L’HOMME DE L’ÉTÉ 75 / ÉTAPE 19
22.7.05
Mes pieds me font souffrir depuis la sortie des Pyrénées, par la faute de grosses ampoules aux talons.
Pour me soulager, je suis obligé d’enfiler une double, voire une triple épaisseur de chaussettes, au risque d’entrer en hypersudation. D’abandon pourtant, il ne saurait être question, et c’est encore en sifflotant que votre serviteur s’en va aujourd’hui par le vallon de Valcroze, aux alentours de Mende, une région à fossiles que des géologues dégagent au peigne fin, en écoutant l’étape.
J’y ai rendez-vous avec une authentique légende, un personnage ayant fait le choix courageux de rester dans l’ombre, un méconnu du nom de Michel Max, l’auteur du coup de poing à Merckx dans la montée du Puy-de-Dôme 75.
Sexagénaire bedonnant aux cheveux gris mi-longs, polo défraîchi, jean passé de mode, il vit dans un bungalow qu’il s’est lui-même bâti avec des tôles et des chutes de placo, dans un bout de clairière situé en zone éboulable.
“Dieu sait si j’aimais Merckx !” me dit-il, “toute cette affaire n’a été qu’une regrettable méprise”.
Venu ce 11 juillet depuis Issoire avec sa femme et ses deux enfants, Michel se souvient que le soleil tapait fort. Quelqu’un lui a-t-il passé un bidon qu’il n’aurait pas du boire ? Il n’en sait plus rien. Tout s’est passé très vite.
Un maillot jaune, un éclat de lumière, la menace d’une foule hostile autour de son champion, l’envie de bien faire, et le coup qui part, dans le foie (“là, juste sous la côte”, se vante-t-il). Bête, idiot, lamentable.
“Qu’est-ce que la presse n’a pas dit sur moi ?…Ils ont été jusqu’a écrire que j’étais un abruti…Se rendent-ils compte qu’on peut briser un homme avec des mots comme ça ?”
Ensuite, le public le prend à partie. Quand Merckx redescend, souffle coupé, pour reconnaître son agresseur, Michel s’est enfui.
Peu de temps après l’affaire, c’est sa femme qui s’enfuira à son tour. Ne supportant pas d’être l’épouse de l’homme le plus insulté de France, elle partira s’installer aux Etats-Unis, dans un petit village de l’Oklahoma, avec les enfants, qui doivent être devenus grands.
Viré de Radio-France où il avait un petit poste, réinsérable nulle part, Michel a traîné sa pancarte dans le dos jusqu’à ce trou de Lozère où il est venu chercher l’oubli. Aujourd’hui, il fait un peu de CB, et se nourrit grâce aux pièges posés aux alentours.
Il s’est fait interdire de Tour de France, la mort dans l’âme. “C’est dommage, parce que j’adore les coureurs, et quand je vois comme ils souffrent, j’ai bien envie d’aller les pousser dans le col”.
Je lui promets de l’emmener avec moi l’année prochaine dans une belle arrivée au sommet.
Plusieurs fois, il a tenté de contacter Merckx pour l’inviter autour d’un bon lapin. Mais ses lettres, auxquelles il avait pourtant joint un timbre, sont restées sans réponse.
A chaque Noël, Bernard Thévenet lui fait expédier une boîte de marrons glacés. Voilà tout.
Vers 16h, il allume sa radio amateur, et la règle sur la fréquence de Radio Tour.
Passant en revue la bande, il énumère les équipes correspondant à chaque tranche.
“Tu vois, me dit-il,-tandis que nous parvient la voix de Marc Madiot-, on est sur la fréquence de La Française des Jeux !”
J’en profite pour me saisir du micro, et glisser quelques conseils à Sandy Casar, arrivé dans la bonne échappée à quelques kilomètres du but. Malheureusement, larsens, brouillage, ou simple trac ? Ma voix se confond avec celle de son directeur sportif, et l’espoir Français, trop peu expérimenté pour bien m’entendre, laisse filer la victoire à Guérini.
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Mende.
Pour me soulager, je suis obligé d’enfiler une double, voire une triple épaisseur de chaussettes, au risque d’entrer en hypersudation. D’abandon pourtant, il ne saurait être question, et c’est encore en sifflotant que votre serviteur s’en va aujourd’hui par le vallon de Valcroze, aux alentours de Mende, une région à fossiles que des géologues dégagent au peigne fin, en écoutant l’étape.
J’y ai rendez-vous avec une authentique légende, un personnage ayant fait le choix courageux de rester dans l’ombre, un méconnu du nom de Michel Max, l’auteur du coup de poing à Merckx dans la montée du Puy-de-Dôme 75.
Sexagénaire bedonnant aux cheveux gris mi-longs, polo défraîchi, jean passé de mode, il vit dans un bungalow qu’il s’est lui-même bâti avec des tôles et des chutes de placo, dans un bout de clairière situé en zone éboulable.
“Dieu sait si j’aimais Merckx !” me dit-il, “toute cette affaire n’a été qu’une regrettable méprise”.
Venu ce 11 juillet depuis Issoire avec sa femme et ses deux enfants, Michel se souvient que le soleil tapait fort. Quelqu’un lui a-t-il passé un bidon qu’il n’aurait pas du boire ? Il n’en sait plus rien. Tout s’est passé très vite.
Un maillot jaune, un éclat de lumière, la menace d’une foule hostile autour de son champion, l’envie de bien faire, et le coup qui part, dans le foie (“là, juste sous la côte”, se vante-t-il). Bête, idiot, lamentable.
“Qu’est-ce que la presse n’a pas dit sur moi ?…Ils ont été jusqu’a écrire que j’étais un abruti…Se rendent-ils compte qu’on peut briser un homme avec des mots comme ça ?”
Ensuite, le public le prend à partie. Quand Merckx redescend, souffle coupé, pour reconnaître son agresseur, Michel s’est enfui.
Peu de temps après l’affaire, c’est sa femme qui s’enfuira à son tour. Ne supportant pas d’être l’épouse de l’homme le plus insulté de France, elle partira s’installer aux Etats-Unis, dans un petit village de l’Oklahoma, avec les enfants, qui doivent être devenus grands.
Viré de Radio-France où il avait un petit poste, réinsérable nulle part, Michel a traîné sa pancarte dans le dos jusqu’à ce trou de Lozère où il est venu chercher l’oubli. Aujourd’hui, il fait un peu de CB, et se nourrit grâce aux pièges posés aux alentours.
Il s’est fait interdire de Tour de France, la mort dans l’âme. “C’est dommage, parce que j’adore les coureurs, et quand je vois comme ils souffrent, j’ai bien envie d’aller les pousser dans le col”.
Je lui promets de l’emmener avec moi l’année prochaine dans une belle arrivée au sommet.
Plusieurs fois, il a tenté de contacter Merckx pour l’inviter autour d’un bon lapin. Mais ses lettres, auxquelles il avait pourtant joint un timbre, sont restées sans réponse.
A chaque Noël, Bernard Thévenet lui fait expédier une boîte de marrons glacés. Voilà tout.
Vers 16h, il allume sa radio amateur, et la règle sur la fréquence de Radio Tour.
Passant en revue la bande, il énumère les équipes correspondant à chaque tranche.
“Tu vois, me dit-il,-tandis que nous parvient la voix de Marc Madiot-, on est sur la fréquence de La Française des Jeux !”
J’en profite pour me saisir du micro, et glisser quelques conseils à Sandy Casar, arrivé dans la bonne échappée à quelques kilomètres du but. Malheureusement, larsens, brouillage, ou simple trac ? Ma voix se confond avec celle de son directeur sportif, et l’espoir Français, trop peu expérimenté pour bien m’entendre, laisse filer la victoire à Guérini.
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Mende.
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