LE BOASSON
8.7.11
Ce qu'il y a de marrant avec le Tour de France, c'est la façon dont les coureurs traversent le territoire -national ou non- dans l'insouciance la plus totale de l'histoire et des drames multiples qui s'y sont déroulés. Exemple ? Aujourd'hui, Lisieux la sainte. Depuis Dinan.
En direct de l'hôtel Acacia de Grenoble, où j'ai pris la retransmission télévisé vers 16h30, j'observe le peloton battre la campagne comme une troupe d'adolescents goguenards, se moquant des plaques commémoratives, urinant par inadvertance sur les arbres centenaires.
Sainte Thérèse de Lisieux, jeune femme morte au carmel à 24 ans, est une sorte de Marcel Duchamp du christianisme. Elle en a révolutionné les principes et influencé la spiritualité de la
seconde moitié du Xxème siècle. Sans elle, sans doute pas d'Abbé Pierre, ni de Soeur Emmanuelle. Son apport : atteindre à la sainteté, non plus dans les grandes actions, mais dans les faits du quotidien les plus insignifiants.
Comment ne pas reconnaître dans ce programme, le mode d'action d'un Thomas Voeckler ? D'un Jérémy Roy ?
Aujourd'hui donc, vers 16h30, mon travail d'écriture achevé, je cale ma tête face à la télévision pour profiter de la fin de la course. En connaisseur averti, je n'attends pas grand chose d'une étape intitulée Dinan-Lisieux. Tout au plus, quelques chutes, une crevaison, un château.
Depuis la révélation du parcours, en décembre, nous savons que cette étape s'achèvera par un sprint, plus ou moins thrilling, car Christian Prudhomme, le grand architecte, a prévu un dénouement tortueux, avec côtes et replats.
Pour une fois, ça ne rate pas.
A deux kilomètres sept-cents du but, Voeckler attaque, en compagnie de l'Omega Vanendert. Voeckler connaît son catéchisme. « Dans les faits du quotidien les plus insignifiants », ressasse-t-il dans sa tête, magnifique, tandis qu'il tente l'impossible, cent mètres devant un peloton furieux.
Malheureusement, les Sky, les Garmin, les HTC, ne jurent que par l'épreuve concrète des faits. Terre à terre, le peloton revient, avec son réalisme en bandoulière. Travailler plus pour gagner plus, l'argent va à l'argent, sont les slogans que la meute des coureurs affichent sur leurs pancartes invisibles.
Mais trêve de mauvais esprit.
Si le romantisme est minoritaire depuis longtemps dans le cyclisme, le dernier kilomètre d'une étape du Tour de France ne cesse jamais d'être un moment profondément irrationnel. C'est ce qui fait qu'on s'y retrouve, amateurs d'espoir et d'étrangeté. C'est pourquoi l'on s'y console.
Philippe Gilbert, inattendu porteur du maillot vert, déclenche les hostilités. Mais le profil de l'arrivée semble laisser les coureurs perplexes.
S'agit-il d'une montée ? D'une arrivée sur le plat ?
Dans le doute, on tente sa chance. Vinokourov secoue le cocotier. Contador se place. La pluie s'emmèle dans les rayons.
Les habituels piliers du comptoir des sports se retrouvent. En l'absence de Cavendish, qui n'a pas su passer la rampe, Rojas, Feillu, Goss, s'apprêtent à passer à table. Ils flinguent comme des dégueulasses, fusent sur l'avenue finale comme des neutrinos.
Au bout du compte, c'est Edvald Boasson Hagen, le boa des neiges, qui transperce la foule à cent mètres de la ligne et file la métaphore jusqu'au bout.
Il s'agit de la première victoire d'étape d'un jeune cycliste immensément talentueux, qui pourrait, bientôt, faire tourner les têtes, tel Armstrong, Eddy Merckx. Son principal embarras reste celui du choix. Demeurer le même et engranger les courses d'un jour, ou bien suspendre les sorties au Banana Club, mincir, et devenir un postulant au classement général ?
Ne trouvant, à Grenoble, personne à qui confier mes doutes, je laisse la question grande ouverte.
Demain ? Fi de Thérèse. Cap sur Châteauroux, sa préfecture, son centre pénitentiaire, et son Gérard Depardieu, attendu pour remettre le jaune.
En direct de l'hôtel Acacia de Grenoble, où j'ai pris la retransmission télévisé vers 16h30, j'observe le peloton battre la campagne comme une troupe d'adolescents goguenards, se moquant des plaques commémoratives, urinant par inadvertance sur les arbres centenaires.
Sainte Thérèse de Lisieux, jeune femme morte au carmel à 24 ans, est une sorte de Marcel Duchamp du christianisme. Elle en a révolutionné les principes et influencé la spiritualité de la
seconde moitié du Xxème siècle. Sans elle, sans doute pas d'Abbé Pierre, ni de Soeur Emmanuelle. Son apport : atteindre à la sainteté, non plus dans les grandes actions, mais dans les faits du quotidien les plus insignifiants.
Comment ne pas reconnaître dans ce programme, le mode d'action d'un Thomas Voeckler ? D'un Jérémy Roy ?
Aujourd'hui donc, vers 16h30, mon travail d'écriture achevé, je cale ma tête face à la télévision pour profiter de la fin de la course. En connaisseur averti, je n'attends pas grand chose d'une étape intitulée Dinan-Lisieux. Tout au plus, quelques chutes, une crevaison, un château.
Depuis la révélation du parcours, en décembre, nous savons que cette étape s'achèvera par un sprint, plus ou moins thrilling, car Christian Prudhomme, le grand architecte, a prévu un dénouement tortueux, avec côtes et replats.
Pour une fois, ça ne rate pas.
A deux kilomètres sept-cents du but, Voeckler attaque, en compagnie de l'Omega Vanendert. Voeckler connaît son catéchisme. « Dans les faits du quotidien les plus insignifiants », ressasse-t-il dans sa tête, magnifique, tandis qu'il tente l'impossible, cent mètres devant un peloton furieux.
Malheureusement, les Sky, les Garmin, les HTC, ne jurent que par l'épreuve concrète des faits. Terre à terre, le peloton revient, avec son réalisme en bandoulière. Travailler plus pour gagner plus, l'argent va à l'argent, sont les slogans que la meute des coureurs affichent sur leurs pancartes invisibles.
Mais trêve de mauvais esprit.
Si le romantisme est minoritaire depuis longtemps dans le cyclisme, le dernier kilomètre d'une étape du Tour de France ne cesse jamais d'être un moment profondément irrationnel. C'est ce qui fait qu'on s'y retrouve, amateurs d'espoir et d'étrangeté. C'est pourquoi l'on s'y console.
Philippe Gilbert, inattendu porteur du maillot vert, déclenche les hostilités. Mais le profil de l'arrivée semble laisser les coureurs perplexes.
S'agit-il d'une montée ? D'une arrivée sur le plat ?
Dans le doute, on tente sa chance. Vinokourov secoue le cocotier. Contador se place. La pluie s'emmèle dans les rayons.
Les habituels piliers du comptoir des sports se retrouvent. En l'absence de Cavendish, qui n'a pas su passer la rampe, Rojas, Feillu, Goss, s'apprêtent à passer à table. Ils flinguent comme des dégueulasses, fusent sur l'avenue finale comme des neutrinos.
Au bout du compte, c'est Edvald Boasson Hagen, le boa des neiges, qui transperce la foule à cent mètres de la ligne et file la métaphore jusqu'au bout.
Il s'agit de la première victoire d'étape d'un jeune cycliste immensément talentueux, qui pourrait, bientôt, faire tourner les têtes, tel Armstrong, Eddy Merckx. Son principal embarras reste celui du choix. Demeurer le même et engranger les courses d'un jour, ou bien suspendre les sorties au Banana Club, mincir, et devenir un postulant au classement général ?
Ne trouvant, à Grenoble, personne à qui confier mes doutes, je laisse la question grande ouverte.
Demain ? Fi de Thérèse. Cap sur Châteauroux, sa préfecture, son centre pénitentiaire, et son Gérard Depardieu, attendu pour remettre le jaune.
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home