HOMMAGE À LANCE ARMSTRONG EN COMPAGNIE DE L’ÉCRIVAIN CLAUDE PLAGIAC / ÉTAPE 20
23.7.05
Journée hommage à Lance Armstrong au Puy-en-Velay.
Lancer de ballons, opération pièces jaunes, dons du sang, étape suivie sur écran géant, la grande attraction demeure cependant l’atelier d’écriture animé par l’écrivain corrézien Claude Plagiac sur le thème “Lance Armstrong, ce héraut”.
Plagiac, la soixantaine bedonnante, cheveux gris mi-longs, est bien connu des amateurs de littérature indépendante. Ami d’Allen Ginsberg, il aurait eu une aventure avec la chanteuse Nico, et se considère lui-même comme un authentique poète de la Beat.
Assis dans les rangs d’une classe de l’école primaire, nous sommes une petite dizaine à tenter notre chance, l’écriture d’une hagiographie sous les conseils inestimables du poète en personne.
“Comme Armstrong, ne vous dispersez pas dans les métaphores d’un jour”, nous prévient-il, “travaillez plutôt votre swing à la maison, et méprisez les classiques.”
A cours d’idées dès le début de l’épreuve, je jette un oeil sur la copie de mon voisin, lequel attaque tête baissée par une audacieuse comparaison avec Yul Brynner et son escouade de mercenaires…Armstrong vient chaque année délivrer le village mexicain situé en haut de l’Alpe-d’Huez ou de la Mongie. Il n’a rien de mieux à faire que de faire régner la paix et la justice partout où il passe, sauf, bien sûr, au Texas. C’est un dégueulasse.
Le style n’est guère plus brillant chez ma voisine de droite, une petite femme boulotte, elle aussi férue de western, qui s’arrête à chaque virgule pour réajuster ses lunettes sur son nez en sueur.
Armstrong, écrit-elle, c’est ce soldat sudiste qui, ayant retiré à mains nues la balle qu’il a prise dans le ventre, pénètre dans le ranch en feu, sauve le père et sa fille, l’épouse, devient un héros, puis Président des Etats-Unis.
“Trouvez votre voix, et n’essayez pas de copier les anciens”, nous rappelle fort pertinemment Plagiac en abattant sa règle de bambou sur le bureau, “Que se serait-il passé si Armstrong avait tenté de copier Hinault, hein ?…Et bien aujourd’hui, il aurait une ferme à Yffiniac.”
Sans plus d’inspiration, j’observe la fin du contre-la-montre sur l’écran gonflable installé par les services de la ville, qu’on aperçoit par la fenêtre. La ligne franchie, un homme s’en va, les mollets tendus par l’effort et le casque profilé à la main. Des blondes sont là pour l’accueillir, dont on ne sait pas très bien laquelle est sa mère et laquelle est sa femme. Une fois qu’il s’est assis, sa progéniture l’assaille. Trois moutards jouent à escalader un dieu, tandis qu’il répond à la télévision qu’aujourd’hui encore, il a souffert pour tenir à distance Ullrich et Basso.
L’interview terminée, le service d’ordre se met en route. Par talkies-walkies, des hommes en cravate commandent à des voitures de se ranger. Des portes coulissent, un hélicoptère apparaît. Trois gardes du corps l’emmènent manger des pommes de terre dans un endroit tenu secret.Les moyens de la NASA au service de Lucien Petit-Breton.
Une fois encore, je suis agréablement surpris qu’aucun acte de malveillance n’ait touché Armstrong au moment où la foule est compacte et qu’il serait facile de l’atteindre.
Il faut croire que ses plus vils ennemis eux-mêmes sont impressionnés par son aura.
Vainqueur du triathlon des enfants de fer à l’âge de treize ans, l’Américain, increvable, restera pour avoir ajouter à la souffrance régulière, l’épreuve du cancer, généralement réservée aux non-sportifs.
Plus seul encore que dans la montée d’Hautacam, mieux que Coppi, plus fort qu’Eddy Merckx, il a pris le petit chemin escarpé du Royaume des Morts, et affronté en simple piéton les couloirs d’hôpital, et le Platinol.
Donné pour perdu, il a survécu grâce à la chimie. Il est devenu une sorte de Steve Austin, un surhomme que sa force rend suspect et prive d’une vie normale.
Passant dans les rangs, le poète de Tulle se penche derrière mon épaule, sort un stylo rouge, et biffe mon paragraphe.
“Chez Plagiac, il faut être humble”, me dit-il, “comme le coureur, il faut accepter de redescendre la pente quand elle n’a pas été suffisamment bien montée”.
Le concours s’achève.
Il est dix-huit heures.
Plagiac termine de lire son long poème épique par ces mots:”Soleil couille coupée”.
Un silence d’une minute suit, conformément à la volonté de l’écrivain, qui avait demandé au public de ne surtout pas l’applaudir. Majestueux, il se saisit de sa veste souple couleur lilas, et sort en direction du Restaurant du Coq, accompagné de l’adjoint à la culture.
Seul bémol, les infirmières de la Croix-Rouge révèlent à l’instant que l’échantillon de sang A+ offert en matinée par le poète laissait apparaître un taux hématocrite de 52%.
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Le-Puy-en-Velay.
Lancer de ballons, opération pièces jaunes, dons du sang, étape suivie sur écran géant, la grande attraction demeure cependant l’atelier d’écriture animé par l’écrivain corrézien Claude Plagiac sur le thème “Lance Armstrong, ce héraut”.
Plagiac, la soixantaine bedonnante, cheveux gris mi-longs, est bien connu des amateurs de littérature indépendante. Ami d’Allen Ginsberg, il aurait eu une aventure avec la chanteuse Nico, et se considère lui-même comme un authentique poète de la Beat.
Assis dans les rangs d’une classe de l’école primaire, nous sommes une petite dizaine à tenter notre chance, l’écriture d’une hagiographie sous les conseils inestimables du poète en personne.
“Comme Armstrong, ne vous dispersez pas dans les métaphores d’un jour”, nous prévient-il, “travaillez plutôt votre swing à la maison, et méprisez les classiques.”
A cours d’idées dès le début de l’épreuve, je jette un oeil sur la copie de mon voisin, lequel attaque tête baissée par une audacieuse comparaison avec Yul Brynner et son escouade de mercenaires…Armstrong vient chaque année délivrer le village mexicain situé en haut de l’Alpe-d’Huez ou de la Mongie. Il n’a rien de mieux à faire que de faire régner la paix et la justice partout où il passe, sauf, bien sûr, au Texas. C’est un dégueulasse.
Le style n’est guère plus brillant chez ma voisine de droite, une petite femme boulotte, elle aussi férue de western, qui s’arrête à chaque virgule pour réajuster ses lunettes sur son nez en sueur.
Armstrong, écrit-elle, c’est ce soldat sudiste qui, ayant retiré à mains nues la balle qu’il a prise dans le ventre, pénètre dans le ranch en feu, sauve le père et sa fille, l’épouse, devient un héros, puis Président des Etats-Unis.
“Trouvez votre voix, et n’essayez pas de copier les anciens”, nous rappelle fort pertinemment Plagiac en abattant sa règle de bambou sur le bureau, “Que se serait-il passé si Armstrong avait tenté de copier Hinault, hein ?…Et bien aujourd’hui, il aurait une ferme à Yffiniac.”
Sans plus d’inspiration, j’observe la fin du contre-la-montre sur l’écran gonflable installé par les services de la ville, qu’on aperçoit par la fenêtre. La ligne franchie, un homme s’en va, les mollets tendus par l’effort et le casque profilé à la main. Des blondes sont là pour l’accueillir, dont on ne sait pas très bien laquelle est sa mère et laquelle est sa femme. Une fois qu’il s’est assis, sa progéniture l’assaille. Trois moutards jouent à escalader un dieu, tandis qu’il répond à la télévision qu’aujourd’hui encore, il a souffert pour tenir à distance Ullrich et Basso.
L’interview terminée, le service d’ordre se met en route. Par talkies-walkies, des hommes en cravate commandent à des voitures de se ranger. Des portes coulissent, un hélicoptère apparaît. Trois gardes du corps l’emmènent manger des pommes de terre dans un endroit tenu secret.Les moyens de la NASA au service de Lucien Petit-Breton.
Une fois encore, je suis agréablement surpris qu’aucun acte de malveillance n’ait touché Armstrong au moment où la foule est compacte et qu’il serait facile de l’atteindre.
Il faut croire que ses plus vils ennemis eux-mêmes sont impressionnés par son aura.
Vainqueur du triathlon des enfants de fer à l’âge de treize ans, l’Américain, increvable, restera pour avoir ajouter à la souffrance régulière, l’épreuve du cancer, généralement réservée aux non-sportifs.
Plus seul encore que dans la montée d’Hautacam, mieux que Coppi, plus fort qu’Eddy Merckx, il a pris le petit chemin escarpé du Royaume des Morts, et affronté en simple piéton les couloirs d’hôpital, et le Platinol.
Donné pour perdu, il a survécu grâce à la chimie. Il est devenu une sorte de Steve Austin, un surhomme que sa force rend suspect et prive d’une vie normale.
Passant dans les rangs, le poète de Tulle se penche derrière mon épaule, sort un stylo rouge, et biffe mon paragraphe.
“Chez Plagiac, il faut être humble”, me dit-il, “comme le coureur, il faut accepter de redescendre la pente quand elle n’a pas été suffisamment bien montée”.
Le concours s’achève.
Il est dix-huit heures.
Plagiac termine de lire son long poème épique par ces mots:”Soleil couille coupée”.
Un silence d’une minute suit, conformément à la volonté de l’écrivain, qui avait demandé au public de ne surtout pas l’applaudir. Majestueux, il se saisit de sa veste souple couleur lilas, et sort en direction du Restaurant du Coq, accompagné de l’adjoint à la culture.
Seul bémol, les infirmières de la Croix-Rouge révèlent à l’instant que l’échantillon de sang A+ offert en matinée par le poète laissait apparaître un taux hématocrite de 52%.
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Le-Puy-en-Velay.
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