NU DANS LA CREVASSE
22.7.08

Dimanche soir, fumant au crépuscule sous les peupliers du parc du Château de Racconigi, nous rêvions, Fanta et moi, de grand chambard. Doué du talent rare d’imitateur cycliste, je lui jouais l’attaque annoncée de Menchov, rendais les bruits, l’éclatement du pneu avant de Frank Schleck sous la pression de Cadel Evans, les corps dispersés sur la route couperet, jusqu’aux impacts laissés sur le cuissard pare-balles du dandy Andy. Et tatatatatatata !... Tatatatatata ! gueulais-je, torse nu, en simulant vers le col de la Bonette une sorte de DCA qu’on dirigerait avec un guidon.
Le final électrique de la montée de Prato Nevoso nous avait un peu tapé sur le système, faut dire, et excités comme des puces, ayant cherché un night-club que jamais nous ne devions trouver, nous étions résolus à passer la nuit à la belle étoile. Hélàs, le Château momentanément devenu l’hôtel des Silence, on nous demanda –c’est naturel- de nous en aller rire ailleurs.
Comme avant-hier me semble loin ! Nous avons cru changer d’époque, quitter la morne plaine pour plonger dans le bain des passions. Nous ne faisions que piquer une tête.
A qui la faute de ce Restefond demi-sel ? Les CSC, apparus finalement encombrés par l’addition de leurs talents, tentent de pousser leurs adversaires à la rupture. Dans cette perspective, ils s’y mettent à dix, traversent littéralement les cols : ils font un trou dedans, sans respect pour le temps infiniment plus long qu’il a fallu pour bâtir la géologie stupéfiante de ce coin du Mercantour. Le plan consiste à étouffer l’Australo par un voyage dans la stratosphère. Seulement voilà, bien que traîné en apnée à 2715m au-dessus du niveau des mers, Cadel Evans, arrondi comme un scarabée soumis à une cruelle expérience de labo, tient tête au sadisme du Professeur Riis.
Avec plus de stars que n’en comporte justement le drapeau australien, la CSC-Saxo Bank a quelque chose de ces dream teams dont les footballeurs, parce qu’ils sont habiles, pêchent par manque d’efficacité, se marchent sur les pieds, et donnent l’impression de ne pouvoir marquer qu’en entrant avec le ballon dans les filets. Le conseil de Beckenbauer : Tirer de loin.
Autre maître en sévices, le directeur de la course prend un malin plaisir à faire aussitôt dévaler aux coureurs tout ce qu’ils viennent de se casser le derche à grimper. C’est là, dans le toboggan infernal vers Jausiers que se trouvait aujourd’hui dissimulé le clou du spectacle. Passé en tête au sommet et soudain pris d’une pulsion mystique, le Barloworld John-Lee Augustyn profita d’un virage pour filer droit dans le décor. Les aménagements sommaires qu’il y trouva, par bonheur le persuadèrent de revenir parmi nous. Ce qui fut vite fait, via l’aide précieuse d’un spectateur qui –et c’est une première- a reçu en vertu de son geste le prix de la combativité. A l’avant de la course déserté par les cadors, quatre valeureux réussissaient à se détacher suffisamment des biens matériels pour se disputer au sprint une victoire de prestige. Au terme d’un beau slalom, Cyril Dessel empochait son premier chamois. L’émotion avait vaincu. Trop tard malheureusement pour retenir ma jeune Fanta, qui définitivement mordue de pignons fixes, s’est entiché d’un Piémontais néo-pro, rencontré au départ de l’étape. Puisqu'elle s’est mise en tête de fonder avec lui là-bas une famille, on comprendra aisément que je n’ai pas eu à cœur de la reconduire vers Paris.
Ma mission à peine accomplie, un nouvel obstacle se dresse. Le Galibier ! Ce col franchi, plus loin s’en trouve un autre : La Croix-de-fer ! Et encore un autre, blanc, brillant, la dent dure. Te revoici donc, Alpe-d’Huez ! Un genre de Moby Dick à affronter avec des bicyclettes pour harpons.
Pascal d'Huez
1 Comments:
Cher Pascal, il serait bon que vous cessiez de faire passer Cadel Evans pour ce qu'il n'est pas, à savoir une endive.
Voici un extrait d'article où Cadel se montre bien plus courageux que la plupart d'entre nous, car lui n'éprouve nulle chocotte à faire raccompagner la parole par l'acte.
<< "J'ai des opinions. Je sais que je ne vais pas changer le monde, mais si je peux, grâce à mon statut de sportif aider à la prise de conscience de quelque chose qui me tient à cœur, alors tant mieux." Ainsi, lors de la journée de repos, lundi dans la ville italienne de Cuneo, il était sorti de l'hôtel avec des chaussettes portant l'inscription "Tibet Libre". >>
Sources :
http://velo101.com/actualite/default.asp?Id=15010&Section=Elites1
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