COURONS À CÔTÉ DES COUREURS / ÉTAPE 14
16.7.05
D’entrée, l’étudiant en médecine qui m’a pris en stop depuis Digne a tenu à me dire toute la vérité sur le vélo.
Selon un journaliste ami de son père, Armstrong profite de son cancer pour se faire administrer des produits auxquels les autres n’ont pas droit. Il se ferait faire des certificats de complaisance, sous l’œil bienveillant de l’armée américaine, désireuse de se fabriquer des surhommes en prévision de la prochaine guerre contre la Corée.
Jean-Marie Leblanc est au courant, mais s’écraserait par peur des représailles. Déjà, en 1999, suite à un sous-entendu, il aurait retrouvé des éraflures sur sa bagnole.
- « Tu trouves pas ça bizarre qu'on sache rien ?», me demande-t-il, l'air entendu.
Or, comme il reste encore cent bornes, je suis obligé de passer à l’offensive. Profitant de notre arrêt à l’Arche, un restaurant d’autoroute, je sème mon apprenti toubib sur une accélération, en prétextant un tour aux toilettes. J’attends là un bon quart d’heure en lisant la Provence, prenant soin de ne tourner la page qu'au moment où il aura cessé de frapper à la porte.
Le reste de l’après-midi, enfin seul, je profite de la climatisation.
Je suis la course en vaquant dans les rayons. Lecture de Maisons & Travaux, Beaux-Arts Magazine, Astrapi, entrecoupée de frissons. Entré à 13 heures, j’en sortirai à 18, avec un paquet de madeleines longues entamé.
A l’assaut du Col des Pailhères, les T-Mobile tirent Vinokourov comme un coup de feu, pour prévenir Armstrong qu’ils sont en colère et vont l’attaquer.
Puis, ils vont rechercher la douille, et tentent l’entame de laborieuses négociations, toujours infructueuses car la partie la plus forte n’a besoin de rien, et l’autre, dominée, ne lui est pas utile du tout.
Au vu de ce nouvel épisode, la reconversion d’Ullrich pose d’ores et déjà problème.
Peu probable en directeur sportif, il se verrait bien businessman, à la tête d’une petite affaire d’import/export. Avec Klöden, ils projettent de commercialiser du matériel d'escalade pour obèses, ou personnes incontinentes. Un gros marché, pensent-ils.
Un conseiller d’orientation serait bienvenu à l’hôtel, le soir après le bridge.
De son côté, c'est son truc, Armstrong rend chacun un peu triste.
Avant d’enfiler le jaune à sa place, il faudra à nouveau se farcir l’automne, un hiver ignoble et boueux, un froid polaire sans courses, jusqu’au printemps, où l’espoir reviendra avec le Tour des Flandres.
Ce soir, malgré la chaleur, ça sent déjà les cartables.
Pour les battus, l’été 2005 est terminé, et c’est sous le maillot gris souris du chagrin qu’il va falloir retourner à Paris, puis en Province.
Plus que jamais, il convient de courir à côté des coureurs.
S’y préparer la veille, choisir une tenue confortable, et trouver un endroit propice. Dans sa langue natale, il faut dire au champion ses blagues favorites, après s’être renseigné sur sa vie, lui parler de sa femme, qui le regarde, de sa famille restée au pays, et de son chien. Si possible, donner des nouvelles. Enfin, s’il reste du souffle, parler de soi, lui faire comprendre qu'auprès de la vôtre, il a bien de la chance de mener une vie pareille, même si dans la pente où vous venez de lui verser une bouteille d’eau sur le crâne, il se sent un peu en-dedans. Evoquer la vieillesse, le licenciement qui plane, la difficulté à joindre les deux bouts.
Oui, demain, et pour les jours qui restent, il faudra courir à côté des coureurs, un peu ivre, sans regarder devant soi, en avalant à grandes goulées l’oxygène raréfié des hautes altitudes, traverser la foule en délire, en se jouant des policiers et de la voiture du commissaire de course qui menace de vous rouler dessus, mais ne le fera pas.
J’utilise le fond de ma Mobicarte pour interroger Laurent Jalabert sur l’antenne de RTL. Puis, en échange de madeleines, je propose à une jeune femme en Golf de me conduire à Montpellier, où se donne un concert des Sœurs Labèque.
Jour avec, je parviens à les accompagner jusqu’à l’hôtel, avant de les baiser toutes les deux.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Montpellier.
Selon un journaliste ami de son père, Armstrong profite de son cancer pour se faire administrer des produits auxquels les autres n’ont pas droit. Il se ferait faire des certificats de complaisance, sous l’œil bienveillant de l’armée américaine, désireuse de se fabriquer des surhommes en prévision de la prochaine guerre contre la Corée.
Jean-Marie Leblanc est au courant, mais s’écraserait par peur des représailles. Déjà, en 1999, suite à un sous-entendu, il aurait retrouvé des éraflures sur sa bagnole.
- « Tu trouves pas ça bizarre qu'on sache rien ?», me demande-t-il, l'air entendu.
Or, comme il reste encore cent bornes, je suis obligé de passer à l’offensive. Profitant de notre arrêt à l’Arche, un restaurant d’autoroute, je sème mon apprenti toubib sur une accélération, en prétextant un tour aux toilettes. J’attends là un bon quart d’heure en lisant la Provence, prenant soin de ne tourner la page qu'au moment où il aura cessé de frapper à la porte.
Le reste de l’après-midi, enfin seul, je profite de la climatisation.
Je suis la course en vaquant dans les rayons. Lecture de Maisons & Travaux, Beaux-Arts Magazine, Astrapi, entrecoupée de frissons. Entré à 13 heures, j’en sortirai à 18, avec un paquet de madeleines longues entamé.
A l’assaut du Col des Pailhères, les T-Mobile tirent Vinokourov comme un coup de feu, pour prévenir Armstrong qu’ils sont en colère et vont l’attaquer.
Puis, ils vont rechercher la douille, et tentent l’entame de laborieuses négociations, toujours infructueuses car la partie la plus forte n’a besoin de rien, et l’autre, dominée, ne lui est pas utile du tout.
Au vu de ce nouvel épisode, la reconversion d’Ullrich pose d’ores et déjà problème.
Peu probable en directeur sportif, il se verrait bien businessman, à la tête d’une petite affaire d’import/export. Avec Klöden, ils projettent de commercialiser du matériel d'escalade pour obèses, ou personnes incontinentes. Un gros marché, pensent-ils.
Un conseiller d’orientation serait bienvenu à l’hôtel, le soir après le bridge.
De son côté, c'est son truc, Armstrong rend chacun un peu triste.
Avant d’enfiler le jaune à sa place, il faudra à nouveau se farcir l’automne, un hiver ignoble et boueux, un froid polaire sans courses, jusqu’au printemps, où l’espoir reviendra avec le Tour des Flandres.
Ce soir, malgré la chaleur, ça sent déjà les cartables.
Pour les battus, l’été 2005 est terminé, et c’est sous le maillot gris souris du chagrin qu’il va falloir retourner à Paris, puis en Province.
Plus que jamais, il convient de courir à côté des coureurs.
S’y préparer la veille, choisir une tenue confortable, et trouver un endroit propice. Dans sa langue natale, il faut dire au champion ses blagues favorites, après s’être renseigné sur sa vie, lui parler de sa femme, qui le regarde, de sa famille restée au pays, et de son chien. Si possible, donner des nouvelles. Enfin, s’il reste du souffle, parler de soi, lui faire comprendre qu'auprès de la vôtre, il a bien de la chance de mener une vie pareille, même si dans la pente où vous venez de lui verser une bouteille d’eau sur le crâne, il se sent un peu en-dedans. Evoquer la vieillesse, le licenciement qui plane, la difficulté à joindre les deux bouts.
Oui, demain, et pour les jours qui restent, il faudra courir à côté des coureurs, un peu ivre, sans regarder devant soi, en avalant à grandes goulées l’oxygène raréfié des hautes altitudes, traverser la foule en délire, en se jouant des policiers et de la voiture du commissaire de course qui menace de vous rouler dessus, mais ne le fera pas.
J’utilise le fond de ma Mobicarte pour interroger Laurent Jalabert sur l’antenne de RTL. Puis, en échange de madeleines, je propose à une jeune femme en Golf de me conduire à Montpellier, où se donne un concert des Sœurs Labèque.
Jour avec, je parviens à les accompagner jusqu’à l’hôtel, avant de les baiser toutes les deux.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Montpellier.
1 Comments:
You bastard! I can't believe you kiss and tell.
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