ATCHA !
16.7.08

Comment douter encore du fait que Cadel Evans ne soit un authentique rapiat ? Voyez un peu comme, alors qu'on vient à peine de le revêtir du maillot jaune, le parvenu tient serré contre lui le lion en peluche qu’il espère sans doute refourguer au prochain Noël à un petit orphelin du Lotto belge. Voyez surtout comme le pingre est à la seconde près.
A sa place, en haut d’Hautacam, un Indurain, un Armstrong, voire un Contador, aurait laissé un peu s’égréner le chronomètre, démontrant par là même sa souveraineté en prêtant quelques jours la toison d’or à un coureur inférieur. Mais c’est par une collecte minutieuse, centième après centième, que celui dont on dit qu’il se douche avec l’eau de sa propre sueur, compte visiblement gagner le Tour de France.
Cette petite seconde qui sépare ce soir encore Frank Schleck de la première place ne manque cependant pas de grâce. Dans une course marquée par quelques chutes lourdes et les commentaires riches en gras de Frédéric Adam, elle a la légèreté d’une socquette. A l’heure où l’époque des transferts du foot couvre les journaux de combinaisons mirobolantes, le nombre à un chiffre nous rabiboche avec les mathématiques et nous précipite dans les vertiges de l’espace-temps. Où se trouve-t-il, ce fragment manquant au bonheur de la CSC parmi les millions de secondes anonymes bafouées à longueur de journées ? Où l'a-t-on perdu ? Et dans quel ventre gourmand sont perdus les étés accumulés par les classements généraux du Tour depuis qu’il existe ? D'après le calcul de mes collaboratrices, le magot serait de 9500 heures, soit 395 jours de course non-stop. Et dans tout cela, quelquepart sur la route de Saint-Pierre-de-rivière, la petite seconde de Frank Schleck, qui tend à la limite de la rupture le fil d’une épreuve habituée à se jouer dans le temps d’un éternuement ou de la vie d’une bulle de Champagne.
Poursuivant la digression qui constitue le gros de cette chronique, je me dis que si André Breton et Philippe Soupault avaient battu Jacques Goddet et Félix Lévitan pour la direction du Tour, nous aurions hérité d’une autre manière de décrire les écarts. Par exemple, on ne dirait pas que Menchov se trouve à 57’’ d’Evans, mais à la durée d’un premier baiser. De la même façon, on noterait que Kreuziger, 21ème, a perdu le temps qu’il faut pour abattre un arbre, et que Mathieu Sprick, avant-dernier, doit grosso modo une partie de cartes au soleil.
Mais trêve de poésie. Pour sûr, ce n’est pas en racontant de pareilles salades à ses gars que Madiot va ramener une étape.
Lundi, il fallait payer pour voir, et on a vu. Déconfits, Cuneglo, Andy Sport, et Valvert ont pris une dégelée royale, bien que rien ne soit encore totalement hors de portée de leurs imaginations moyennes, puisqu’on l’a bien senti, ce Tour ne dispose d’aucun assommeur certifié.
Aujourd’hui, au cours d’un transfert chaotique mais relativement morne, Arvesen a fourni du beurre aux épinards de la Saxo Bank en s’imposant à Foix. Porté par le peloton comme la flamme du Saint-Esprit, la petite seconde de Frank Schleck a fait bonne route, acclamée par le public, qui en a fait sa chouchoute. Allez-y voir, elle s’écoulera demain à Saint-Julien de Septime, aux alentours de 16h47.
Pascal d’Huez
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