LE SILENCE QUI SUIT LA VOITURE-BALAI EST ENCORE DU ARMSTRONG
25.7.05
Je rentre enfin à Paris, à bord d’une Renault Twingo partagée à cinq, pour un voyage à bon marché déniché auprès d’une société de stop organisé.
Ma langue est plus chargée que Dario Frigo, et mes souvenirs sont confus.
A l’heure du bilan, je ramène avec moi un peu des espoirs déçus de Jan Ullrich et du chagrin de Beloki. Mon impression de déjà-vu s’est aggravée d’un sentiment de jamais-plus. Tous nos pronostics les plus fous ont tourné court, et c’est à peine si l’on veut se souvenir qu’un mois plus tôt, jeunes et joyeux, nous donnions Heras et Botero sur le podium, et invitions Lance à se méfier d’Iban Mayo.
Seul, le feu de Bengale Alexandre Vinokourov nous aura mis du baume au coeur, en nous donnant l’illusion qu’un incendie s’emparait de la route. L’homme au couteau entre les dents nous a plus d’une fois tiré de l’insomnie, d’étapes transformées en nuits poisseuses et caniculaires, pendant lesquelles nous nous efforcions à compter les moutons Discovery. Il nous a offert l’hallu mémorable du maillot jaune relégué à l’arrière-plan, et des montées sous couleurs acides. Où donc notre dealer favori trouve-t-il la came qu’il nous dispense avec tant de générosité ? Nul ne le sait, mais chacun, déjà, se met à grelotter en imaginant qu’il pourrait manquer le prochain rendez-vous de juillet.
Mes compagnons de voyage, -des jeunes du Forez qui montent à la capitale profiter des joies de Paris-plage,- s’enquièrent soudain de ce que je suis en train d’écrire sur mon carnet à spirales. Sitôt avouée ma passion pour la cause cycliste, ils me traitent de dopé, et, à la première occasion, m’abandonnent sur le côté de la route, quelque part en banlieue parisienne.
Je dois finir en RER.
Puisqu’il ne me reste bientôt plus qu’une dizaine de stations, je voudrais profiter de ce dernier trajet pour remercier ceux et celles qui m’ont aidé à accomplir cette odyssée jusqu’à son terme, les nombreux anonymes et modestes célébrités qui m’ont offert le gîte et quelquefois le couvert, les anciens champions qui m’ont dépanné d’un peu de tabac, l’âne Galibier, et les Soeurs Labèque.
Enfin, je voudrais saluer la direction de Sport&Erotism pour leur soutien et leur totale ouverture d’esprit, ainsi que le jeune et prometteur Sylvain Paris-Brest, qui n’a pas hésité à me suppléer au pied levé lors de mes journées de RTT.
Descendu Gare de l’est, je constate que Paris n’a que très peu changé, à l’exception de l’effacement total du logo Paris 2012, remplacé par des touristes japonais.
Mon veston en tweed encore chiffonné de nuits passées dans les granges, les poches gonflées de notes de frais, je me précipite au siège de S&E, afin de m’y faire promptement remboursé.
Hélàs, là-bas, personne, hormis Paris-Brest, les pieds sur mon bureau, qui dort.
Mes posters de Giuseppe Saronni ont été décrochés et roulés, car, m’explique mon jeune collègue, la direction a décidé un réaménagement total de l’espace travail. Dès demain, je bénéficierai d’un endroit plus petit et plus pratique. Peut-être même, m’avoue-t-il sans s’avancer, n’aurais-je plus besoin de sortir de chez moi.
De retour dans mon appartement sous-loué pour le mois à l’un des frères Simon (qui devait s’inscrire à la fac), j’ai l’heureuse surprise de constater que rien n’a été déplacé. Plus curieux encore, je retrouve sur la table un stylo bleu que j’étais certain d’avoir emporté.
Les plantes, mortes, et le téléviseur encore chaud des retransmissions d’étapes, le voyage s’achève.
A travers les stores, le périphérique ramène au bercail les témoins encore éberlués de la plus terrifiante épreuve sportive jamais jaillie du coeur de l’homme.
L’atmosphère elle-même semble se détendre, et les peintures, au lendemain de l’arrivée du Tour, laissent apparaître leurs premières fêlures.
L’hiver est là.
Il faut dés ce soir réapprendre à s'alimenter.
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Paris.
*La direction de S&E a décidé d’offrir à Pascal D’Huez des vacances bien méritées. Vous le retrouverez à partir du 15 août pour une nouvelle saison en Elite 1.
Ma langue est plus chargée que Dario Frigo, et mes souvenirs sont confus.
A l’heure du bilan, je ramène avec moi un peu des espoirs déçus de Jan Ullrich et du chagrin de Beloki. Mon impression de déjà-vu s’est aggravée d’un sentiment de jamais-plus. Tous nos pronostics les plus fous ont tourné court, et c’est à peine si l’on veut se souvenir qu’un mois plus tôt, jeunes et joyeux, nous donnions Heras et Botero sur le podium, et invitions Lance à se méfier d’Iban Mayo.
Seul, le feu de Bengale Alexandre Vinokourov nous aura mis du baume au coeur, en nous donnant l’illusion qu’un incendie s’emparait de la route. L’homme au couteau entre les dents nous a plus d’une fois tiré de l’insomnie, d’étapes transformées en nuits poisseuses et caniculaires, pendant lesquelles nous nous efforcions à compter les moutons Discovery. Il nous a offert l’hallu mémorable du maillot jaune relégué à l’arrière-plan, et des montées sous couleurs acides. Où donc notre dealer favori trouve-t-il la came qu’il nous dispense avec tant de générosité ? Nul ne le sait, mais chacun, déjà, se met à grelotter en imaginant qu’il pourrait manquer le prochain rendez-vous de juillet.
Mes compagnons de voyage, -des jeunes du Forez qui montent à la capitale profiter des joies de Paris-plage,- s’enquièrent soudain de ce que je suis en train d’écrire sur mon carnet à spirales. Sitôt avouée ma passion pour la cause cycliste, ils me traitent de dopé, et, à la première occasion, m’abandonnent sur le côté de la route, quelque part en banlieue parisienne.
Je dois finir en RER.
Puisqu’il ne me reste bientôt plus qu’une dizaine de stations, je voudrais profiter de ce dernier trajet pour remercier ceux et celles qui m’ont aidé à accomplir cette odyssée jusqu’à son terme, les nombreux anonymes et modestes célébrités qui m’ont offert le gîte et quelquefois le couvert, les anciens champions qui m’ont dépanné d’un peu de tabac, l’âne Galibier, et les Soeurs Labèque.
Enfin, je voudrais saluer la direction de Sport&Erotism pour leur soutien et leur totale ouverture d’esprit, ainsi que le jeune et prometteur Sylvain Paris-Brest, qui n’a pas hésité à me suppléer au pied levé lors de mes journées de RTT.
Descendu Gare de l’est, je constate que Paris n’a que très peu changé, à l’exception de l’effacement total du logo Paris 2012, remplacé par des touristes japonais.
Mon veston en tweed encore chiffonné de nuits passées dans les granges, les poches gonflées de notes de frais, je me précipite au siège de S&E, afin de m’y faire promptement remboursé.
Hélàs, là-bas, personne, hormis Paris-Brest, les pieds sur mon bureau, qui dort.
Mes posters de Giuseppe Saronni ont été décrochés et roulés, car, m’explique mon jeune collègue, la direction a décidé un réaménagement total de l’espace travail. Dès demain, je bénéficierai d’un endroit plus petit et plus pratique. Peut-être même, m’avoue-t-il sans s’avancer, n’aurais-je plus besoin de sortir de chez moi.
De retour dans mon appartement sous-loué pour le mois à l’un des frères Simon (qui devait s’inscrire à la fac), j’ai l’heureuse surprise de constater que rien n’a été déplacé. Plus curieux encore, je retrouve sur la table un stylo bleu que j’étais certain d’avoir emporté.
Les plantes, mortes, et le téléviseur encore chaud des retransmissions d’étapes, le voyage s’achève.
A travers les stores, le périphérique ramène au bercail les témoins encore éberlués de la plus terrifiante épreuve sportive jamais jaillie du coeur de l’homme.
L’atmosphère elle-même semble se détendre, et les peintures, au lendemain de l’arrivée du Tour, laissent apparaître leurs premières fêlures.
L’hiver est là.
Il faut dés ce soir réapprendre à s'alimenter.
Pascal D’Huez, envoyé spécial. Paris.
*La direction de S&E a décidé d’offrir à Pascal D’Huez des vacances bien méritées. Vous le retrouverez à partir du 15 août pour une nouvelle saison en Elite 1.
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