FREIRE TOUJOURS DIGNE
19.7.08
Reconnaissons-le : on s’était beaucoup plus amusé au mariage du beau-frère à Pineau qu’au cours de cette deuxième semaine.
Ici aussi pourtant, les organisateurs avaient bien fait les choses. En répandant sur le parcours quelques cols vicelards non répertoriés, deux ou trois virages assassins et du savon noir sur le bitume, ils pensaient avoir mis toutes les chances de leur côté pour générer du trafalgar et faire péter l’audience. Manque de bol, tel le bip-bip du coyote, le peloton s’est déjoué de tous les mauvais tours, et le revoilà, au pied des Alpes, pimpant et la cuisse alléchante.
On a beau faire l’effort, se dire qu’à la faveur d’un vent porteur et d’une désunion parmi les équipes de sprinters, un malentendu pourrait s’opérer, l’échappée de chaque jour peine à nous faire marcher et ses participants, quelque soit leur courage, ressemblent soudain à ces comiques télés devenus trop connus pour réussir une caméra cachée. L’issue est toujours la même. L’écart se résorbe, et le trou – quoi de plus normal ?- accouche d’une souris.
A observer, entre deux paupières lourdes, le consistant ennui qui visite en ce moment le sud sous le nom de Tour de France, on se dit que le Tour voudrait se faire oublier qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Que penser de cette torpeur à peine défripée par les cavalcades de Cavendish et Freire ? Calme d’avant la tempête ? Silence du lièvre qui mijote dans la cuisine des CSC ? Ou bien, selon une tendance plus large, symptôme d’un petit millésime ?
A la décharge des athlètes, j’admets que la chaleur n’arrange rien. Au-delà de 40°, toute stratégie vire à la compote de pommes, et il n’est qu’à voir Fanta –l’orpheline de 17 ans que j’ai la lourde charge d’emmener ce week-end à la mer- imbiber abondamment son t-shirt d’eau d’Evian afin de se rafraîchir, pour imaginer le calvaire subi par les coureurs.
Si la petite seconde de Maître Cadel a su résister à la canicule et ne pas fondre, il n’en va pas toujours de même des nerfs de chacun. Ainsi, Sylvain Chavanel, bien que louable dans ses efforts, en lançant une attaque désespérée dans les derniers kilomètres, a paru jouer la fugue d’un adolescent qui refuserait d’aller se coucher. « Allez gamin ! Reviens ! Tu ne vas pas rester tout seul sur cette route quand même ? » semblaient lui crier les Milram lancés à ses trousses. Pétage de plomb encore, avec le grand prix de l’imbécillité Sanogyl System au spectateur qui, au terme d’une longue nuit de réflexion certainement, a jugé bon de jeter au visage du débonnaire Nicolas Jalabert un flacon d’urine. De tels gestes en disent long sur l’amour passion qui unit supporters et coureurs, chaque partie cherchant à offrir à l’autre le meilleur de soi-même.
Dans ce climat malodorant, bien difficile de décrire au novice les charmes du Tour sans se faire rigoler au nez. C’est pourtant l’objectif que je me suis fixé aujourd’hui, en conviant Fanta à assister au passage de l’étape, bien au chaud dans l’ombre, au pied du Col de l’Orme.
Prétextant d’abord m’être trompé de chemin par la faute d’un Tomtom-Go défaillant, je pouvais compter sur la complicité bienvenue des forces de police qui, aux alentours de Digne, nous prévenaient du blocage de la route à trois-cents mètres pour cause de course cycliste. Soit. Il allait falloir prendre notre mal en patience. J’installais donc aussitôt la petite table de camping qui ne quitte jamais mon coffre et, sûr de mon fait, j’invitais Fanta à attendre la caravane publicitaire.
Parce qu’elle a reconnu dans la mêlée le maillot blanc de Vincenzo Nibali, ma djeuns a complétement zappé les flots bleus, et fait dorénavanat des pieds et des mains pour que nous partions passer le week-end en Italie, direction Prato Nevoso. La magie du Tour a encore produit son petit effet. Elle qui me prenait pour un bouffon, me trouve maintenant de la balle.
La feuille de papier à cigarette qui sépare Evans de l’aîné des Schleck sera-t-elle demain soir consumée ? C’est la question qui occupera cette nuit mon insomnie, car non contente de dormir nue, Fanta ronfle.
Pascal d’Huez
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