POCHES DE RÉSISTANCE / ÉTAPE 11
13.7.05
La débandade est en vogue.
Les coureurs, dépenaillés, maillot ouvert jusqu’au nombril sur des marcels à trous, ne s’offusquent même plus de la photo d’Armstrong pleine page à la une du quotidien local qu’ils glissent sur leur poitrine en prévision de la descente.
Tandis que le résumé de l’étape s’affiche déjà sur les écrans géants, l’on traîne sa migraine sous la menace des camping-cars hollandais pressés de reprendre la route, qui surgissent des buissons en reculant.
Il n’y a plus de course, mais un lombric au corps à demi-écrasé, qui sent la pommade.
En ce lendemain de déculottée, les visages sont fripés, et les remontées, mécaniques. Jan Ullrich, qui avait encore 31 ans hier, en paraît ce matin 38, après une poussée à 45 dans la montée de Courchevel. Armstrong a déréglé l’horloge interne du champion Allemand, lequel ne doit plus savoir dans quel édition du Tour il se trouve. Se croyant en 1981, il aurait demandé à ses hommes de rouler après les Renault-Gitane, ce qui a aussitôt provoqué la colère de son directeur sportif.
Déposé au cœur de la Savoie Olympique par des chasseurs alpins en 4X4, j’ai mis le cap vers le refuge de l’Observatoire.
Malgré mes chaussures de ville, je n’ai guère eu besoin de plus de trois heures pour rallier les abords du Lac Bleu, où sont garées des Mercedes, car on offre ici des séminaires anti-stress à des entreprises du BTP.
Dans la salle éclairée par des spots verts, où retentit une musique planante, des cadres assis en tailleur s’initient aux techniques de la relaxation-flash.
Je me permets de les interrompre en rallumant les néons :
« Quelqu’un sait-il où en est l’étape ? Vino est toujours devant ?…Y’avait des gars partis en chasse-patates…Ils en sont où ? »
Devant le peu d’enthousiasme suscité par mon intervention, je décide de poursuivre plus haut, vers l’Observatoire, où les gens du CNRS, moins bêcheurs, sauront sans doute me renseigner.
Sur mon chemin, je croise des pêcheurs à la truite, peu diserts. Ils ne savent rien, sinon que Vinokourov a franchi le Galibier en tête, et que Botero n’est pas très loin.
Heureusement, une jeune femme en deltaplane, revenant de survoler la course, m’apprendra plus loin que le Colombien est revenu dans la descente.
Face au lock-out instauré par les gardes impériaux de la Discovery, l’heure est à la guérilla, au coup d’état permanent.
De la Maurienne à Paris, tous les humiliés, les bannis, les multi-battus doivent se confectionner des bandeaux kamikazes et se dessiner mutuellement sur le front de petits A cerclés de noir.
Sous la dictature Armstrong, le jeune Valverde ne peut pas rêver meilleure situation que son grand-père Escartin, six ans plus tôt. L’ascenseur sportif est en panne, et les mecs en ont marre. On aimerait voir l’opposition renverser le tyran par des commandos-suicides. Hélàs, lorsqu’une explosion se produit, le maillot jaune parvient toujours à s’échapper en riant comme un dément, dans un aéronef conduit par George Hincapie.
Il est alors tentant de faire carrière dans la collaboration.
A l’Observatoire, je rencontre le scientifique Hubert Reeves, venu préparer la prochaine nuit des étoiles filantes, qui regarde la fin de la course à l’aide de son puissant télescope, orienté vers Briançon.
« Etonnant, ce Vino ! », me dit-il, malicieux, en m’offrant la lunette, « Regardez Pascal !…Il a un petit truc jaune coincé dans ses rayons ! »
Après avoir dîné d’un soufflé au Beaufort accompagné d’un Blanc de Savoie, nous décidons d’orienter le télescope Sud-sud-Ouest, afin de profiter du feu d’artifice.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial, à Courchevel.
Les coureurs, dépenaillés, maillot ouvert jusqu’au nombril sur des marcels à trous, ne s’offusquent même plus de la photo d’Armstrong pleine page à la une du quotidien local qu’ils glissent sur leur poitrine en prévision de la descente.
Tandis que le résumé de l’étape s’affiche déjà sur les écrans géants, l’on traîne sa migraine sous la menace des camping-cars hollandais pressés de reprendre la route, qui surgissent des buissons en reculant.
Il n’y a plus de course, mais un lombric au corps à demi-écrasé, qui sent la pommade.
En ce lendemain de déculottée, les visages sont fripés, et les remontées, mécaniques. Jan Ullrich, qui avait encore 31 ans hier, en paraît ce matin 38, après une poussée à 45 dans la montée de Courchevel. Armstrong a déréglé l’horloge interne du champion Allemand, lequel ne doit plus savoir dans quel édition du Tour il se trouve. Se croyant en 1981, il aurait demandé à ses hommes de rouler après les Renault-Gitane, ce qui a aussitôt provoqué la colère de son directeur sportif.
Déposé au cœur de la Savoie Olympique par des chasseurs alpins en 4X4, j’ai mis le cap vers le refuge de l’Observatoire.
Malgré mes chaussures de ville, je n’ai guère eu besoin de plus de trois heures pour rallier les abords du Lac Bleu, où sont garées des Mercedes, car on offre ici des séminaires anti-stress à des entreprises du BTP.
Dans la salle éclairée par des spots verts, où retentit une musique planante, des cadres assis en tailleur s’initient aux techniques de la relaxation-flash.
Je me permets de les interrompre en rallumant les néons :
« Quelqu’un sait-il où en est l’étape ? Vino est toujours devant ?…Y’avait des gars partis en chasse-patates…Ils en sont où ? »
Devant le peu d’enthousiasme suscité par mon intervention, je décide de poursuivre plus haut, vers l’Observatoire, où les gens du CNRS, moins bêcheurs, sauront sans doute me renseigner.
Sur mon chemin, je croise des pêcheurs à la truite, peu diserts. Ils ne savent rien, sinon que Vinokourov a franchi le Galibier en tête, et que Botero n’est pas très loin.
Heureusement, une jeune femme en deltaplane, revenant de survoler la course, m’apprendra plus loin que le Colombien est revenu dans la descente.
Face au lock-out instauré par les gardes impériaux de la Discovery, l’heure est à la guérilla, au coup d’état permanent.
De la Maurienne à Paris, tous les humiliés, les bannis, les multi-battus doivent se confectionner des bandeaux kamikazes et se dessiner mutuellement sur le front de petits A cerclés de noir.
Sous la dictature Armstrong, le jeune Valverde ne peut pas rêver meilleure situation que son grand-père Escartin, six ans plus tôt. L’ascenseur sportif est en panne, et les mecs en ont marre. On aimerait voir l’opposition renverser le tyran par des commandos-suicides. Hélàs, lorsqu’une explosion se produit, le maillot jaune parvient toujours à s’échapper en riant comme un dément, dans un aéronef conduit par George Hincapie.
Il est alors tentant de faire carrière dans la collaboration.
A l’Observatoire, je rencontre le scientifique Hubert Reeves, venu préparer la prochaine nuit des étoiles filantes, qui regarde la fin de la course à l’aide de son puissant télescope, orienté vers Briançon.
« Etonnant, ce Vino ! », me dit-il, malicieux, en m’offrant la lunette, « Regardez Pascal !…Il a un petit truc jaune coincé dans ses rayons ! »
Après avoir dîné d’un soufflé au Beaufort accompagné d’un Blanc de Savoie, nous décidons d’orienter le télescope Sud-sud-Ouest, afin de profiter du feu d’artifice.■
Pascal D’Huez, envoyé spécial, à Courchevel.
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