POUR LANDIS
4.9.06
Quand un champion tombe pour dopage, il se produit des effets réels et des effets supposés. Parmi les effets supposés : l’avancée de la lutte contre la triche, peut-être même sa défaite définitive ; le scandale dut-il être raide à avaler. Directeurs de grandes courses aux sourcils froncés par la réprobation, patrons d’équipes vertueux, journalistes épris de justice, s’échinent à transformer la débâcle en victoire, en annonçant le renouveau.
Emporté par l’ivresse de la blancheur, on crie l’hallali aux trousses du fautif, avant même de savoir ce qu’il a dans les veines. Commentateurs et simples badauds forment un bataillon de ménagères armées d’éponges, prêtes à lustrer la moindre guibole, jusqu’à obtention d’un cyclisme qui sentirait bon le pin des Landes. C’est avec délectation qu’on tond le mouton noir.
Les effets réels sont moins drôles. Licenciement, dissolution d’équipe entière, fin de carrière en eau de boudin, et complications familiales pouvant aller jusqu’au divorce ou au suicide.
La frénésie hygiéniste est telle, qu’on ne semble pas se rendre compte de la disproportion entre les résultats escomptés et les résultats effectifs. La lutte contre le dopage est un songe funeste, ayant jusqu’à présent pour seules conséquences les déchéances bien concrètes de Vandenbroucke, Pantani et Landis, pour ne citer qu’eux.
Quelle idée du cyclisme se font ceux qui appellent à la rescousse l’instauration du suivi physiologique, cet espèce de contrôle continu, qui apparenterait le coureur à un écolier perpétuellement suspecté d’utiliser des anti-sèches ?
Faut-il à ce point être accoutumé à la société de l’angoisse et de la surveillance généralisée pour ne pas mesurer l’horreur que constituerait la possibilité de vérifier au globule près l’évolution de la forme d’un athlète ?
Le vélo, c’est de la littérature, un coureur aux bras en V, de jolis maillots, l’Amstel Gold Race. Ce n’est ni le Ministère des comptes, ni celui de l’intérieur.
La chasse à courre du public après le peloton se poursuit dans le délire. On veut la peau du dopé. Toutes les peaux.
Brandissant des bouteilles d’Evian, la foule demande le retour d’une course disputée à armes égales, chaque concurrent venant avec son bagage génétique de départ et non frelaté, comme si cela suffisait à garantir l’équilibre.
On oublie que la nature ne répartit pas le gâteau en parts régulières, que Damiano Cunego, par exemple, dispose naturellement d’un taux hématocrite supérieur à 50%, et que pour les moins bien pourvus, le travail n’y pourra rien.
En 1997, Richard Virenque se sait intrinsèquement plus faible que son rival Jan Ullrich. Plutôt que de jouer le podium ou le maillot à pois, il tente le super banco, il force son destin, et je nourris du respect pour une pareille attitude.
Le dopage, ce n’est pas la triche. C’est l’affirmation d’une volonté de dépassement de sa condition naturelle.
Ainsi, Floyd Landis connaît les risques qu’il encourt le jour où, perdu pour perdu, il s’administre un patch de testostérone afin d’oser l’impossible. Même s’il lui reste encore à pédaler, et à pédaler fort, j’admets que ce qu’il fait là n’est pas bien, du point de vue du simple piéton.
Mais le champion n’a pas à tenir compte de la morale. Son combat se dispute au-delà du bien et du mal. Il nous transporte par-dessus la montagne, nous arrache le temps d’une après-midi à notre pesanteur. Parce que sa course est d’ordre symbolique, il n’a pas à rendre de comptes sur la façon dont il la réalise. En ce sens, le champion cycliste est l’égal d’un grand musicien.
Malheureusement, notre époque comptable et procédurière a perdu de vue l’origine du frisson irrationnel qui nous poussait, cher lecteur, à rester bouche bée devant des hommes nuisant gravement à leur santé dans des cols terribles, sous le cagnard de juillet.
Il n’a jamais été question que de légende. Le cyclisme sait en produire. La chasse au dopage, non.
Pascal D’Huez, envoyé spécial.
Emporté par l’ivresse de la blancheur, on crie l’hallali aux trousses du fautif, avant même de savoir ce qu’il a dans les veines. Commentateurs et simples badauds forment un bataillon de ménagères armées d’éponges, prêtes à lustrer la moindre guibole, jusqu’à obtention d’un cyclisme qui sentirait bon le pin des Landes. C’est avec délectation qu’on tond le mouton noir.
Les effets réels sont moins drôles. Licenciement, dissolution d’équipe entière, fin de carrière en eau de boudin, et complications familiales pouvant aller jusqu’au divorce ou au suicide.
La frénésie hygiéniste est telle, qu’on ne semble pas se rendre compte de la disproportion entre les résultats escomptés et les résultats effectifs. La lutte contre le dopage est un songe funeste, ayant jusqu’à présent pour seules conséquences les déchéances bien concrètes de Vandenbroucke, Pantani et Landis, pour ne citer qu’eux.
Quelle idée du cyclisme se font ceux qui appellent à la rescousse l’instauration du suivi physiologique, cet espèce de contrôle continu, qui apparenterait le coureur à un écolier perpétuellement suspecté d’utiliser des anti-sèches ?
Faut-il à ce point être accoutumé à la société de l’angoisse et de la surveillance généralisée pour ne pas mesurer l’horreur que constituerait la possibilité de vérifier au globule près l’évolution de la forme d’un athlète ?
Le vélo, c’est de la littérature, un coureur aux bras en V, de jolis maillots, l’Amstel Gold Race. Ce n’est ni le Ministère des comptes, ni celui de l’intérieur.
La chasse à courre du public après le peloton se poursuit dans le délire. On veut la peau du dopé. Toutes les peaux.
Brandissant des bouteilles d’Evian, la foule demande le retour d’une course disputée à armes égales, chaque concurrent venant avec son bagage génétique de départ et non frelaté, comme si cela suffisait à garantir l’équilibre.
On oublie que la nature ne répartit pas le gâteau en parts régulières, que Damiano Cunego, par exemple, dispose naturellement d’un taux hématocrite supérieur à 50%, et que pour les moins bien pourvus, le travail n’y pourra rien.
En 1997, Richard Virenque se sait intrinsèquement plus faible que son rival Jan Ullrich. Plutôt que de jouer le podium ou le maillot à pois, il tente le super banco, il force son destin, et je nourris du respect pour une pareille attitude.
Le dopage, ce n’est pas la triche. C’est l’affirmation d’une volonté de dépassement de sa condition naturelle.
Ainsi, Floyd Landis connaît les risques qu’il encourt le jour où, perdu pour perdu, il s’administre un patch de testostérone afin d’oser l’impossible. Même s’il lui reste encore à pédaler, et à pédaler fort, j’admets que ce qu’il fait là n’est pas bien, du point de vue du simple piéton.
Mais le champion n’a pas à tenir compte de la morale. Son combat se dispute au-delà du bien et du mal. Il nous transporte par-dessus la montagne, nous arrache le temps d’une après-midi à notre pesanteur. Parce que sa course est d’ordre symbolique, il n’a pas à rendre de comptes sur la façon dont il la réalise. En ce sens, le champion cycliste est l’égal d’un grand musicien.
Malheureusement, notre époque comptable et procédurière a perdu de vue l’origine du frisson irrationnel qui nous poussait, cher lecteur, à rester bouche bée devant des hommes nuisant gravement à leur santé dans des cols terribles, sous le cagnard de juillet.
Il n’a jamais été question que de légende. Le cyclisme sait en produire. La chasse au dopage, non.
Pascal D’Huez, envoyé spécial.
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