LA GRANDE ÉVASION / ÉTAPE 17
20.7.05
La pâte à dentifrice, sortie du tube et répandue sur la carte de France en forme de tracé du Tour, nous offrait aujourd’hui l’une de ces longues étapes de plaine où le peloton, encore abruti de montagne, ne sait plus très bien ce qu’il fait.
Un laisser-aller coupable, aux environs de midi, l’a conduit à se dédoubler en une copieuse échappée, chaque équipe ou presque ayant envoyé une délégation participer à cette expérience d’ébriété collective au vent du Sud-Ouest.
Ce soir, bien que n’y étant pas invité, j’aimerais profiter du vernissage du peintre palois Munos pour porter un toast aux 17 valeureux du kilomètre 38 qui, sans chapeaux ni calculs, ont quitté le vaisseau-mère sans savoir de quoi demain serait fait.
Si le trou (25 minutes) n’avait pas été résorbé d’urgence par ses coéquipiers T-Mobile, l’espiègle Oscar Sevilla aurait pu endosser le maillot jaune à la stupéfaction générale.
L’expression « A la Sevilla » serait alors entré dans le langage courant, et le Premier Ministre, interrogé sur les mauvais chiffres de la consommation, aurait appelé les Français à faire une Sevilla pour le dernier semestre.
Mais voyez comme nous sommes : A peine la course offre-t-elle un peu de divertissement que nous rêvons déjà de choses qui nous dépassent.
Le moment qui nous sépare du pot de départ à la retraite de Lance est compté, et je persiste bêtement à espérer que le tunnel percé au cale-pied par ses rivaux depuis sept ans soit prêt à temps pour la grande évasion, demain, vers Mende. Les Discovery font bien de ne dormir que d’un œil, car, motivés comme jamais, certains pourraient être tentés de partir dans la nuit creuser l’écart.
L’annonce de la présence de Lance l’année prochaine sur le Tour, dans la voiture de Johan Bruyneel, a décuplé les forces d’Ullrich, qui ne supporte pas l’idée de passer un nouvel été avec le mec de sa première petite amie, celui à qui tout réussit, lui à vélo, l’autre derrière, en bagnole, lui criant « Vas-y Poupou ».
Jan est encore amoureux du Tour.
D’ailleurs, la veille du départ, dans son sommeil sans doute, il s’était fait de lui-même un suçon.
Il fait semblant d’en vouloir à Rasmussen pour une vague histoire de troisième place, et de photo-souvenir avec l’arc de triomphe en fond, mais ce n’est qu’un prétexte.
L’analyse n’est pas de moi, mais de Munos, le peintre favori des femmes, le coloriste de la carte du tendre, avec qui je m’entretiens autour d’un kir.
Artiste à la destinée atypique, il a commencé au début des années 90 avec d’austères amoncellements de béton, fendu, gratté, souvent précontraint. Victime d’un cancer, il en a réchappé, devenant au terme de sa guérison un aquarelliste sensible, capable en une nuance de saisir des sentiments aussi complexes que le désir, l’envie, ou la luxure.
« Avez-vous remarqué, cher Pascal, à quel point l’effort cycliste –surtout en montagne- fige les visages sous des traits semblables à la fièvre amoureuse ? »
- Oui, lui réponds-je. Vous remuez là une profonde douleur, Munos. En regardant la télé tout-à-l’heure, j’ai cru être aimé d’un homme. Et bien non, c’était du vent. Il montait simplement un col de deuxième catégorie.
La course qu’on croyait moribonde a repris de la vigueur.
A ce rythme-là, à quoi va-t-on assister demain ? l’abeille Vinokourov, et son faux-bourdon Jan Ullrich (dont il faut saluer la naissance au panache), vont-ils persister à agacer l’apiculteur Armstrong après l’avoir dépouillé de sa combinaison spéciale en Popovytch ? Le zombi Rasmussen va-t-il mordre Basso au pif pour en faire l’un des siens ? La lutte s’annonce sans merci car les comptes restent à régler, et ce Tour, souhaitons-le, ne nous a pas encore donné notre comptant de castagne.
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Pau.
Un laisser-aller coupable, aux environs de midi, l’a conduit à se dédoubler en une copieuse échappée, chaque équipe ou presque ayant envoyé une délégation participer à cette expérience d’ébriété collective au vent du Sud-Ouest.
Ce soir, bien que n’y étant pas invité, j’aimerais profiter du vernissage du peintre palois Munos pour porter un toast aux 17 valeureux du kilomètre 38 qui, sans chapeaux ni calculs, ont quitté le vaisseau-mère sans savoir de quoi demain serait fait.
Si le trou (25 minutes) n’avait pas été résorbé d’urgence par ses coéquipiers T-Mobile, l’espiègle Oscar Sevilla aurait pu endosser le maillot jaune à la stupéfaction générale.
L’expression « A la Sevilla » serait alors entré dans le langage courant, et le Premier Ministre, interrogé sur les mauvais chiffres de la consommation, aurait appelé les Français à faire une Sevilla pour le dernier semestre.
Mais voyez comme nous sommes : A peine la course offre-t-elle un peu de divertissement que nous rêvons déjà de choses qui nous dépassent.
Le moment qui nous sépare du pot de départ à la retraite de Lance est compté, et je persiste bêtement à espérer que le tunnel percé au cale-pied par ses rivaux depuis sept ans soit prêt à temps pour la grande évasion, demain, vers Mende. Les Discovery font bien de ne dormir que d’un œil, car, motivés comme jamais, certains pourraient être tentés de partir dans la nuit creuser l’écart.
L’annonce de la présence de Lance l’année prochaine sur le Tour, dans la voiture de Johan Bruyneel, a décuplé les forces d’Ullrich, qui ne supporte pas l’idée de passer un nouvel été avec le mec de sa première petite amie, celui à qui tout réussit, lui à vélo, l’autre derrière, en bagnole, lui criant « Vas-y Poupou ».
Jan est encore amoureux du Tour.
D’ailleurs, la veille du départ, dans son sommeil sans doute, il s’était fait de lui-même un suçon.
Il fait semblant d’en vouloir à Rasmussen pour une vague histoire de troisième place, et de photo-souvenir avec l’arc de triomphe en fond, mais ce n’est qu’un prétexte.
L’analyse n’est pas de moi, mais de Munos, le peintre favori des femmes, le coloriste de la carte du tendre, avec qui je m’entretiens autour d’un kir.
Artiste à la destinée atypique, il a commencé au début des années 90 avec d’austères amoncellements de béton, fendu, gratté, souvent précontraint. Victime d’un cancer, il en a réchappé, devenant au terme de sa guérison un aquarelliste sensible, capable en une nuance de saisir des sentiments aussi complexes que le désir, l’envie, ou la luxure.
« Avez-vous remarqué, cher Pascal, à quel point l’effort cycliste –surtout en montagne- fige les visages sous des traits semblables à la fièvre amoureuse ? »
- Oui, lui réponds-je. Vous remuez là une profonde douleur, Munos. En regardant la télé tout-à-l’heure, j’ai cru être aimé d’un homme. Et bien non, c’était du vent. Il montait simplement un col de deuxième catégorie.
La course qu’on croyait moribonde a repris de la vigueur.
A ce rythme-là, à quoi va-t-on assister demain ? l’abeille Vinokourov, et son faux-bourdon Jan Ullrich (dont il faut saluer la naissance au panache), vont-ils persister à agacer l’apiculteur Armstrong après l’avoir dépouillé de sa combinaison spéciale en Popovytch ? Le zombi Rasmussen va-t-il mordre Basso au pif pour en faire l’un des siens ? La lutte s’annonce sans merci car les comptes restent à régler, et ce Tour, souhaitons-le, ne nous a pas encore donné notre comptant de castagne.
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Pau.
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home