MONCOUTIÉ SAUVE LA RÉPUBLIQUE / ÉTAPE 12
14.7.05
Chers lecteurs, la France va mal.
L’été sensé nous divertir n’a fait que révéler la peinture écaillée, et ce n’est pas à moi, Pascal D’Huez, petit-fils de héros, de vous rappeller ici la somme des affronts que notre beau pays a dû endurer ces dernières semaines.
A l’occasion de la fête nationale, le Président Chirac, interrogé sur l’avenir, -matière qu’il n’avait visiblement pas planchée- a peiné à dénicher des points positifs. Dommage, il lui suffisait de regarder l’arrivée.
Tandis qu’en certains endroits (Toul, Vierzon, La Chaize), on démontait déjà le parquet du bal, les coureurs français soudain décomplexés, ont animé la course comme au bon vieux temps d’avant la guerre du Golfe. Surreprésentés dans l’échappée finale, ils sont parvenus à ne pas se marcher dessus, allant sans mollir, dans un beau style d'attaquants, jusqu’à obtenir les deux premières places à Digne-les-Bains.
Le Président Chirac, s'étant perdu dans la foule bigarée de la garden-party, n'a pu donner la Cofidis en exemple au chômeur français qui se laisse vivre grassement des allocations.
Toutefois, ce n’est pas à l’observateur aguerri du Tour de France qu’on fera croire que cette victoire de Moncoutié pousse à l’optimisme. Au contraire, réduit à un paquet d’activistes geignards et sous-armés, le peloton national s’est tiers-mondisé, au point qu’on permet à l’un de ses représentants (le plus valeureux ou un autre, qu’importe) de gagner le jour de sa fête nationale, en lui donnant un bon de sortie tricolore, pour ne pas froisser un peuple qui ne veut plus souffrir.
Pour la seconde année consécutive, c’est le Français caché sous la table qui reçoit la fève. Au moins l'encourage-t-on ainsi à poursuivre ses efforts, comme le candidat défait à Questions pour un Champion repart avec un dictionnaire, afin d'avoir un aperçu de ce qu'est la connaissance.
Tournant le dos à cette France du profil bas, j’ai décidé de passer la journée aux côtés des sapeurs-pompiers de Briançon, afin de les épauler dans la préparation des festivités, et notamment du feu d’artifice, prévu ce soir depuis les hauteurs du Fort.
La télévision acheminée jusqu’à nous à l’aide d’un groupe électrogène, j’installe des mortiers en éventail, puis, au bas d’un mur, une batterie de dix fusées d’une couleur étrange qui devraient faire des gerbes de vingt mètres.
Au poste, le commentateur zélé rappelle que l’opprobre est tombée sur le pauvre Dario Frigo.
Déjà qu’au village-départ sans prétention, il avait mauvaise réputation...,cette fois, il s'en trouve même pour lui souhaiter la taule.
Hier, on a trouvé Susanna, sa femme, avec une batterie de dix ampoules d’un produit suspect, qui devait lui faire réaliser des écarts de vingt minutes.
52ème au général, Frigo n’avait pas du être régulier sur la posologie.
N’empêche qu’une fois encore, la meute s’abat sur le banni avec le discernement d’une voiture-balai.
Alors que tout semble prouver que la cuisine de madame Frigo ne pouvait servir qu’une consommation personnelle, on se permet d’insulter cet homme, dont on ne connaît pas les motivations, sous prétexte qu’il a déjà fait des coups.
Absurde, Jean-Marie Leblanc met à l’index un coureur certes dopé, mais qui n’était pas parvenu à suivre les meilleurs, loin s’en faut, au cours des récentes étapes alpestres.
Là-dessus, jouant le petit cousin angélique venu assister à la fessée de l’aîné, Thomas Voeckler se félicite de l’exclusion de Frigo, qu’il classe dans la catégorie des coureurs « sales », par opposition à celle des coureurs « propres », à laquelle il appartient, lui, son tee-shirt, tout le peloton français, et la délégation de Paris 2012.
J’enrage au point d’écraser ma roulée à proximité des mèches d’un bouquet de bengales. Il est 17h30, et la machinerie pyrotechnique, éveillée par ma fausse-manœuvre, se met en branle.
Ça pétarade dans tous les coins, jusqu’à une grange voisine, d’où un couple d’amants, venus se réfugier pour voir le Tour, sort sous-vêtements en flammes.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Briançon.
L’été sensé nous divertir n’a fait que révéler la peinture écaillée, et ce n’est pas à moi, Pascal D’Huez, petit-fils de héros, de vous rappeller ici la somme des affronts que notre beau pays a dû endurer ces dernières semaines.
A l’occasion de la fête nationale, le Président Chirac, interrogé sur l’avenir, -matière qu’il n’avait visiblement pas planchée- a peiné à dénicher des points positifs. Dommage, il lui suffisait de regarder l’arrivée.
Tandis qu’en certains endroits (Toul, Vierzon, La Chaize), on démontait déjà le parquet du bal, les coureurs français soudain décomplexés, ont animé la course comme au bon vieux temps d’avant la guerre du Golfe. Surreprésentés dans l’échappée finale, ils sont parvenus à ne pas se marcher dessus, allant sans mollir, dans un beau style d'attaquants, jusqu’à obtenir les deux premières places à Digne-les-Bains.
Le Président Chirac, s'étant perdu dans la foule bigarée de la garden-party, n'a pu donner la Cofidis en exemple au chômeur français qui se laisse vivre grassement des allocations.
Toutefois, ce n’est pas à l’observateur aguerri du Tour de France qu’on fera croire que cette victoire de Moncoutié pousse à l’optimisme. Au contraire, réduit à un paquet d’activistes geignards et sous-armés, le peloton national s’est tiers-mondisé, au point qu’on permet à l’un de ses représentants (le plus valeureux ou un autre, qu’importe) de gagner le jour de sa fête nationale, en lui donnant un bon de sortie tricolore, pour ne pas froisser un peuple qui ne veut plus souffrir.
Pour la seconde année consécutive, c’est le Français caché sous la table qui reçoit la fève. Au moins l'encourage-t-on ainsi à poursuivre ses efforts, comme le candidat défait à Questions pour un Champion repart avec un dictionnaire, afin d'avoir un aperçu de ce qu'est la connaissance.
Tournant le dos à cette France du profil bas, j’ai décidé de passer la journée aux côtés des sapeurs-pompiers de Briançon, afin de les épauler dans la préparation des festivités, et notamment du feu d’artifice, prévu ce soir depuis les hauteurs du Fort.
La télévision acheminée jusqu’à nous à l’aide d’un groupe électrogène, j’installe des mortiers en éventail, puis, au bas d’un mur, une batterie de dix fusées d’une couleur étrange qui devraient faire des gerbes de vingt mètres.
Au poste, le commentateur zélé rappelle que l’opprobre est tombée sur le pauvre Dario Frigo.
Déjà qu’au village-départ sans prétention, il avait mauvaise réputation...,cette fois, il s'en trouve même pour lui souhaiter la taule.
Hier, on a trouvé Susanna, sa femme, avec une batterie de dix ampoules d’un produit suspect, qui devait lui faire réaliser des écarts de vingt minutes.
52ème au général, Frigo n’avait pas du être régulier sur la posologie.
N’empêche qu’une fois encore, la meute s’abat sur le banni avec le discernement d’une voiture-balai.
Alors que tout semble prouver que la cuisine de madame Frigo ne pouvait servir qu’une consommation personnelle, on se permet d’insulter cet homme, dont on ne connaît pas les motivations, sous prétexte qu’il a déjà fait des coups.
Absurde, Jean-Marie Leblanc met à l’index un coureur certes dopé, mais qui n’était pas parvenu à suivre les meilleurs, loin s’en faut, au cours des récentes étapes alpestres.
Là-dessus, jouant le petit cousin angélique venu assister à la fessée de l’aîné, Thomas Voeckler se félicite de l’exclusion de Frigo, qu’il classe dans la catégorie des coureurs « sales », par opposition à celle des coureurs « propres », à laquelle il appartient, lui, son tee-shirt, tout le peloton français, et la délégation de Paris 2012.
J’enrage au point d’écraser ma roulée à proximité des mèches d’un bouquet de bengales. Il est 17h30, et la machinerie pyrotechnique, éveillée par ma fausse-manœuvre, se met en branle.
Ça pétarade dans tous les coins, jusqu’à une grange voisine, d’où un couple d’amants, venus se réfugier pour voir le Tour, sort sous-vêtements en flammes.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Briançon.
1 Comments:
Unlike Thomas, Frigo is cool, all year round!
...somebody had to say it.
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