POLAR
14.1.07
« aujourdhui c t super-on a roulé pénard a fond les gamell !!! cé ki ka di ke les alsaciens i zon rien dans les cannes ?? lol »
Cette citation, extraite du blog de Kevin, je la reprends volontiers à mon compte tant aujourd’hui, les jambes allaient bien.
Equipé des pieds à la tête aux couleurs Unibet, c’est à vélo que je quittais l’hôtel, résultat d’un pari stupide pris hier soir au moment des digestifs. Cette aventure dans l’aventure m’enchantait, et dès les premiers kilomètres –il est vrai, en descente- j’oubliai le cardio et décidai de rouler à la sensation.
Ainsi, Landis et Lebon étaient copains comme cochons ! Comme Popovytch à Carcassonne, la piste mennonite refaisait surface, et avec elle un mystère plus dense encore qu’au premier jour.
En attendant, loin des tracas du piéton, nous menions tempo joyeux où chacun tour à tour se laissait complaisamment mettre en boîte par les autres. Ne voulant pas être en reste, je subtilisai à la volée le bonnet de Jérémy Hunt et le jetai dans une mare. Jalousie ? Toujours est-il qu’il le prit assez mal, l’humour anglais terminant à cette occasion loin derrière la gaieté française.
Au kilomètre 54, mon polar enregistra une pointe à 170. C’était Patouche qui m’appelait, dans l’oreillette reliée à mon portable. Sa visite au bowling n’avait rien donné sauf la peur de sa vie, au retour, où deux mecs à vélo l’ont suivie jusque chez elle. Elle avait lu mes derniers posts et flippait du tour que prenaient les événements. Je l’embrassai en lui recommandant de ne surtout pas rater ma livraison du soir, car il y aurait du nouveau.
Et en effet, nous entrions dans Foix.
Il était prévu d’y récupérer deux nouveaux équipiers sud-américains, arrivés un peu plus tôt à l’aéroport de Blagnac : Jose Rujano, et le Colombien transféré de la Phonak, Victor Hugo Pena, de qui je pris immédiatement la roue.
Victor Hugo, bien connu pour son sourire permanent, est le coéquipier modèle, apprécié pour sa discrétion et son sens du sacrifice. Après avoir gagné le Tour de France pour le compte de l’US Postal, il avait mené la dernière campagne aux côtés de Floyd Landis, réussissant l’exploit –passé inaperçu- de remporter à nouveau l’épreuve, sous des couleurs différentes.
Sans juger utile de me présenter, j’évoquai avec lui sa Colombie natale et, pêle-mêle, le bon président Uribe, Lucho Herrera, la guérilla des FARC, et Fabio Parra (3ème en 88).
Amadoué, mon coureur était bientôt à point et le moment venu de lui présenter le visage de Kevin Lebon.
Mais Victor Hugo, faisant mine de croire à un autographe, signa ma photo, et se porta à l’avant du groupe.
Fumace, je jurai de ne pas le lâcher,et revenu à sa hauteur en deux coups de pédales, je le relançai sur Kevin. « Non, non, non », il ne voulait rien savoir, prétextant d’ailleurs n’y rien comprendre.
En prélude à ce qu’on appelle dans le milieu « un sacré numéro », je vins coller sa roue arrière, et me mis à accélérer peu à peu, l’obligeant à monter en régime s’il ne voulait pas perdre la face.
Il plaça une première accélération pour me lâcher. Je ne bougeais pas. Tranquille, résolu, à plus de 40km/h, je tenais en sifflotant une cadence de croisière de 210 pulsations/minute. Une nouvelle tentative n’eut pour effet que de l’épuiser davantage.
Je me retournai. Nous avions fait le trou ! Le reste du groupe apparaissait en contre-bas et certains me faisaient de grands gestes du bras.
Fourbu, ne voulant pas risquer la blessure, Victor Hugo monta dans le mini-bus de l’équipe, où je lui emboîtai le pas.
Allongé sur la banquette au-dessus de laquelle je brandissais à nouveau le portrait du jeune espoir, il acceptait bien volontiers de reconnaître Kevin pourvu que tout cela reste entre nous.
Il avait, bien entendu, ma parole.
Je retirai alors les aveux comme l’écharde dans le coude du sprinteur.
Lebon était plus qu’un fan. Faisait-il partie du staff ? Oui. Mais ce n’était pas officiel. Disons qu’il travaillait pour la Phonak en sous-main.
Ce qu’il y faisait ? Victor Hugo jurait ne pas le savoir. Conseiller de Landis peut-être, qu’il amusait par toutes sortes d’imitations.
Enfin, à travers la cloison de sa chambre d’hôtel, il avait cru entendre une grosse engueulade au soir de la Toussuire, Landis reprochant à Kevin sa liaison avec une fille de la caravane, et le foutant à la porte !
Ayant obtenu plus que j’espérais, je récompensai Victor d’une pâte de fruit, et pris congé des Unibet à notre arrivée à Carcassonne.
Bonne chance pour la saison à venir, les petits gars ! Et attention aux coups de bordure !
Dans l’intimité de ma chambre, je profitais du demi-sommeil où m’avait plongé ma débauche d’efforts pour tenter de mettre en ordre les pièces du puzzle. Marteau, Landis, Aquarel, Toussuire… Où diable tout ça menait-il ?
Comme si cela ne suffisait pas, je mettais plusieurs heures à m’endormir par la faute d’un distributeur 24/24 en bas de l’immeuble, qu’un pauvre hère, sans doute accroc au sucre, venait débiter chaque heure d’une canette de Coca.
Pascal D’Huez, envoyé spécial depuis Carcassonne.
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