PAS TROP DÉCHUE, MA CHÈRE ?
8.7.08
Au contact de la morne ville de Cholet, paradis de l’assurance-vie, aux préaux remplis de petits enfants qui jouent à qui souscrira la meilleure mutuelle, le Tour de France, d’ordinaire imprévisible, s’est transformé en comptable besogneux.
Des suites d’un chrono court et serré qui n’a ni tué le suspense ni trop révélé de possibles killers, les supputations se multiplient et, parce qu’on ne peut encore éliminer personne, on se croirait au soir d’un premier tour d’élections, quand le calcul des reports de voix force à la langue de bois généralisée.
Bien dans cet esprit administratif, l’exaltant Cadel Evans, premier des favoris, fout les jetons en annonçant sitôt quittée sa selle qu’il pourrait se contenter de gérer son avance dans la montagne à venir, suivant les traits d’un caractère prudent qui, s’il était entraîneur de foot, le pousserait sans doute à jouer en 6-3-1. On murmure déjà qu’en cas de succès dans la Boucle, le gouvernement australien lui proposerait le maroquin du budget, un poste adéquat au vu de la belle réputation de radin qu’il a réussi à se bâtir. Savez-vous qu’il recycle ses bidons en cadeaux d’anniversaire bon marché ? Qu’il ne donne jamais un coup de pédale ? Qu’il porte un cuissard usé pour ne pas éveiller les soupçons du fisc ? Avez-vous enfin remarqué comme il pousse la discrétion jusque dans le nom de son sponsor ?
Il faudrait pourtant être aveugle, au matin de cette édition 2008 au dessin audacieux, pour espérer vivre sur son médiocre magot plutôt que d’investir dans l’aventure.
Le bien-nommé « exercice en solitaire », après trois jours de promiscuité où la tension a pu parfois devenir insupportable, permet à chacun de déployer son talent. Voilà soudain le peloton désagrégé comme un sac de billes projeté sur le carrelage. Tel un jeune homme à qui l’on viendrait de donner le permis de conduire, chaque coureur se voit remettre une route entièrement dégagée, tremplin vers un horizon que rien ne bouche. Selon son trip, il peut alors nourrir l’illusion d’être seul en tête, ou bien sentir monter l’angoisse d’être seul au monde. Oubliées un après-midi durant, les corvées de la vie de famille, le voilà devenu l’égal d’un tennisman.
Pour le simple équipier, le contre-la-montre est l’opportunité de détromper la hiérarchie établie dans les rangs de son équipe afin d’accéder à un nouveau statut. Quant à l’outsider, il tient là l’occase de se payer le costard classieux de favori.
L’eau de Gerolsteiner, -comme toutes ses concurrentes de source, idéale au bon renouvellement des neurones- ne se boit certainement pas par packs sur les desks des journalistes sportifs qui ces dernières heures calembourrent poussivement la métaphore automobile au motif que le vainqueur du jour s’appelle Schumacher. Entendant Gérard Holtz demander à Stefan s’il avait déjà rencontré Michael, je me posais à mon tour la question : Cadel a-t-il serré la paluche à Gil ? Et Christophe Moreau ? A-t-il seulement bu l’apéro avec Jeanne ?
Après l’odieux gardien de but du Mundial espagnol, ce nouvel avatar Schumacher dans l’actualité sportive conduit plutôt mes pensées vers le garde-chasse alsacien de « La Règle du Jeu », que son châtelain d’employeur appelle sans penser à mal « Chumachère ». Dans ce film sorti à la veille de la guerre, l’année de la dernière victoire de Sylvère Maes, Chumachère a fort à faire avec le braconnier Marceau, qui lui prend lapins et épouse. Grand échalas pas très malin, il a le rôle du cocu éternellement berné, mélange du gendarme de guignol et d’un leader de la T-Mobile.
Désormais que les Français ont enfin appris à prononcer son nom correctement, Stefan vient-il cet été venger l’honneur de tous les Chumachère ?
C’est l’enquête à laquelle nous tenterons de nous livrer demain, étant donné qu’on risque de s’emmerder ferme à Châteauroux.
Pascal d’Huez
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