CLASSICISSIMA
21.3.11
C'était hier Milan-San Remo.
Superbe d'indifférence aux malheurs du monde, le peloton dévalait une région moyennement sismique, vers la Méditerranée, San Remo, ses bains de mer et son corso fleuri.
Pour celui que son horloge biologique envoie dormir trois mois durant, au soir du Tour de Lombardie, fin octobre, c'est l'heure d'étirer ses membres et d'aller choisir dans la penderie un beau pantalon de flanelle. Ô Vie, nous revoilà !
La course est somptueuse, malgré le temps gris souris.
Après 250 bornes de péripéties mineures, Oscar Freire - vainqueur sortant donné favori- coince son pédalier dans un rameau d'olivier et voit s'envoler les copains sans lui. A son tour, la crème des sprinteurs se renverse dans la Manie. Out Hushovd, Farrar, Cavendish.
Dans l'emballement final, le groupe des rescapés efface les capi comme en vespa. Capo Mele, Capo Cervo, Capo Berta. Débarrassés de leurs oreillettes par la nouvelle règle, les coureurs, un peu hagards, semblent entendre pour la première fois. La plupart n'avait jamais connu la course qu'assistée. La voix du directeur leur résonnait dans le crâne du début à la fin, leur donnant la mesure, leur interdisant tout écart à la stratégie du groupe.
C'est elle, la vraie révolution de ce début d'année. Les coureurs osent enfin s'affranchir de leurs supposés guides, lesquels les maintenaient sous leur coupe par l'effroi. Le cyclisme sans transmission radio, prétendaient-ils, c'était la brutalité, l'anarchie, le règne des francs-tireurs et des factions incontrôlées, la chienlit.
En ce printemps de tous les espoirs, les champions soulèvent le joug. Malgré des poches de résistance blafardes, qui font planer la menace d'une grève sur le Critérium International, ils sortent la tête de la caverne et constatent que le monde est vaste et lumineux.
Alessandro Ballan s'échappe au moment où la retransmission télé commençant, la fatigue trouve opportun de creuser des pattes d'oie sur les tempes. Après lui, Greg Van Avermaet, le valeureux Steve Chainel, et Yoann Offredo, premier coureur français depuis des lustres véritablement en mesure de pécho un Milan-San Remo. Ils mettent les bouts dans la Cipressa. Résistent aux premières baffes du Poggio.
Tandis qu'à l'arrière, Michel Scarponi, réalisant un numéro grandiose d'homme-canon, atterrit parmi le groupe de tête éberlué, Vincenzo Nibali sonne la charge et comble le trou sur les échappés, à la faveur d'une descente de casse-cou.
Plongeant sur San Remo offerte, Yoann Offredo, encore, puis Philippe Gilbert croient apercevoir la Corse et se jettent quasiment à la mer. Il s'en faut d'un rien pour que le premier cité ne profite du marquage des pointures entre elles pour prendre définitivement le large.
Finalement, on apprend qu'un groupe de huit hommes va la jouer au sprint. Un bon cru, si l'on se réfère aux éditions -nombreuses- où le peloton quasi-intact déboulait dans la dernière ligne droite.
Hélas, au sein de cette joyeuse bande, un rabat-joie s'est glissé. Le liquidateur australien Matthew Goss éteint la flamme d'un coup de pelle et remporte la course, en donnant l'impression d'avoir surgi d'une trappe sous la flamme rouge.
Qu'importe, le moral est au beau fixe et l'on a mis les mollets à tremper pour les récupérer plus vite.
C'est remplis de frissons que nous attendons désormais avril, les Flandres, et leur probable libération.
Pascal d'Huez.
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