POUR UNE POIGNÉE DE PICOGRAMMES
7.12.10
Pendant que les Garmin-Cervélo comparent leurs muscles aux Iles Caïman, Alberto Contador et sa nouvelle équipe SaxoBank-SunGard sont en stage aux Canaries, pour une petite semaine en chambre double.
Il n’y a pas si longtemps, Bjarne Riis avait plus d’argent. Il emmenait Ivan Basso s’égratigner le minois dans les ronces en stage commando, plongeait Andy Schleck dans la cage anti-requins afin de lui apprendre la vie. Aujourd’hui, Schleck a appris la vie, mais les picaillons manquent. En bon patriarche, Riis tente de ne rien laisser paraître à ses ouailles, et les emmène se changer les idées dans la famille, le sponsor Playitas, ses hôtels en plastique et ses séjours à thèmes. Relaxation, repos, ou bien détente.
D’après les photos, l’objectif de la mission semble clair : ne pas perdre Alberto de vue un seul instant, des fois qu’un nuage passe, qu’une ombre soudain paralyse les jeux de plage. Tel Roy Scheider dans Les Dents de la Mer, l’entraîneur danois observe la mer avec ses jumelles, de façon à prévenir toute inquiétude. Son angoisse ? Qu’Alberto, soudain, ne soit plus là. Qu’on le retrouve derrière une cabine, prostré, broyant du noir, fumant un canarito.
Aussi, sur la plage de Fuerteventura, le grand cirque du bonheur a planté profond son chapiteau de poils. On se chamaille gaiement, on se frite, on se tire le maillot. Porté en triomphe par ses camarades au moindre prétexte, Alberto s’essaye au kite surf, détendu, loin des vapeurs de clenbutérol qui nauséabondent dans l’atmosphère de Madrid.
Pas de femmes, pas d’enfants. Aucun emmerdement. L’ambiance évoque un enterrement de vie de garçon, sans perruque fluo ni fausse bite en mousse, moyens extrêmes auxquels Bjarne Riis n’aura recours qu’en cas de rechute grave.
Contador, continuellement hilare, s’adonne à l’art de la pyramide humaine. Un accordéoniste et un joueur de tambour lui sucent la roue en permanence. Pense-t-il être tiré d’affaire, lui qui affirme être en proie, depuis le funeste 30 septembre, à l’insomnie et à la perte de cheveux ?... Ou bien a-t-il conscience, au contraire, que la vie est un songe, qu’il suffit de profiter de l’instant présent et que cette semaine aux Canaries est déjà sa dernière sortie avec la Saxo ?
Véritable euphorie ou coup promotionnel visant à l’innocenter un peu plus en démontrant sa sérénité retrouvée ?
©Tim de Waele
Comme il n’est jamais sain de cogiter et qu’il faut, quand même, faire un peu le métier, on retrouve un peu plus tard Alberto à bicyclette, au milieu de vallées rassurantes de volcans éteints. Dans l’enthousiasme de lui voir le smile en sautoir et le regard vif, embué d'aucune larme, on en oublie presque le défi sportif qu’il est sensé relever au cours de la prochaine saison.
Or, dans ce domaine, on se rend compte à quel point la saignée vers la formation Schleck-SuperLux a été brutale. Est-on seulement sûr, -au vu de certains bourrelets- que la nouvelle Saxo est composée de gens ayant tous un rapport avec le sport ? Autour de Contador, le rose et le roux dominent, l’allure est clairement anglo-saxonne. Les recrues s’appellent Richie Porte, Baden Cooke, Nick Nuyens et Jonny Bellis. Hmm... On réalise que cette année, au moins, le jeune Albert n’aura pas de soucis de leadership.
En attendant le droit de porter son nouveau maillot, l’Etoile de Pinto roule en panoplie Astana, son ancienne équipe étant tenue de l’habiller jusqu’à la fin de son contrat, tandis qu’il est tenu de ne rien porter d’autre. C’est l’étrange moment de l’année, où la saison terminée, les nouvelles formations roulent en meutes dépareillées. Armées démobilisées et décadentes. Les mercenaires sont alors stigmatisés, jamais aux bonnes couleurs. Vilains petits canards au plumage tagué "pèze".
Quelle impression éprouve-t-il de porter encore la tunique d’une formation qu’il a plaqué sans ménagements une semaine après l’arrivée à Paris et qui, depuis la découverte de cinq malheureux picogrammes d’un broncho-dilatateur pour cheval dans ses veines, ne l’a jamais soutenu et ne le paye plus ?
Malgré l'attention de Bjarne Riis, il arrive parfois que la discussion s’éteigne. Alberto n’est plus partant, ni pour un poker, ni pour sprint, ni pour une énième pyramide humaine. La route s’assombrit, des boeufs mugissent, les idées noires affluent.
Contador risque deux ans de suspension et la perte du dernier Tour de France.
Son sort a été confiée à la Fédération Espagnole, dont on peut penser qu’elle tentera de sauver la peau de son plus joli représentant. Mais Pat McQuaid, le puissant président de l’Union Internationale annonce qu’il ne se satisfera pas d’un jugement de complaisance et qu’il fera appel, s’il le faut.
En soirée, une bonne nouvelle arrive par Tosatto, qui déboule à table en brandissant la Gazzetta.
Un champion de ping-pong, déclaré positif au Clenbutérol lors d’une compétition en Chine, et ayant invoqué -comme le maillot jaune- une contamination à la viande bovine, vient d’être lavé de tous soupçons !
Malheureusement, la suite de l’article révèle qu’il ne s’est pas seulement contenté de clamer son innocence, mais qu’il est parvenu à la prouver, en produisant devant ses juges des cheveux de ses coéquipiers.
Quatre tifs poisseux, aux écailles tartinées de petites concentrations de la substance interdite.
Ah, Alberto !... Que n’as-tu emporté avec toi une mèche de Vino ?
Pascal d’Huez
Il n’y a pas si longtemps, Bjarne Riis avait plus d’argent. Il emmenait Ivan Basso s’égratigner le minois dans les ronces en stage commando, plongeait Andy Schleck dans la cage anti-requins afin de lui apprendre la vie. Aujourd’hui, Schleck a appris la vie, mais les picaillons manquent. En bon patriarche, Riis tente de ne rien laisser paraître à ses ouailles, et les emmène se changer les idées dans la famille, le sponsor Playitas, ses hôtels en plastique et ses séjours à thèmes. Relaxation, repos, ou bien détente.
D’après les photos, l’objectif de la mission semble clair : ne pas perdre Alberto de vue un seul instant, des fois qu’un nuage passe, qu’une ombre soudain paralyse les jeux de plage. Tel Roy Scheider dans Les Dents de la Mer, l’entraîneur danois observe la mer avec ses jumelles, de façon à prévenir toute inquiétude. Son angoisse ? Qu’Alberto, soudain, ne soit plus là. Qu’on le retrouve derrière une cabine, prostré, broyant du noir, fumant un canarito.
Aussi, sur la plage de Fuerteventura, le grand cirque du bonheur a planté profond son chapiteau de poils. On se chamaille gaiement, on se frite, on se tire le maillot. Porté en triomphe par ses camarades au moindre prétexte, Alberto s’essaye au kite surf, détendu, loin des vapeurs de clenbutérol qui nauséabondent dans l’atmosphère de Madrid.
Pas de femmes, pas d’enfants. Aucun emmerdement. L’ambiance évoque un enterrement de vie de garçon, sans perruque fluo ni fausse bite en mousse, moyens extrêmes auxquels Bjarne Riis n’aura recours qu’en cas de rechute grave.
Contador, continuellement hilare, s’adonne à l’art de la pyramide humaine. Un accordéoniste et un joueur de tambour lui sucent la roue en permanence. Pense-t-il être tiré d’affaire, lui qui affirme être en proie, depuis le funeste 30 septembre, à l’insomnie et à la perte de cheveux ?... Ou bien a-t-il conscience, au contraire, que la vie est un songe, qu’il suffit de profiter de l’instant présent et que cette semaine aux Canaries est déjà sa dernière sortie avec la Saxo ?
Véritable euphorie ou coup promotionnel visant à l’innocenter un peu plus en démontrant sa sérénité retrouvée ?
©Tim de Waele
Comme il n’est jamais sain de cogiter et qu’il faut, quand même, faire un peu le métier, on retrouve un peu plus tard Alberto à bicyclette, au milieu de vallées rassurantes de volcans éteints. Dans l’enthousiasme de lui voir le smile en sautoir et le regard vif, embué d'aucune larme, on en oublie presque le défi sportif qu’il est sensé relever au cours de la prochaine saison.
Or, dans ce domaine, on se rend compte à quel point la saignée vers la formation Schleck-SuperLux a été brutale. Est-on seulement sûr, -au vu de certains bourrelets- que la nouvelle Saxo est composée de gens ayant tous un rapport avec le sport ? Autour de Contador, le rose et le roux dominent, l’allure est clairement anglo-saxonne. Les recrues s’appellent Richie Porte, Baden Cooke, Nick Nuyens et Jonny Bellis. Hmm... On réalise que cette année, au moins, le jeune Albert n’aura pas de soucis de leadership.
En attendant le droit de porter son nouveau maillot, l’Etoile de Pinto roule en panoplie Astana, son ancienne équipe étant tenue de l’habiller jusqu’à la fin de son contrat, tandis qu’il est tenu de ne rien porter d’autre. C’est l’étrange moment de l’année, où la saison terminée, les nouvelles formations roulent en meutes dépareillées. Armées démobilisées et décadentes. Les mercenaires sont alors stigmatisés, jamais aux bonnes couleurs. Vilains petits canards au plumage tagué "pèze".
Quelle impression éprouve-t-il de porter encore la tunique d’une formation qu’il a plaqué sans ménagements une semaine après l’arrivée à Paris et qui, depuis la découverte de cinq malheureux picogrammes d’un broncho-dilatateur pour cheval dans ses veines, ne l’a jamais soutenu et ne le paye plus ?
Malgré l'attention de Bjarne Riis, il arrive parfois que la discussion s’éteigne. Alberto n’est plus partant, ni pour un poker, ni pour sprint, ni pour une énième pyramide humaine. La route s’assombrit, des boeufs mugissent, les idées noires affluent.
Contador risque deux ans de suspension et la perte du dernier Tour de France.
Son sort a été confiée à la Fédération Espagnole, dont on peut penser qu’elle tentera de sauver la peau de son plus joli représentant. Mais Pat McQuaid, le puissant président de l’Union Internationale annonce qu’il ne se satisfera pas d’un jugement de complaisance et qu’il fera appel, s’il le faut.
En soirée, une bonne nouvelle arrive par Tosatto, qui déboule à table en brandissant la Gazzetta.
Un champion de ping-pong, déclaré positif au Clenbutérol lors d’une compétition en Chine, et ayant invoqué -comme le maillot jaune- une contamination à la viande bovine, vient d’être lavé de tous soupçons !
Malheureusement, la suite de l’article révèle qu’il ne s’est pas seulement contenté de clamer son innocence, mais qu’il est parvenu à la prouver, en produisant devant ses juges des cheveux de ses coéquipiers.
Quatre tifs poisseux, aux écailles tartinées de petites concentrations de la substance interdite.
Ah, Alberto !... Que n’as-tu emporté avec toi une mèche de Vino ?
Pascal d’Huez
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