DÉMONSTRATION DES CSC À L’ÉCHAUFFEMENT (Paris-Nice 1ère partie)
15.3.06
01.03.06/Issy-Les-Moulineaux.
Oh nature ! Les boutons d’or fânés aussitôt l’arrivée du Tour de Lombardie percent la neige pour assister au dégel du peloton, leur rival. Sur la route du midi, les K-ways découvrent le bouquet concocté pendant l'hiver : Caisse d’épargne, Lampre, Milram, jetés une année encore à la poursuite des mêmes victoires, contre le même vent. On se reprend à espérer. Ceux qu’on avait laissés pour morts réapparaissent pimpants.
En vélo, Pâques se fête début mars, et s’appelle Paris-Nice.
Dimanche prochain, sur la promenade, lorsque Bobby Julich aura gagné pour la seconde année consécutive, il sera tentant de dire que tout était déjà joué dans les boxes, à l’échauffement du prologue, tant l’équipe CSC y est parue imbattable.
Pressé contre la rambarde aux côtés d’une poignée de passionnés, j’ai eu la chance d’assister à une démonstration de force collective comme on n’en avait plus vu depuis le premier gouvernement Raffarin.
C’est d’abord Carlos Sastre, sorti du Pullman peu après 14h, qui donne le ton, menant un train soutenu bientôt relayé par le fluet Franck Schleck. Les rouleaux, massés par plus de 500 watts d’effort, répandent dans l’air un chahut comparable à l’attaque des oiseaux sur l’école, dans le film d’Hitchcock sorti l’année de la victoire du belge Beheyt aux Championnats du monde sur route.
En face, les Liquigas, en rang d’oignons sur leurs vélos Bianchi, ont vu le danger venir trop tard. Descendus du bus à la va-vite sur ordre de leur directeur sportif, sans avoir respecté le délai de digestion, Albasini, puis Cioni, ne peuvent qu’assister au départ des afficionados, quittant un par un leur stand pour aller prendre aux CSC une leçon d’élégance musculaire.
« Allez, allez, allez ! », fais-je, rendu fou par les vapeurs de camphre, « Les Cofidis sont juste derrière ! »
En effet, vingt mètres plus loin, Sylvain Chavanel vient de mettre en marche son lecteur MP3. Il a choisi l’album « Caravane », de Raphaël, dont l’ambiance romantique pourrait l’installer dans un faux-rythme. Mais Mimosa a de l'expérience. Transcendé par les paroles, l’espoir français amorce un échauffement vertigineux. C’est bientôt dix, vingt, trente personnes, qui abandonnent l’équipe danoise pour la société de prêts. L’ambiance monte.
« Tu es le soleil de ma vie », fredonne à Sylvain une jeune femme, enamourée.
C’est sans compter sur le ressort de Bjarne Riis. Ayant fleuré le danger, il relève Sastre, et envoie Voigt et Julich chauffer les toutes nouvelles selles à couches de gel différenciées. Les mécanos sortent des paddocks en rotant, afin de procéder aux derniers réglages. Des voyageurs approchent avec leur bagages, se croyant sans doute sur la piste d’un aéroport.
Malgré le renfort de Moncoutié, Chavanel est de nouveau seul. En une brutale passe d’armes, les CSC ont définitivement plié cet échauffement, dont l’issue ne fait plus de doute. Les directeurs appellent leurs coureurs pour se rendre au portillon de départ. Je rentre.
"Allez ! Les Cofidis sont juste derrière !"
Il faudra une bonne dose d’innocence pour croire la saison qui s’annonce, imprévisible. Course après course, l’équipe danoise va, c'est certain, tuer le suspense et déprimer les bookmakers.
En repartant vers la station ISSY, je me retrouve agglutiné dans une foule de naïfs, venus admirer Boonen, poussif sur son Time. Personne, visiblement, ne semble deviner que le champion du monde n’est là qu'en vue de préparer Milan-San Remo. "Peu de chances qu’on le voit cette semaine, croyez-moi !" dis-je en distribuant ma carte.
Pathétique enfin, Floyd Landis, l’homme de glace aux lunettes glaces, s’échauffe seul, dans sa propre indifférence. Certains observateurs au strabisme divergent, grisés par sa victoire dans le Tour de Californie, en font leur favori.
Je ne peux –on le comprendra- réprimer un sourire. Je le dis net et j’en prends le pari : Si Landis gagne ce Paris-Nice, je me coupe une couille.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial.
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