L’ÉTÉ DE LA DISCO / ÉTAPE 15
17.7.05
La terrasse du Café des Glaces, à Tarascon. Un banana-split, il est midi.
Je déplace minutieusement des paillettes de sucre coloré le long d’une pente de Chantilly, taillée à la cuillère en forme de col de Peyresourde.
A une famille de Néerlandais, j’essaie d’expliquer la méthode pour battre Armstrong. L’obliger à mener le tempo, le laisser filer, revenir, casser le rythme, puis au bénéfice d’un relais, l'isoler sur le côté de l'assiette.
Du doigt, je creuse une pente dans le chocolat. J’y mets du sucre glace pour simuler les gravillons. Avec l’ongle, je pousse les copeaux T-Mobile qui, conformément à mon souhait, glissent à toute vitesse sur la glace fondue.
Au bas de la banane, Ullrich a déjà repris deux minutes à Armstrong, à l'agonie, représenté par un mégot.
Pour bien décrire la montée vers Saint-Lary, j’ai besoin d’un autre dessert. Si possible avec plus de Chantilly, car j'en raffole. Fasciné, le père de famille ouvre son porte-feuille et fait signe au patron qui, hélàs, très à cheval sur la nourriture, m’invite à foutre le camp. Dommage, car mes Néerlandais auraient bien aimé assister à l’attaque des Rabobank sous forme de Tic-Tac.
Je profite de l’échappée-fleuve pour me laisser glisser en barque sur l’Ariège. Au confluent de l’Aston, j’aperçois l’ourse Mellba, venue s’abreuver. 1 mètre 90 pour, -à vue d’œil-, 120 kilos, une morphologie de rouleur qui l’empêcherait à coup sûr de jouer les premiers rôles dans la pente. Fort de ma position, je l'insulte en passant, avant de m'allonger de nouveau, porté par le courant.
Malgré les cent kilomètres qui me séparent de la course, je crois entendre les hourrah répercutés par les montagnes et le vent favorable.
Peut-on s'imaginer pareille chose ? Les cols surpeuplés des Pyrénées connaîtront ce week-end la densité d’une ville comme Tokyo.
Bien que la course soit déjà jouée, l’affluence ne mollit pas, et les applaudissements jaillissent par réflexe au passage des coureurs, dont même en montagne, on ne reconnaît pas la moitié. Que fête-t-on exactement ? Le peloton est l’escorte de quelque chose, mais quoi ?
Bandana dans les cheveux, maillots à bretelles et pantalons retroussés jusqu’aux mollets, de jeunes mères divorcées, présentes par milliers depuis le départ de Noirmoutier, semblent nous apporter la réponse. Habituellement insensibles au sport, elles viennent pourtant fêter ceux qui, en décrivant chaque été le territoire national, nous rassurent sur la pérennité de notre histoire collective.
Le Tour, qui ne change pas et ne meurt jamais, possède l’effet apaisant du Nutella.
Sans même avoir pris un magazine, elles viennent s’asseoir quatre heures dans un talus, attendre des individus qui ne s’arrêteront pas, parce qu’elles ont eu un grand-père qui supportait Luis Ocaña.
Comme le sac en rafia d’où dépasse leur bouteille d’eau minérale, le Tour sent bon les années soixante et le plein-emploi. Bon cinéma, il se tourne dans un décor idyllique de familles réunies sous des toits de chaume, et de flirts d’été dans des cabanes, au fond de forêts survolées par l’hélico.
Comment ne pas en être accroc ?
Elle est retrouvée. – Quoi ? – L’éternité. C’est le soleil allé avec les Banesto.
J’arrive à la résidence thermale du Grand Tétras, juste à temps pour suivre le Vélo-Club dans un bain bouillonnant où m’attend Eddy Merckx, familier du lieu depuis qu’il est venu y suivre sa cure d’amaigrissement.
Comme je lui demande le nom du vainqueur, le Cannibale lâche un rot terrible, avant de disparaître tête sous l’eau, dans un remous de titan.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Ax-les-Thermes.
Je déplace minutieusement des paillettes de sucre coloré le long d’une pente de Chantilly, taillée à la cuillère en forme de col de Peyresourde.
A une famille de Néerlandais, j’essaie d’expliquer la méthode pour battre Armstrong. L’obliger à mener le tempo, le laisser filer, revenir, casser le rythme, puis au bénéfice d’un relais, l'isoler sur le côté de l'assiette.
Du doigt, je creuse une pente dans le chocolat. J’y mets du sucre glace pour simuler les gravillons. Avec l’ongle, je pousse les copeaux T-Mobile qui, conformément à mon souhait, glissent à toute vitesse sur la glace fondue.
Au bas de la banane, Ullrich a déjà repris deux minutes à Armstrong, à l'agonie, représenté par un mégot.
Pour bien décrire la montée vers Saint-Lary, j’ai besoin d’un autre dessert. Si possible avec plus de Chantilly, car j'en raffole. Fasciné, le père de famille ouvre son porte-feuille et fait signe au patron qui, hélàs, très à cheval sur la nourriture, m’invite à foutre le camp. Dommage, car mes Néerlandais auraient bien aimé assister à l’attaque des Rabobank sous forme de Tic-Tac.
Je profite de l’échappée-fleuve pour me laisser glisser en barque sur l’Ariège. Au confluent de l’Aston, j’aperçois l’ourse Mellba, venue s’abreuver. 1 mètre 90 pour, -à vue d’œil-, 120 kilos, une morphologie de rouleur qui l’empêcherait à coup sûr de jouer les premiers rôles dans la pente. Fort de ma position, je l'insulte en passant, avant de m'allonger de nouveau, porté par le courant.
Malgré les cent kilomètres qui me séparent de la course, je crois entendre les hourrah répercutés par les montagnes et le vent favorable.
Peut-on s'imaginer pareille chose ? Les cols surpeuplés des Pyrénées connaîtront ce week-end la densité d’une ville comme Tokyo.
Bien que la course soit déjà jouée, l’affluence ne mollit pas, et les applaudissements jaillissent par réflexe au passage des coureurs, dont même en montagne, on ne reconnaît pas la moitié. Que fête-t-on exactement ? Le peloton est l’escorte de quelque chose, mais quoi ?
Bandana dans les cheveux, maillots à bretelles et pantalons retroussés jusqu’aux mollets, de jeunes mères divorcées, présentes par milliers depuis le départ de Noirmoutier, semblent nous apporter la réponse. Habituellement insensibles au sport, elles viennent pourtant fêter ceux qui, en décrivant chaque été le territoire national, nous rassurent sur la pérennité de notre histoire collective.
Le Tour, qui ne change pas et ne meurt jamais, possède l’effet apaisant du Nutella.
Sans même avoir pris un magazine, elles viennent s’asseoir quatre heures dans un talus, attendre des individus qui ne s’arrêteront pas, parce qu’elles ont eu un grand-père qui supportait Luis Ocaña.
Comme le sac en rafia d’où dépasse leur bouteille d’eau minérale, le Tour sent bon les années soixante et le plein-emploi. Bon cinéma, il se tourne dans un décor idyllique de familles réunies sous des toits de chaume, et de flirts d’été dans des cabanes, au fond de forêts survolées par l’hélico.
Comment ne pas en être accroc ?
Elle est retrouvée. – Quoi ? – L’éternité. C’est le soleil allé avec les Banesto.
J’arrive à la résidence thermale du Grand Tétras, juste à temps pour suivre le Vélo-Club dans un bain bouillonnant où m’attend Eddy Merckx, familier du lieu depuis qu’il est venu y suivre sa cure d’amaigrissement.
Comme je lui demande le nom du vainqueur, le Cannibale lâche un rot terrible, avant de disparaître tête sous l’eau, dans un remous de titan.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Ax-les-Thermes.
2 Comments:
That's funny. I was trying to explain how to beat Armstrong to my parents today, but all we had in the house were pop rocks. So I opened up a packet of the candy and I said, here, you keep the dynamite. Then I opened it and popped it in my mouth, where the rocks started to pop. I then followed it swiftly by a guzzle of soda... I thought I was going to blow up, and my head started to spin... but then I felt fine and forgot what I was thinking and just went quietly to bed.
And guy, you should post the times up for your radio broadcast... you should you should!
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