DISCOURS DE PARIS-BREST À LA XIVème CONFÉRENCE INTERNATIONALE DU DEUX-ROUES
18.7.05
Messieurs,
Applaudissements nourris. Le nom de Paris-Brest est plusieurs fois scandé.
L'Histoire retiendra que le dernier Tour de France se déroula pendant l'année du Brésil, et qu'il ne dura que deux semaines.
Les suivants ne seront plus que des célébrations effectuées dans les bons offices du Tourisme.
Du dernier lundi au dernier dimanche, RTT pour tous.
Armstrong avait programmé dès le printemps ses vacances mi-juillet : une balade en vélo de Mourenx à Paris avec quelques potes.
La semaine qui s'annonce servira donc à préparer le public à la physionomie des prochains Tours : victoire d'un français au Puy-en-Velay ou à Vulcania, escarmouches de mini-champions sur le rabais à Mende, casquettes Tour de France moitié prix sur e-bay.
Epreuve à part, burlesque vestige de l'éternité, depuis un siècle la France accueillait le gratin du cyclisme de l'Europe de l'Ouest pour une partie de manivelle sous le cagnard estival.
C'était l'occasion de délimiter les limites géographiques de notre pays, de les reconnaître et, partant de là, de procéder à une immense auto-célébration de nos vignobles et de notre esprit frondeur.
Parfois, un italien, un belge, voire un espagnol ou un hollandais emportait la mise mais au final, la France continuait à mener chez elle l'Europe aux points et aux cuisses, en l'absence systématique du Royaume-Uni.
Maîtresse de son territoire, la République gardait la ligne et le pays de Mendès assurait l'équilibre de la guerre froide.
Des sifflets retentissent.
Messieurs, je vous pose la question :
Notre épreuve sauvage et adorée saura-t-elle garder son prestige à présent qu'un immense champion prétend l'avoir par sept fois domestiquée ?
Reverrons-nous des Bernard Hinault teigneux et des Anquetil froids comme une chambre à air Campagnolo jetée dans la Durdent ?
"France, où est ta colère ?" demandait avant-hier lors d'un après-midi fooding mon ami Paris-Mulhouse à la chanteuse des Sucettes à l'Anis, alors que nous goûtions le plat qu'elle avait amenée pour l'occasion, une tourte d'endives au tofu.
Nous eûmes alors, Mulhouse et moi, la pépie. De la bière, du pif ! France nous proposa du Panach'. Eh quoi ! C'est donc ça, le panache ? Debout ronchons ! Debout courroucés ! Debout colériques ! Debout les gredins à face d'andouille !
Bien sûr, il serait facile d'imaginer que la magie du Tour a plié les gaules. Que depuis qu'Hinault a intronisé LeMond successeur, Le Monde fait la loi en France, et pas qu'en matière de cyclisme. Soyons réalistes. Pendant combien de temps le monde pourra-t-il tenir si la France le laisse tomber, et ne le nargue plus de sa prétentieuse morgue ? Dix mille ? Cent mille années ?
L’équipe Cofidis quitte la salle.
Le mur de Berlin écroulé, la France se laisse aller et doit à présent, à force de rouler petits bras, admettre la supériorité d'un crack texan, ami de Bush et des nouvelles technologies, redoutable travailleur, coureur transgénique Microsoft sans bugs ni testicules, sans non plus aucun sens de l'histoire (il méprise les classiques et ne rit jamais aux blagues de blondes.)
Cela va-t-il durer encore longtemps ?
Non.
Monsieur Armstrong, ne pensez pas gagner un huitième ou un neuvième tour, la France qui en connaît un rayon s'apprête à délaisser le rôle de gentil organisateur et à retrousser la peau de chamois. Allez plutôt demander un strapontin pour commenter le prochain tour aux côtés de M.Sannier, et évitez-vous l'humiliation d'une déculottée infligée par le team S&E.
La direction de Sport & Erotism, consciente de la nécessité pour la France de générer des coureurs capables de gravir les cols en 42X15, a en effet d'ores et déjà décidé de créer une nouvelle équipe qui rejoindra le Pro-Tour dès 2007.
Des coureurs amateurs de cigares et de Chablis, l'oreillette branchée sur Rires et Chansons au moment du sprint, sauront faire chanter nos couleurs et multiplieront les tactiques les plus burlesques afin que le sport embrasse avec la langue les terres de la romance, tandis que des écrans géants retransmettront à l'arrivée de chaque ville-étape, des duos de variété entre Yvette Horner et Vincent Barteau.
A Mourenx, en présence de Messieurs Armstrong et Bambuck, le 18 juillet 2005,
Paris-Brest.
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