SAINT-ÉTIENNE / ÉTAPE 21
24.7.05
Le Tour a distribué la plupart de ses lots, et s’achèvera ce soir par la traditionnelle petite fête au Lido. Les coureurs retrouveront bientôt peluches fétiches et savates.
Il était grand temps, car les filles de la caravane sont lessivées et les chroniqueurs peinent à se renouveler.
Indifférent à la fatigue, à l’heure où certains fêtent au Champagne l’entame de la der des ders, j’entre en Saint-Etienne, sous des cordes.
Mes jours de course sont à moi aussi comptés, et je suis pris d’un doute affreux. Ai-je convenablement rempli ma tâche de suiveur ? Ai-je suffisamment fourni à l’amateur pointilleux les anecdotes et tuyaux de turfiste qui lui auraient permis de connaître les vainqueurs d’étape avec une avance de deux jours ?
Résolu à me rattraper, je me rends à l’hôtel Astoria où faisaient escale, la nuit dernière, les équipes Davitamon et Bouygues.
Or, il règne en ville une effervescence immense, car on prépare le 30ème anniversaire de la finale perdue des Verts contre Münich, et nombres d’anciens Stéphanois émérites ont fait le voyage.
Avec un aplomb qui me vient de ma mère, je me glisse dans la file sortant de l’autocar, entre Oswaldo Piazza et Repellini (ou Sarramagna, -avec le temps, tous ces gars-là se confondent), feignant de plaisanter et d’être de la bande.
A l’hôtesse qui pointe nos noms en souriant, je prétends m’appeler Patrick Revelli, à propos duquel on m’a dit, une fois, que je partageais une vague ressemblance.
Je profite des embrassades consécutives à l’arrivée d’anciens Münichois pour m’emparer de la clef, et disparaître chambre 29, avec une poignée de secondes d’avance sur la femme de ménage.
Vous rappelez-vous les premiers mots prononcés par les profanateurs du tombeau de Toutankhamon ? Je les ai pourtant sur le bout de la langue en pénétrant cette orgueilleuse chambre double, qui sent encore bon le baume après-effort et le gel fixant.
Sur l’un des lits, un Pif; sur l’autre, un Entrevue. A en juger par l’absence de Mobicartes dans la corbeille, je suis ici dans l’antre d’une équipe qui dispose de forfaits gratuits.
Ayant enfilé des gants de latex, je procède à divers prélévements. Kleenex, cheveux, rognures d’ongles, cotons-tiges, sont soigneusement rangés dans une pochette plastique, pour examen. Sous le lit, je découvre encore des reliefs de nourriture, du Choco BN écrasé, et une pâte de fruits à moitié dévorée où l’on peut aisément reconnaître l’empreinte des incisives de Didier Rous.
Fenêtres closes, je respire à grands traits l’air confiné, encore imprégné de souffrance et d’angoisse, comme si l’on avait procédé ici, tout à l’heure, à un barbecue de champions.
Croisant mon reflet dans la glace, je m’y vois porteur du maillot à pois, mais ce ne sont que des projections de sauce tomate, causées par la proximité d’une plaque électrique, où nos deux larrons ont certainement tenté de se mijoter un frichti.
Béat, j’ai du alors m’endormir avec la télé, car j’ai fait ce rêve étrange du peloton roulant au fond de la mer, parmi les anémones et les coraux centenaires. Tel un mérou paisible, Jan Ullrich accompagnait Lance Armstrong, impérial, qui respirait par des branchies…
J’ai été réveillé à 19h par de violents coups de poing dans la porte.
Le croirez-vous ? Il s’agissait du chanteur américain Joe Cocker, actuellement en tournée, accompagné de son bassiste.
Donnant plusieurs concerts dans la région, il avait choisi de ne pas changer d’hôtel, et occupait cette chambre depuis trois jours déjà.
Passé notre étonnement mutuel, nous n’avions plus rien à nous dire, et j’optais pour la fuite.
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Saint-Étienne.
Il était grand temps, car les filles de la caravane sont lessivées et les chroniqueurs peinent à se renouveler.
Indifférent à la fatigue, à l’heure où certains fêtent au Champagne l’entame de la der des ders, j’entre en Saint-Etienne, sous des cordes.
Mes jours de course sont à moi aussi comptés, et je suis pris d’un doute affreux. Ai-je convenablement rempli ma tâche de suiveur ? Ai-je suffisamment fourni à l’amateur pointilleux les anecdotes et tuyaux de turfiste qui lui auraient permis de connaître les vainqueurs d’étape avec une avance de deux jours ?
Résolu à me rattraper, je me rends à l’hôtel Astoria où faisaient escale, la nuit dernière, les équipes Davitamon et Bouygues.
Or, il règne en ville une effervescence immense, car on prépare le 30ème anniversaire de la finale perdue des Verts contre Münich, et nombres d’anciens Stéphanois émérites ont fait le voyage.
Avec un aplomb qui me vient de ma mère, je me glisse dans la file sortant de l’autocar, entre Oswaldo Piazza et Repellini (ou Sarramagna, -avec le temps, tous ces gars-là se confondent), feignant de plaisanter et d’être de la bande.
A l’hôtesse qui pointe nos noms en souriant, je prétends m’appeler Patrick Revelli, à propos duquel on m’a dit, une fois, que je partageais une vague ressemblance.
Je profite des embrassades consécutives à l’arrivée d’anciens Münichois pour m’emparer de la clef, et disparaître chambre 29, avec une poignée de secondes d’avance sur la femme de ménage.
Vous rappelez-vous les premiers mots prononcés par les profanateurs du tombeau de Toutankhamon ? Je les ai pourtant sur le bout de la langue en pénétrant cette orgueilleuse chambre double, qui sent encore bon le baume après-effort et le gel fixant.
Sur l’un des lits, un Pif; sur l’autre, un Entrevue. A en juger par l’absence de Mobicartes dans la corbeille, je suis ici dans l’antre d’une équipe qui dispose de forfaits gratuits.
Ayant enfilé des gants de latex, je procède à divers prélévements. Kleenex, cheveux, rognures d’ongles, cotons-tiges, sont soigneusement rangés dans une pochette plastique, pour examen. Sous le lit, je découvre encore des reliefs de nourriture, du Choco BN écrasé, et une pâte de fruits à moitié dévorée où l’on peut aisément reconnaître l’empreinte des incisives de Didier Rous.
Fenêtres closes, je respire à grands traits l’air confiné, encore imprégné de souffrance et d’angoisse, comme si l’on avait procédé ici, tout à l’heure, à un barbecue de champions.
Croisant mon reflet dans la glace, je m’y vois porteur du maillot à pois, mais ce ne sont que des projections de sauce tomate, causées par la proximité d’une plaque électrique, où nos deux larrons ont certainement tenté de se mijoter un frichti.
Béat, j’ai du alors m’endormir avec la télé, car j’ai fait ce rêve étrange du peloton roulant au fond de la mer, parmi les anémones et les coraux centenaires. Tel un mérou paisible, Jan Ullrich accompagnait Lance Armstrong, impérial, qui respirait par des branchies…
J’ai été réveillé à 19h par de violents coups de poing dans la porte.
Le croirez-vous ? Il s’agissait du chanteur américain Joe Cocker, actuellement en tournée, accompagné de son bassiste.
Donnant plusieurs concerts dans la région, il avait choisi de ne pas changer d’hôtel, et occupait cette chambre depuis trois jours déjà.
Passé notre étonnement mutuel, nous n’avions plus rien à nous dire, et j’optais pour la fuite.
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Saint-Étienne.
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