
Que la prochaine affiche ose une Marianne en bitume et torse nu, aux bras en forme de nationales et au nombril-îlot directionnel, autour duquel, les coureurs, fous de désir, tourneraient comme des insectes butineurs.
Pascal d’Huez, à deux jours du départ de Rotterdam.
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