LA COURSE EST NUE / ÉTAPE 18
21.7.05
Si certains s’apprêtent à rejoindre une retraite dorée –je fais bien sûr allusion à Walter Godefroot, le stratège multimédaillé de la T-Mobile- d’autres, moins en vue, pas recompensés par le sort, sentent déjà arriver sur leurs talons la fourgonnette jaune citron du chômage, et n’ont plus pour recours que d’observer le visage sans expression de leur directeur sportif pour tenter d’y lire leur avenir.
On oublie que le Tour, c’est aussi, pour les trois-quarts du peloton, une belle occasion de faire des économies d’imprimante. Une échappée en milieu d’après-midi profite plus qu’une campagne de CV au coeur de l’hiver.
C’est le moment de se faire connaître, et prendre un bon relais équivaut à mettre sa photo sur le dessus de la pile.
Malheureusement, avec la concurrence galopante, s’être montré ne suffit plus toujours. La précarité avance, elle grignotte jusqu’aux marbrés du ravito, reduits de moitié chez l’équipe Bouygues pour insuffisance de résultat. De la même façon qu'un travail ne permet plus forcément de se payer un logement, le coureur émérite qui réussit à épingler le prix de la combativité un jour sur deux, n’est plus certain de retrouver une équipe en fin d’année.
Ainsi, hier, en lisant le journal, Christophe Moreau apprend que son contrat ne sera pas renouvelé, malgré les efforts consentis et ses excellentes relations avec la direction. Vinokourov aurait déjà fait ses cartons et commandé un nouveau papier peint. Quatre ans de boîte, et voila comment on te remercie. Tu arrives un matin à l’échauffement, et tu trouves quelqu’un d’autre dans ton cuissard.
Les copains s’écrasent pour ne pas subir le même sort, et d’ailleurs, personne n’est syndiqué.
Dans les rangs francais, on emmène petit mais on en a gros. Plusieurs, ouvertement, ont dejà fait part de leurs doutes sur la différence de niveau qui les sépare des meilleurs. On aimerait en avoir le coeur net, mais les exemples de Bassons et Simeoni, exilés dans des contrées plus lointaines encore que celles d’où Hamilton et Millar regardent le Tour, ne poussent pas à la confidence.
Comme c’est la tradition, les coureurs traversent la campagne dans le soupçon. Le plaisir teinté d’amertume ressenti par le fanatique rappelle certains chocolats noirs riches en cacao.
Dans le peloton, on se regarde en chiens de faïence.
Ces jeunes Francais de la génération Tchernobyl seraient-ils donc les seuls à ne pas avoir été touchés par le nuage de poudre de perlimpimpin ? Et si oui, comment font-ils ? Qui sont les salauds qui les approvisionnent en eau plate ?
Arrivé à Revel vers 16 heures, j’ai trouvé hébergement dans un squat tenu par une assoce, au fond d’une ancienne manufacture de liqueur. Parrainés par l’ancien maillot jaune Jean-François Bernard, ils espèrent échapper à l’expulsion prévue à l’issue du mois, afin de faire place aux bulldozers et à l’édification d’un complexe aquatique.
Sur le poste menacé de saisie, j’ai le loisir d’observer Rasmussen, qui, certain de voir son contrat reconduit, profite de la fin du Tour pour soigner son image. Conscient que son clownesque maillot a pois lui va aussi bien qu’un bandana à Vladimir Poutine, il tente d’apparaître en joyeux farceur. Pour preuve, cette punaise qu’il aurait glissé sur la selle de son rival Jan Ullrich, à l’occasion de l’un de ses rares passages en danseuse, et qu’un spectateur tendait fièrement à la caméra dans la côte de la Croix-Neuve.
Pascal D’Huez, envoyé special. Revel.
On oublie que le Tour, c’est aussi, pour les trois-quarts du peloton, une belle occasion de faire des économies d’imprimante. Une échappée en milieu d’après-midi profite plus qu’une campagne de CV au coeur de l’hiver.
C’est le moment de se faire connaître, et prendre un bon relais équivaut à mettre sa photo sur le dessus de la pile.
Malheureusement, avec la concurrence galopante, s’être montré ne suffit plus toujours. La précarité avance, elle grignotte jusqu’aux marbrés du ravito, reduits de moitié chez l’équipe Bouygues pour insuffisance de résultat. De la même façon qu'un travail ne permet plus forcément de se payer un logement, le coureur émérite qui réussit à épingler le prix de la combativité un jour sur deux, n’est plus certain de retrouver une équipe en fin d’année.
Ainsi, hier, en lisant le journal, Christophe Moreau apprend que son contrat ne sera pas renouvelé, malgré les efforts consentis et ses excellentes relations avec la direction. Vinokourov aurait déjà fait ses cartons et commandé un nouveau papier peint. Quatre ans de boîte, et voila comment on te remercie. Tu arrives un matin à l’échauffement, et tu trouves quelqu’un d’autre dans ton cuissard.
Les copains s’écrasent pour ne pas subir le même sort, et d’ailleurs, personne n’est syndiqué.
Dans les rangs francais, on emmène petit mais on en a gros. Plusieurs, ouvertement, ont dejà fait part de leurs doutes sur la différence de niveau qui les sépare des meilleurs. On aimerait en avoir le coeur net, mais les exemples de Bassons et Simeoni, exilés dans des contrées plus lointaines encore que celles d’où Hamilton et Millar regardent le Tour, ne poussent pas à la confidence.
Comme c’est la tradition, les coureurs traversent la campagne dans le soupçon. Le plaisir teinté d’amertume ressenti par le fanatique rappelle certains chocolats noirs riches en cacao.
Dans le peloton, on se regarde en chiens de faïence.
Ces jeunes Francais de la génération Tchernobyl seraient-ils donc les seuls à ne pas avoir été touchés par le nuage de poudre de perlimpimpin ? Et si oui, comment font-ils ? Qui sont les salauds qui les approvisionnent en eau plate ?
Arrivé à Revel vers 16 heures, j’ai trouvé hébergement dans un squat tenu par une assoce, au fond d’une ancienne manufacture de liqueur. Parrainés par l’ancien maillot jaune Jean-François Bernard, ils espèrent échapper à l’expulsion prévue à l’issue du mois, afin de faire place aux bulldozers et à l’édification d’un complexe aquatique.
Sur le poste menacé de saisie, j’ai le loisir d’observer Rasmussen, qui, certain de voir son contrat reconduit, profite de la fin du Tour pour soigner son image. Conscient que son clownesque maillot a pois lui va aussi bien qu’un bandana à Vladimir Poutine, il tente d’apparaître en joyeux farceur. Pour preuve, cette punaise qu’il aurait glissé sur la selle de son rival Jan Ullrich, à l’occasion de l’un de ses rares passages en danseuse, et qu’un spectateur tendait fièrement à la caméra dans la côte de la Croix-Neuve.
Pascal D’Huez, envoyé special. Revel.
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