RICCO LA BELLE VIE
13.7.08

A intervalles imprévisibles, l’existence nous réserve des moments de grâce.
Des retrouvailles avec un vieil ami, la naissance d’un enfant, une première expérience d’amour à plusieurs, toutes expériences inoubliables qui feraient la jaquette des Best Of de nos vies si ceux-ci sortaient en DVD, ne sont pourtant que pacotille pour qui a connu une fois le bonheur fou d’assister devant son poste à la révélation d’un pur grimpeur.
Les jours où pareil miracle se produit sont rares. On en compte, par siècles, moins que de jours d’éclipse totale du soleil. Il ne faut par conséquent pas manquer de les célébrer à leur juste mesure, et si l’on me voit danser plus longtemps que les autres cette nuit de bal, c’est que je dispose d’une raison supplémentaire de faire la fête.
Avec Ricco, on sait déjà que c’est pour la vie. Il se traînera en contre-la-montre, ramera sur le plat, en bavera dans la descente, aura des hauts et des bas, mais peu importe, puisque cette inconstance chronique ne fera que rendre plus prodigieuses encore ses cavales inouies au plus fort de la pente, doué qu’il est de cette giclette infernale qui est au cyclisme ce que l’esprit est à la conversation.
A moins d’être mangé par les petits cochons renifleurs de substances, le branleur de Sassueno va nous régaler pour longtemps, et au risque de me répéter aux oreilles de ceux qui voient le bidon à moitié vide, il faut d’urgence s’en réjouir.
Ricco est certainement le seul grimpeur de cette édition 2008, très ouverte aux montagnards, à pouvoir naviguer à de telles altitudes sans s’évanouir. Aussi faudra-t-il ausculter demain ce qu’ont vraiment dans le ventre les Valverdo, Cadel Silence, Cunegolo, Menchof et autres Frères Schleckos pour risquer son RMI dans un pari, mais si la vipère des pâturages répète son numéro, si Ricco continue de ricocher, le contre-la-montre de Saint-Amand ne suffira pas à récupérer le temps qu’il aura goulûment avalé dans la montagne.
Patience donc, les hypothèses lancées à tort et à travers depuis une semaine seront en partie levées demain soir.
Pendant que le Riccardo Coco flambe et oblige les centrales nucléaires à turbiner pour alimenter les projecteurs dont il a besoin, notre bon Cadel, à force d’économiser de l’énergie, n’a pas su changer ses piles à temps, et s’est retrouvé cul parterre. Quand bien même sa chute n’a occasionné que de superficielles égratignures, il faisait grise mine ce soir, non pas par crainte d’éventuelles contractures ou d’une mauvaise nuit, mais parce qu’il venait d’apprendre par la bouche de son directeur sportif qu’il devrait payer de sa poche la bande Velpo et le mercure au chrome nécessaires à sa guérison. Franchement, n’y avait-il pas moyen de récupérer le pansement à peine taché de Popovytch ?
Las, devant tant de gabegie, le leader Silence a préféré ne rien dire. Sorti de table peu avant l’arrivée de l’addition, il est monté directement à sa chambre après avoir demandé au garçon un lot de serviettes en papier destinées à protéger sa poitrine, demain, dans la descente du Tourmalet.
Coup dur pour l’Harpagon austral : il va falloir payer pour voir.
Pascal d’Huez
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home