BUFFET FROID
30.7.07
Atterris par miracle dans les jardins de l’Elysée, nous avons été conduits au poste de police, sous une averse de persiflages, par des gendarmes sceptiques quant à la validité de nos exploits, comme sur ceux du vainqueur espagnol de l’après-midi.
Le Tour de France, appareil de torture prisé des grands et des petits, atteint des sommets de volupté sadique en n’offrant plus à ses lauréats le succès que sous une seule forme : en croix, de préférence portée dans le dos. C’est un maillot jaune en guise de tricot de peau aux plumes et au goudron qu’on remet désormais au meilleur, lequel pourrait dès lors être tenté de se replier vers une deuxième place, paradoxalement plus confortable.
Par chance, l’insouciance du printanier Alberto Bouton-d’Or lui fournit l’audace nécessaire pour chiper sans plus d’états d’âme la victoire à ses concurrents, pêcheurs de carpes patentés, qui longtemps ont attendu que ça morde avant d’opter –mais un peu tard- pour la dynamite dans le contre-la-montre de la dernière chance.
Si l’on se félicitera donc que la part du lion revienne à Contador, nouveau miraculé de la Discovery, dont la cicatrice d’une oreille à l’autre, vestige d’un œdème cérébral, lui tient lieu d’auréole, toute l’équipe de Sport&Erotism souhaite, par souci de justice, adresser ses vœux de soutien à Michael Rasmussen, disqualifié au seul bénéfice du doute, alors qu’il était loin au-dessus du lot.
L’aurait-on parié ?… ce n’est ni dans les Alpes ni dans les Pyrénées que ce Tour-ci a basculé, mais dans les Dolomites, un jour de juin dernier, où le grimpeur Danois de la Rabobank avait cru bon de sortir par un temps de chien.
Davide Cassani, qui n’est pas sprinter méconnu à la Lampre, mais journaliste à la RAI, se trouve en train de commenter l’étape de Tignes, lorsqu’un blanc d’antenne le pousse à raconter comment il a rencontré Rasmussen dans les Trois Cîmes de Lavaro, peu de temps avant le départ de Londres. « Il pleuvait à verse, explique-t-il, et l’orage était sur le point d’éclater… Il avait du quitter son hôtel à 6h du matin. C’est ce que j’ai dit en direct. Pour le grandir. Le sublimer. Parler de son côté monacal, lui qui pèse ses aliments, et compte les pâtes qu’il mange, une par une ».
Ce commentaire anodin, passé sans l’éveiller à travers les oreilles du spectateur somnolent, signe l’arrêt de mort de Rasmussen, qui, depuis plusieurs jours déjà, peine à expliquer son manquement à différents contrôles par le fait qu’il a passé le printemps au Mexique, dans une région reculée des hauts plateaux.
Ne lui reste bientôt plus qu’à partir sous les huées.
Au fin fond du flou glauque des images de son départ, Chicken semble si fragile qu’on dirait une tondue de la Libération.
Voilà à quoi cela tient.
Une attaque de Boogerd aurait suffi à combler le silence au cours duquel le bavard Cassani a changé le destin de Contador.
Pascal d’Huez, envoyé spécial.
PS. Les affaires ne s’arrangent pas pour le comique Bortolo, dont vous êtes nombreux à me demander des nouvelles. Censé parti se reposer du côté de Saint-Jean-de-Monts, il s’est fait pincer ce week-end à la frontière Belge avec sur lui un stock de blagues contrefaites, destinées à faire rire l’équipe Astana sur le prochain Tour d’Espagne.