PLAIES À GOGO
7.7.10
De retour à la compétition après leur bref mouvement d’humeur à l’arrivée à Spa, les coureurs du Tour de France se sont donnés une furieuse plumée sur les pavés du Nord. Thor Hushovd remporte l’étape, Cancellara récupère le jaune à un Chavanel guignard, un Schleck passe, l’autre casse.
On présentait ce mardi comme un rendez-vous dans le dur, un traquenard en bonne et due forme pour ces lopettes de grimpeurs et leurs petites cannes agaçantes. L’avantage était donné aux gros culs, aux roublards. Six ans après qu’il eut anéanti tous les espoirs d’Iban Mayo sur le chemin cahoteux de Wasquehal -le Basque ne s’en étant jamais totalement remis-, Armstrong se voyait bien refaire le coup de la cassure, c’était oublier qu’il a fait école, que la naïveté ne se rencontre plus guère chez les nouveaux leaders, et que les Contadors et les Schlecks avaient consciencieusement repéré les lieux cet hiver.
A trente kilomètres du but environ, sous les acclamations tombant des premières fenêtres françaises à croiser le peloton, Cervélo & Saxo haussent le ton. Les effets sont immédiats. Cunego, pour l’anecdote, finit dans un troène, Tony Martin embrasse le trottoir, et –suprême déveine- l’aîné des Schleck (déjà sparadrapé au coude et à la cuisse) se retrouve sur le dos, les membres ankylosés, plus vulnérable qu’un bébé hérisson. Son Tour est plié. Cette fois, Cancellara ne se pose pas de questions et poursuit sa cavalcade en tête. Dans sa roue, bien qu’un peu froissé par le faux-bond du frangin, Andy s’accroche, accompagné des opportunistes Hushovd, Evans et Thomas, tous bons acrobates et adversaires loyaux.
Les cinq enfoncent le clou. A la poursuite du Canadien Hesjedal, échappé aux aurores et repris bien avant la nuit, ils creusent l’écart sur les favoris, victimes de destinées diverses. Une banane imprudemment jetée sur la chaussée retarde Contador, qu’on croit un temps distancé. On se trompe. Il revient sur le groupe Armstrong, que l’Américain quitte aussitôt, victime d’une crevaison au plus mauvais moment comme on a coutume de dire dans le commentaire cycliste pour qualifier soit un tronçon pavé, soit le passage précédant un tel tronçon, soit le tronçon succédant à un tel passage.
La course, excitante, secouée, devient soudain impossible. On nous annonce des écarts obsolètes entre des groupes dissous sitôt reformés. Les coureurs sont des grumeaux à la surface du bouillon.
Armstrong accuse soudain les années. Aucun Radioshack à la ronde, c’est au brave Popovytch de remorquer son capitaine, avant de laisser tomber à son tour, pétrifié. L’Astroballe part seul en chasse-patates, profitant des voitures pour combler une partie de son retard. Hélàs pour lui, à deux minutes de là, Cancellara a mis le gyrophare. Cinq morfales avalent les pavés (en prenant soin toutefois d'en laisser au autres). Sous la flamme rouge, Thor Hushovd prend le temps d’enfiler une cravate. Il met du sent-bon. Après quoi, il lance le sprint, qu’il remporte haut la main. Les pendules sont de nouveau synchrones. Lésé la veille, Thor du Nord empoche l’étape, tandis que Cancellara récupère la liquette couleur Pastis.
Bien sûr, on regrettera l’absence de pluie, de vent, de grêle, toutes fantaisies qui auraient pu ajouter encore à notre régal. Le gueuleton demeure cependant copieux et les écarts ont goût de montagne. Servi par un excellent Vino, le Canari de Pinto se défend comme un chef et, malgré un pneu crevé dans les derniers hectomètres, ne lâche qu’une minute à Cadel et au petit Andy. Dans un jour moyen, Lance Armstrong s’enrhume là où il était sensé jeter un froid sur ses adversaires, perdant du temps sur tout le monde, à l’exception de Basso. Rien d’irréversible, mais le sentiment –inédit- qu’aujourd'hui, il ne maîtrisait pas grand chose.
Certes, on est encore loin de l’Arc de Triomphe et hormis Schleck le grand, personne n’a perdu le Tour à Arenberg. Il est toutefois tentant de voir dans cet abandon un possible tournant. Obsédé jusqu’à la sottise par l’objectif de partager le podium avec son frèrot, Andy avait, l’an passé, inconsciemment levé la socquette là où son potentiel, peut-être, lui aurait permis de viser plus haut. On me répondra qu’Andy, sans son frère, est sujet à la mélancolie, et qu’un coureur mélancolique n’avance plus. Soit.
Le voilà cependant seul et dernier représentant de sa famille encore engagé sur les routes de France. La chance de sa vie ?
Pascal d’Huez, depuis Arenberg.
On présentait ce mardi comme un rendez-vous dans le dur, un traquenard en bonne et due forme pour ces lopettes de grimpeurs et leurs petites cannes agaçantes. L’avantage était donné aux gros culs, aux roublards. Six ans après qu’il eut anéanti tous les espoirs d’Iban Mayo sur le chemin cahoteux de Wasquehal -le Basque ne s’en étant jamais totalement remis-, Armstrong se voyait bien refaire le coup de la cassure, c’était oublier qu’il a fait école, que la naïveté ne se rencontre plus guère chez les nouveaux leaders, et que les Contadors et les Schlecks avaient consciencieusement repéré les lieux cet hiver.
A trente kilomètres du but environ, sous les acclamations tombant des premières fenêtres françaises à croiser le peloton, Cervélo & Saxo haussent le ton. Les effets sont immédiats. Cunego, pour l’anecdote, finit dans un troène, Tony Martin embrasse le trottoir, et –suprême déveine- l’aîné des Schleck (déjà sparadrapé au coude et à la cuisse) se retrouve sur le dos, les membres ankylosés, plus vulnérable qu’un bébé hérisson. Son Tour est plié. Cette fois, Cancellara ne se pose pas de questions et poursuit sa cavalcade en tête. Dans sa roue, bien qu’un peu froissé par le faux-bond du frangin, Andy s’accroche, accompagné des opportunistes Hushovd, Evans et Thomas, tous bons acrobates et adversaires loyaux.
Les cinq enfoncent le clou. A la poursuite du Canadien Hesjedal, échappé aux aurores et repris bien avant la nuit, ils creusent l’écart sur les favoris, victimes de destinées diverses. Une banane imprudemment jetée sur la chaussée retarde Contador, qu’on croit un temps distancé. On se trompe. Il revient sur le groupe Armstrong, que l’Américain quitte aussitôt, victime d’une crevaison au plus mauvais moment comme on a coutume de dire dans le commentaire cycliste pour qualifier soit un tronçon pavé, soit le passage précédant un tel tronçon, soit le tronçon succédant à un tel passage.
La course, excitante, secouée, devient soudain impossible. On nous annonce des écarts obsolètes entre des groupes dissous sitôt reformés. Les coureurs sont des grumeaux à la surface du bouillon.
Armstrong accuse soudain les années. Aucun Radioshack à la ronde, c’est au brave Popovytch de remorquer son capitaine, avant de laisser tomber à son tour, pétrifié. L’Astroballe part seul en chasse-patates, profitant des voitures pour combler une partie de son retard. Hélàs pour lui, à deux minutes de là, Cancellara a mis le gyrophare. Cinq morfales avalent les pavés (en prenant soin toutefois d'en laisser au autres). Sous la flamme rouge, Thor Hushovd prend le temps d’enfiler une cravate. Il met du sent-bon. Après quoi, il lance le sprint, qu’il remporte haut la main. Les pendules sont de nouveau synchrones. Lésé la veille, Thor du Nord empoche l’étape, tandis que Cancellara récupère la liquette couleur Pastis.
Bien sûr, on regrettera l’absence de pluie, de vent, de grêle, toutes fantaisies qui auraient pu ajouter encore à notre régal. Le gueuleton demeure cependant copieux et les écarts ont goût de montagne. Servi par un excellent Vino, le Canari de Pinto se défend comme un chef et, malgré un pneu crevé dans les derniers hectomètres, ne lâche qu’une minute à Cadel et au petit Andy. Dans un jour moyen, Lance Armstrong s’enrhume là où il était sensé jeter un froid sur ses adversaires, perdant du temps sur tout le monde, à l’exception de Basso. Rien d’irréversible, mais le sentiment –inédit- qu’aujourd'hui, il ne maîtrisait pas grand chose.
Certes, on est encore loin de l’Arc de Triomphe et hormis Schleck le grand, personne n’a perdu le Tour à Arenberg. Il est toutefois tentant de voir dans cet abandon un possible tournant. Obsédé jusqu’à la sottise par l’objectif de partager le podium avec son frèrot, Andy avait, l’an passé, inconsciemment levé la socquette là où son potentiel, peut-être, lui aurait permis de viser plus haut. On me répondra qu’Andy, sans son frère, est sujet à la mélancolie, et qu’un coureur mélancolique n’avance plus. Soit.
Le voilà cependant seul et dernier représentant de sa famille encore engagé sur les routes de France. La chance de sa vie ?
Pascal d’Huez, depuis Arenberg.
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