QUICK ET FLUPKE
1.4.06
Parmi les talents qu’on peut souhaiter à un coureur cycliste, le plus important est le don de savoir bien dormir. « La sieste, disait Darrigade, est le prémice du sprint ».
Faute d’avoir su fermer l’œil, l’insomniaque disputera une course parallèle.
Il ne sera ni dans les coups, ni même dans le coup. Il prendra la paisible remontée d’un grégario vers l’avant du peloton pour une attaque, s’inquiétera de tout, perdra ses dernières forces en anxiété.
Pour dormir, les coureurs ont leurs trucs. Infusions du grand soir, lait de chèvre, vin rouge et partie de cartes, quelquefois un demi-somnifère ; la course effrénée au sommeil n’a pour le moment pas de quoi affoler la gendarmerie.
Ceux, nombreux, qui optent pour la télévision à l’exemple d’Alessandro Petacchi à la veille de Milan-San Remo, encourent le risque de tomber sur un programme captivant. Combien de fois avons-nous entendu tel champion révéler fourbu : « J’avais de bonnes sensations cette semaine, mais hier soir, au moment d’éteindre, je suis tombé sur un Histoires Naturelles spécial silures ».
Le sort a voulu qu’à l’heure de s’endormir, sûr de sa force, Petacchi rate la touche arrêt de sa télécommande au bénéfice de la chaîne ESPN Classic, qui rediffusait la victoire de Giuseppe Saronni sur la Via Roma, en 1983, ceint du maillot arc-en-ciel.
Le subconscient en a fait son affaire.
Jusqu’à l’appel de son directeur sportif venant remonter les stores, Petacchi dans son lit s’est retourné plus souvent que l’échappé solitaire, et son cœur n’a pas cessé de répéter Boo-nen, Boo-nen.
Dès lors, sa course ne fut qu’angoisse.
S’il vous est arrivé enfant, au hasard d’un mouvement d’humeur collective, de devenir la tête de turc de votre école une récréation durant, vous comprendrez ce qu’a ressenti Alessandro Petacchi dans Milan-San Remo, courbaturé et hagard, croyant constamment qu’on l’appelle, entendant de faux pets, voyant bien qu’on l’imite, et n’étant en fait qu’entouré d’une nuée de Quick Step égrillards.
A Tortona, où de grandes affiches montraient le champion du monde vantant une marque de maïs, Petacchi demandait à ses hommes de redoubler de vigilance anti-Boonen. Mais dans le village suivant, son angoisse virait. Il se persuadait que le danger s’appelait finalement Bettini, et changeait encore de stratégie.
Dans le Capo Cipressa, c’était Pozzato, et dans le Poggio, c’est sûr, cette fois, c’était Boonen ! A force, il a réussi à irriter ses compagnons, désolidarisés, au point qu’il lui semblait que même Zabel rigolait sous cape.
Ah quel tournis, les amis ! Pris dans une tornade de ricanements, Alejet eut bien du mérite à ne pas préférer la chute au vertige.
Boonen, Petacchi et Pozzato dans leur numéro du sémaphore.
Pour un peu, il aurait même gagné, si Pozzato ne s’était pas caché à l’avant de la course pour lui faire la blague de la gagner à sa place.
Hélàs, la photo est cruelle, et sur la décomposition du vol de l’oiseau en trois séquences figurée par Pozzato, Petacchi et Boonen à l’arrivée, c’est le sprinter italien qui joue la partie descendante.
Ainsi, n’ayant pas bien dormi, le brigadier Petacchi, sonné après la ligne comme s’il avait été victime d’un entartage, s’est fait rouler dans la farine par les espiègles blondinets Tom et Pippo, nouveaux Quick et Flupke du peloton.
Il leur promet déjà une bonne fessée.
Attention toutefois. Pour peu qu’il se laisse pousser la moustache, Petacchi ferait un Sergent Garcia idéal, sur le cuissard duquel Pippo n’a pas fini de découper des Z.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial.
Faute d’avoir su fermer l’œil, l’insomniaque disputera une course parallèle.
Il ne sera ni dans les coups, ni même dans le coup. Il prendra la paisible remontée d’un grégario vers l’avant du peloton pour une attaque, s’inquiétera de tout, perdra ses dernières forces en anxiété.
Pour dormir, les coureurs ont leurs trucs. Infusions du grand soir, lait de chèvre, vin rouge et partie de cartes, quelquefois un demi-somnifère ; la course effrénée au sommeil n’a pour le moment pas de quoi affoler la gendarmerie.
Ceux, nombreux, qui optent pour la télévision à l’exemple d’Alessandro Petacchi à la veille de Milan-San Remo, encourent le risque de tomber sur un programme captivant. Combien de fois avons-nous entendu tel champion révéler fourbu : « J’avais de bonnes sensations cette semaine, mais hier soir, au moment d’éteindre, je suis tombé sur un Histoires Naturelles spécial silures ».
Le sort a voulu qu’à l’heure de s’endormir, sûr de sa force, Petacchi rate la touche arrêt de sa télécommande au bénéfice de la chaîne ESPN Classic, qui rediffusait la victoire de Giuseppe Saronni sur la Via Roma, en 1983, ceint du maillot arc-en-ciel.
Le subconscient en a fait son affaire.
Jusqu’à l’appel de son directeur sportif venant remonter les stores, Petacchi dans son lit s’est retourné plus souvent que l’échappé solitaire, et son cœur n’a pas cessé de répéter Boo-nen, Boo-nen.
Dès lors, sa course ne fut qu’angoisse.
S’il vous est arrivé enfant, au hasard d’un mouvement d’humeur collective, de devenir la tête de turc de votre école une récréation durant, vous comprendrez ce qu’a ressenti Alessandro Petacchi dans Milan-San Remo, courbaturé et hagard, croyant constamment qu’on l’appelle, entendant de faux pets, voyant bien qu’on l’imite, et n’étant en fait qu’entouré d’une nuée de Quick Step égrillards.
A Tortona, où de grandes affiches montraient le champion du monde vantant une marque de maïs, Petacchi demandait à ses hommes de redoubler de vigilance anti-Boonen. Mais dans le village suivant, son angoisse virait. Il se persuadait que le danger s’appelait finalement Bettini, et changeait encore de stratégie.
Dans le Capo Cipressa, c’était Pozzato, et dans le Poggio, c’est sûr, cette fois, c’était Boonen ! A force, il a réussi à irriter ses compagnons, désolidarisés, au point qu’il lui semblait que même Zabel rigolait sous cape.
Ah quel tournis, les amis ! Pris dans une tornade de ricanements, Alejet eut bien du mérite à ne pas préférer la chute au vertige.
Boonen, Petacchi et Pozzato dans leur numéro du sémaphore.
Pour un peu, il aurait même gagné, si Pozzato ne s’était pas caché à l’avant de la course pour lui faire la blague de la gagner à sa place.
Hélàs, la photo est cruelle, et sur la décomposition du vol de l’oiseau en trois séquences figurée par Pozzato, Petacchi et Boonen à l’arrivée, c’est le sprinter italien qui joue la partie descendante.
Ainsi, n’ayant pas bien dormi, le brigadier Petacchi, sonné après la ligne comme s’il avait été victime d’un entartage, s’est fait rouler dans la farine par les espiègles blondinets Tom et Pippo, nouveaux Quick et Flupke du peloton.
Il leur promet déjà une bonne fessée.
Attention toutefois. Pour peu qu’il se laisse pousser la moustache, Petacchi ferait un Sergent Garcia idéal, sur le cuissard duquel Pippo n’a pas fini de découper des Z.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial.
1 Comments:
Eblouissante classe ! Talent vertigineux ! C'est à vous dégouter de faire son petit billet hebdomadaire !
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