L’ÉTÉ CONTINU
16.12.06
La lucrative profession de chroniqueur cycliste a-t-elle connu des jours meilleurs ?
Alors que l’afficionado ne sait plus comment échapper aux nouvelles qui tombent sans discontinuer, j’aimerais qu’on songe un instant à mon triste tonton Jacques-Yves, reporter à la Bicyclette Libre dans les années 80.
A l’approche de l’hiver, sans plus aucun frisson à se mettre sous la dent, le pauvre vieux avait pris pour habitude de se terrer dans la cave, avec quelques compagnons. Là, parmi les posters et l’odeur de graisse rose, dans la mélancolie pâteuse des grands moments de juillet, il arrivait que l’un d’eux rapporte, comme un gâteau au yaourt qu’il aurait conçu lui-même, un entrefilet révélant le transfert présumé d’un coureur anonyme pour une équipe de seconde zone. Ces quelques miettes d’extase leur mettaient du baume au cœur, et sur leur lancée, il n’était pas rare qu’ils se passent également du baume sur les cuisses.
Ainsi enduraient-ils ensemble la longue morte-saison qui, allant du Tour de Lombardie à Milan-San Remo, creuse de profondes rides dans le front des dépendants à la guidoline.
Mais je parle là d’un temps que les moins de un an ne peuvent pas connaître : Car quoi ? N’avez-vous pas remarqué la douceur de l’air ? O gué, ladiguedondaine, voilà Noël et nous pouvons encore nous balader en mitaines ! O gué, ladiguedondé, voilà Noël et le Tour n’est toujours pas arrivé !
Aux mornes rebonds d’un Federer, osons préférer ceux, toujours rocambolesques, de l’impayable Floyd Landis, dont l’innocence semble ne pas avoir de limites.
Effet malencontreux de l’alcool, phénomène congénital, erreurs dans les chiffres… le sort n’en finit plus de persécuter le champion.
Par son acharnement grandiose à ignorer les faits, Landis évoque ces infortunés qu’on retrouve aux urgences avec une canette dans le rectum, et qui assurent n’être responsables de rien, sinon de l’imprudence de s’être assis sur la table sans l’avoir auparavant débarrassée.
Ils racontent leur aventure avec une franchise désarmante, car la vérité leur est tout simplement impensable.
Aussitôt, on diligente une enquête. La piste, une fois remontée, semble aboutir à un proche de Landis, dont la démonstration prouverait la fragilité d’analyses que n’importe qui serait en mesure de falsifier en quelques clics.
A peine remis, on apprend, le lendemain, que Lance Armstrong se serait introduit sur l’ordinateur de Betsy Andreu –l'épouse de l’un de ses ex-coéquipiers, l’ayant accusé de dopage- afin d’y soustraire des informations. Troublant faisceau de coïncidences ? Confondante convergence de faits ?
Armstrong, telle la Marque Jaune de Blake et Mortimer, s’insinuerait sous les portes à la nuit tombée, traverserait les murs, hanterait les canaux, remonterait les câbles jusqu’au cœur des systèmes, saurait tout et entendrait tout. Ne vous étonnez plus de la lenteur de votre connexion, c’est encore Armstrong qui vous punit par une visite impromptue des soupçons que vous laissiez planer sur son compte, l’autre jour, en donnant le bain à vos enfants.
Le progrès précipite la pédalée de nos héros dans des descentes vertigineuses où le suiveur traditionnel peine à se retrouver.
Heureusement, dans cette accélération soudaine qui nous laisse collés sur la selle, certains coureurs nous rassurent par leur constance.
Ainsi, Jan Ullrich, qui depuis sa page perso, aurait échoué à pirater ses propres données confidentielles pour être arrivé quinze minutes après Armstrong.
Hélàs, je devais ne jamais atteindre le sapin, emporté en arrière par le poids de ma hotte, sous l’assaut d’une demi-douzaine de petits enfants qui m’avaient commandé des microscopes.
Un mauvais réflexe me fit alors me cramponner à une étagère remplie d’éprouvettes, laquelle céda dans la panique, m’occasionnant trois points de suture, et l’ablation d’un testicule.
Pascal D’Huez, envoyé spécial.
1 Comments:
Fichtre, 1ére moitié indepassable et merveilleuse encore une fois, nous pleurons tous. Vous ^tes balèzes, Mr D'huez!
merde, plus de kleenex, alors avec votre permission je me moucherais dans ma manche!
Dr Devo
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