LES SAISONNIERS / ÉTAPE 1
2.7.05
David Zabriskie, dont on loue ce soir la performance, aura pourtant passé le plus gros de son après-midi devant la télé.
Le cyclisme paye mal. C'est ce que doit penser Jan Ullrich, dans sa chambre d'hôtel, lui qui a vu sa préparation impeccable de l'hiver humiliée en 19 kilomètres de marais salants.
Alors, à quoi bon sortir de chez soi ?
Ce samedi 2 juillet, j'ai quitté Paris par un autocar Eurolines à destination de Tiznit, en compagnie d'un serveur saisonnier de quarante ans, qui n'avait personne à côté.
D'entrée, j'ai conclu un arrangement avec le chauffeur.
Contre du tabac à rouler, il doit passer la deuxième chaîne vers 17 heures 30, au grand dam des nombreux jeunes qui, de retour au bled pour l'été, apprécient de voyager avec M6 Music Black.
Jusque-là, l'ambiance est pourtant souriante. Des jeunes femmes chantonnent et s'arrangent les cheveux. Les portables sonnent sans discontinuer. On se dit adieu dans l'insouciance, car, pareil à ce clip d'Alicia Keys, l'été se passera bien, et se terminera sans qu'on remarque la transition.
Mon saisonnier jubile. Divorcé, employé dans les assurances, il a pris un congé d'un mois pour aller bosser du côté de Bayonne, dans une crêperie tenue par un oncle.
Comme il part travailler la pâte au sarrazin, au noir, chaque juillet depuis 1981, c'est un habitué des voyages par car. Il connaît les stations prévues sur la route, et me dit le plus grand bien de l'arrêt de Cestas, que je ne connaîtrai pas, car voilà, on me dépose à Orléans, d'où je prendrai l'Interloire pour Nantes,
avec l'intention d'arriver à Noirmoutier dans la journée de dimanche.
En ces journées de départ en vacances, le périphérique est bondé. Pire, un accident Porte de Vitry a provoqué un goulet.
Les voyageurs s'agglutinent contre la vitre pour observer le travail des ambulanciers et la tôle brouillée d'une Volvo.
"En voilà un qui a eu moins de chance qu'Ullrich!", fais-je remarquer, sans quitter ma place.
La veille, l'Allemand a chuté, passant tête la première par la vitre arrière d'une voiture du groupe.
Cette nouvelle, je l'avoue, m'a d'abord paru un bon présage. J'imaginais que Jan, ayant traversé le miroir, avait pu franchir un stade décisif dans sa volonté de battre Armstrong. J'espérais qu'il avait pris une espèce d'envol. La suite des événements me contraint hélàs à modérer mon enthousiasme.
Sans que cela ne se remarque, Kelis et son admirable Milkshake cède la place à Christophe Moreau, un autre fou de musique. Sous un temps gris, contre le vent, il traverse un paysage de maisonnettes blanches aux toits saumon.
La chaussée est sèche, et le bitume neuf manque un peu de charme. De nombreux Noirmoutrains sont venus se poster derrière les bâches des Supermarché Champion pour encourager les Bouygues, d'autres sont assis dans l'herbe brûlée, sur le terre-plein central, ou auprès de leurs voitures dont, contrairement aux véhicules T-Mobile, les portes arrières sont maintenues grandes ouvertes, sans doute pour accéder plus rapidement au panier pique-nique.
Réveillé par une jeune femme en survête aux alentours de Fleury-les-Aubrais, j'ai été déposé à la gare routière d'Orléans, après avoir souhaité bonne route à ceux et celles qui n'arriveraient à Gibraltar qu'au petit matin.
J'ai trouvé là une borne internet, et le classement de l'étape a confirmé mes pronostics: Piepoli n'est pas dans le coup. Armstrong, pour sa part, ne cesse d'être inventif.
La course débute ce soir avec du plomb dans l'aile. Une vendeuse de kébabs, dont le frère bosse pour RMC, m'a confié que les challengers d'hier songeaient déjà à la deuxième place. S'en trouverait-il seulement un pour se jurer de laver l'affront de cette première étape ? Peut-on rêver d'une coalition des damnés ?
En attendant, il fait noir, et pourtant déjà jaune.
La campagne alanguie attend d'être traversée.
Fini le Fanta, les saisonniers sont dans la plaine.
Pascal D'Huez, envoyé spécial, à Orléans.
Le cyclisme paye mal. C'est ce que doit penser Jan Ullrich, dans sa chambre d'hôtel, lui qui a vu sa préparation impeccable de l'hiver humiliée en 19 kilomètres de marais salants.
Alors, à quoi bon sortir de chez soi ?
Ce samedi 2 juillet, j'ai quitté Paris par un autocar Eurolines à destination de Tiznit, en compagnie d'un serveur saisonnier de quarante ans, qui n'avait personne à côté.
D'entrée, j'ai conclu un arrangement avec le chauffeur.
Contre du tabac à rouler, il doit passer la deuxième chaîne vers 17 heures 30, au grand dam des nombreux jeunes qui, de retour au bled pour l'été, apprécient de voyager avec M6 Music Black.
Jusque-là, l'ambiance est pourtant souriante. Des jeunes femmes chantonnent et s'arrangent les cheveux. Les portables sonnent sans discontinuer. On se dit adieu dans l'insouciance, car, pareil à ce clip d'Alicia Keys, l'été se passera bien, et se terminera sans qu'on remarque la transition.
Mon saisonnier jubile. Divorcé, employé dans les assurances, il a pris un congé d'un mois pour aller bosser du côté de Bayonne, dans une crêperie tenue par un oncle.
Comme il part travailler la pâte au sarrazin, au noir, chaque juillet depuis 1981, c'est un habitué des voyages par car. Il connaît les stations prévues sur la route, et me dit le plus grand bien de l'arrêt de Cestas, que je ne connaîtrai pas, car voilà, on me dépose à Orléans, d'où je prendrai l'Interloire pour Nantes,
avec l'intention d'arriver à Noirmoutier dans la journée de dimanche.
En ces journées de départ en vacances, le périphérique est bondé. Pire, un accident Porte de Vitry a provoqué un goulet.
Les voyageurs s'agglutinent contre la vitre pour observer le travail des ambulanciers et la tôle brouillée d'une Volvo.
"En voilà un qui a eu moins de chance qu'Ullrich!", fais-je remarquer, sans quitter ma place.
La veille, l'Allemand a chuté, passant tête la première par la vitre arrière d'une voiture du groupe.
Cette nouvelle, je l'avoue, m'a d'abord paru un bon présage. J'imaginais que Jan, ayant traversé le miroir, avait pu franchir un stade décisif dans sa volonté de battre Armstrong. J'espérais qu'il avait pris une espèce d'envol. La suite des événements me contraint hélàs à modérer mon enthousiasme.
Sans que cela ne se remarque, Kelis et son admirable Milkshake cède la place à Christophe Moreau, un autre fou de musique. Sous un temps gris, contre le vent, il traverse un paysage de maisonnettes blanches aux toits saumon.
La chaussée est sèche, et le bitume neuf manque un peu de charme. De nombreux Noirmoutrains sont venus se poster derrière les bâches des Supermarché Champion pour encourager les Bouygues, d'autres sont assis dans l'herbe brûlée, sur le terre-plein central, ou auprès de leurs voitures dont, contrairement aux véhicules T-Mobile, les portes arrières sont maintenues grandes ouvertes, sans doute pour accéder plus rapidement au panier pique-nique.
Réveillé par une jeune femme en survête aux alentours de Fleury-les-Aubrais, j'ai été déposé à la gare routière d'Orléans, après avoir souhaité bonne route à ceux et celles qui n'arriveraient à Gibraltar qu'au petit matin.
J'ai trouvé là une borne internet, et le classement de l'étape a confirmé mes pronostics: Piepoli n'est pas dans le coup. Armstrong, pour sa part, ne cesse d'être inventif.
La course débute ce soir avec du plomb dans l'aile. Une vendeuse de kébabs, dont le frère bosse pour RMC, m'a confié que les challengers d'hier songeaient déjà à la deuxième place. S'en trouverait-il seulement un pour se jurer de laver l'affront de cette première étape ? Peut-on rêver d'une coalition des damnés ?
En attendant, il fait noir, et pourtant déjà jaune.
La campagne alanguie attend d'être traversée.
Fini le Fanta, les saisonniers sont dans la plaine.
Pascal D'Huez, envoyé spécial, à Orléans.
2 Comments:
je deteste le cyclisme.
et je viens de me taper une demi-douzaine de tes posts.
c'est ouf.
"Fini le Fanta, les saisonniers sont dans la plaine."
Y'a pas à dire , ça a de la gueule! J'ai bien aimé l'évocation du survêtement d'orleans...
Dr Devo.
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