BILANS & PERSPECTIVES
19.12.10
Nous voici pataugeant dans le vilain goulet qui sépare une année de la suivante, crique sombre et glissante où il n’est pas permis pour un coureur de passer sans poser pied à terre. Dans cette nuit absolue, sans courses, sans champions, nous passons le temps comme on peut. C’est l’heure de s’adonner à l’étude du bilan cycliste, à l’écart des festivités. Installé dans un puissant canapé, d’où l’on espère qu’aucun fâcheux n’essayera de nous tirer, nous feuilletons, ami, les pages chamarrées d’un gros livre flanqué du chiffre 2010, chiffre magistral, gonflé de temps écoulé comme un fruit bien mûr et prêt à tomber, sous lequel, très certainement, l’on retrouve, endormis, le brun malin et son copain blond, Schleck et Contador.
Cette saison 107 (108 ? 109 ?...) de l’incroyable feuilleton cycliste nous laisse pantois d’expectative. Chapeau aux auteurs, probables transfuges de la saga Lost ou des Soprano, car reconnaissons-le, c’est miracle que de nous accrocher encore à cette vieille histoire de famille qui sent la colle à rustine et les patates. En France, d’ailleurs, les audiences sont en chute libre, et – à l’instar des petits commerces de province- la rubrique vélo serait définitivement fermée si, opportunément, depuis quelques années, la brave légende rurale n’avait pas trempé ses champs de blé dans le bain trash. On en a vu circuler des seringues ! Des poches de sang ! Inventé des parias ! Des balances. Fait défiler quelques macchabées. Cent fois, on a vu le héros : déchu; la course qu’on croyait gagnée : perdue; jusqu’à ce matin, et le gouffre du cliffhanger où nos coeurs sont suspendus.
Alby Contador, l’espoir de tout un peuple, l’élu, pris les veines poisseuses d’un broncho-dilatateur pour cheval pendant le dernier Tour de France, attend de connaître son sort. Et nous avec lui. S’il est sanctionné, et qu’il écope d’une suspension de deux ans, il arrêtera sa carrière, il l’a annoncé. Il aura prévenu. Le cyclisme se retrouverait alors sans queue ni tête. Le duel avec Schleck tournerait court. Qui sait d’ailleurs si ce dernier, déboussolé par la disparition de son bourreau, n’aura pas alors la vélléité de se ranger des rayons ?
Le suspense plane. Asphyxiant. Nos compagnons hypertendus n’auront sans doute pas la chance de savoir la fin. Fédération Espagnole et Tribunal Arbitral se renvoient le bâton. Réponse prévue à la mi-janvier. Mais d’ici là, combien de cheveux blancs qui ne retrouveront plus jamais la couleur ? Combien de rides creusées par l’insomnie qui ne se refermeront plus ?
Je vous ai promis un bilan. Le voici, sous la forme carnavalesque d’un beau critérium de prestige. Cette saison 2010, qu’a-t-elle fait dérouler sous nos yeux ?
Contador, bien sûr, une première fois, vainqueur de tout ce à quoi il s’inscrit. Paris-Nice, Tour de l’Algarve, Tour de Castille et Léon, tombent dans sa sacoche, petites batailles gagnées en chemin vers Rotterdam. Puis, au début du printemps, à vitesse supersonique, Cancellara, l’Annihilator, le Grand Effaceur. Vainqueur des Flandres, puis de Paris-Roubaix, le Suisse nous aura bien fait rire en se retrouvant au centre d’une polémique abracadabrantesque, oeuvre de la presse italienne. On raconte alors qu’il disposerait d’une bicyclette trafiquée, pourvu d’un petit moteur. Un doigt discret sur la touche rouge pour mettre les gaz dans le mur de Grammont, un double click pour écoeurer ses adversaires sur la chaussée de Mons-en-Pévèle. Malgré l’étendue de son talent, maintes fois démontré, malgré la remise en fin d’année du Vélo d’Or, Spartacus traîne désormais le boulet de la rumeur, plus durablement attachée à ses basques qu’un Menchov à celles du valeureux Samuel Sanchez. Partout où il roulera, il entendra des vraoum, des bruits de moteur pétaradant, malédiction.
Refermons ce nouveau tome des aventures de la passion pédalée, par quelques promesses, espoirs de grabuge, changements et nouveautés.
Rarement, on avait vu tant de mouvements de troupes. Menchov quitte la Rabobank pour la brave équipe Footon, devenu Geox. Par un jeu de selles musicales, Luis Leon Sanchez, leader de la Caisse d’Epargne, (qui se change en Movistar), file ouvrir un compte à la Rabobank, laissant son ancien team sans tête, avant l’éventuel retour du banni Valverde pour 2012. Kreuziger abandonne Liquigas à son Nibali d’amour pour le fauteuil de pilote Astana. Garmin et Cervélo fusionnent. En Australie, naît la Pegasus, forte de McEwen et Robbie Hunter, jusqu’à ce qu’avant-hier, le sponsor ne se rétracte. Enfin, -mais vous le saviez déjà,- Contador rejoint Bjarne Riis à la Saxo, accompagné de sa garde rapprochée. Conséquence, au Danemark, c’est la fuite des mollets. Les Schleck, suivis des jeunes pousses comme des vieux matous rentrent au pays, sûrs de leur force. Leur team s’appellera Leopard.Une perspective de safari alléchante, à même de donner à Christophe Moreau, Gilberto Simoni, Oscar Pereiro, et à toute la Milram, des regrets d’avoir définitivement abandonné la course aux trophées.
Pascal d’Huez
2 Comments:
Cher Pascal,
Il est toujours bon de faire des bilans en fin d'année, mais 2011 ne sera pas un remake de 2010, je le sais de source sûre.
Les mouvements de troupe que vous évoquez ne sont qu'un peu d'écume dans un bidon d'Isostar, alors qu'une nouvelle vague s'apprête à déferler sur le mois de juillet.
Bjarne m'a laissé entrevoir son plan B entre deux verres d'aquavit lors du réveillon : pas d'entrecôte espagnole bien saignante cette année, mais une bonne cuisse de poulet danois élevé en plein air, telle qu'on n'en avait pas vue depuis un certain 25 juillet 2007 en haut de l'Aubisque...
Pour les sceptiques :
http://www.youtube.com/watch?v=xMKJU3wPU9k
Bien à vous,
Ernest V.
Nice bblog
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