PANIQUE EN BORDURIE
11.7.08
Pas d’états d’âme chez Kim Kirchen.
Il s’est vu quelquefois que l’on fit mille manières avant d’endosser un maillot jaune gagné sur chute de l’adversaire. Un temps révolu peut-être, à moins de considérer que la gamelle de Chumachère devait tout à sa propre maladresse et ne lui avait occasionné aucun bobo.
Pas non plus de scrupules chez les redoutables Caisse d’Epargne, qui se sont mis à visser comme un seul homme au moment où Damiano Cunego, le Rimbaud de la Lampre, ayant chuté, venait de se découvrir deux trous rouges au côté droit.
Loin des promenades goût noisette illustrées par la ritournelle d’Yves Montand, le cyclisme habitait aujourd’hui un monde âpre, dur, à la John Carpenter, où plutôt que de subir les affres du sort et les vilénies de la défaillance, on a pu être tenté par le suicide, tête la première contre un platane, à la façon banale d’un juillettiste motorisé.
Qu’importe qu’en exclusivité mondiale, Google Maps propose au suiveur de trouver les meilleures places le long du Tour grâce à ses panoramas 360° : l’étape d’Aurillac fut un enfer à ne pas savoir où se mettre.
Tout commença aux alentours de 15h par un détail anodin, symptôme d’un mal en germe. La chaîne du jeune Peter Velits rompit net, phénomène rare. Là-dessus, profitant d’une portion de vent de côté, les CSC, coutumiers du fait, organisèrent un coup de bordure, une espèce de party très sélect où sans invite, on n’entre pas dans l’éventail.
Grabuge. Le peloton se câbre et finit par se briser en deux comme un paquebot. A l’eau, Christophe Moreau, qui contre toute attente, abandonnera au ravitaillement.
La course est plus animée qu’un Tex Avery. Les attaques se succèdent. Crevaisons. Roues récalcitrantes. Favoris piégés. Coureurs intercalés. Descente à tout berzingue. Fumée. Brouillard. On voit plus rien. On tousse. On capte plus.
Même le colosse Magnus Backstedt mordra la poussière, disqualifié pour être arrivé cinq minutes au-delà du délai réglementaire.
Dans cette ambiance d’insécurité galopante, on comprend pourquoi, lorsqu’il franchissait la ligne d’arrivée en vainqueur, Luis-Leon Sanchez remercia abondamment le ciel de lui avoir laissé la vie sauve. Rien n’était moins assuré par pareil temps de chien. A sa poursuite, on relève le panache de Schumacher, qui marche du tonnerre, et les appétits maousses de Valverde et Kirchen, néo-cannibales, qui bouffent à tous les râteliers, tandis que Cadel Evans leur fait chaque jour le coup du porte-feuille oublié.
Demain, redescente acide sur Toulouse où les sprinters aimeraient faire entendre leur point de vue, cependant que l’orage gronde sur le parcours.
Il serait question de lettres d’avertissement et d’un vétéran tombé pour une sale manie. Décidément, le bonheur est une installation fragile dont les pignons se mettent vite à gripper.
Pascal d’Huez
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