CALISSONS D’AIX
1.7.05
Il est temps pour moi de préparer mes affaires, un nécessaire à toilette et quelques sous-vêtements pliés dans un sac de sport, que je laverai sur la route, au hasard des aires de repos, pour tenir le mois.
Malin, j’emporte aussi des coupe-faims vantés par Christophe Moreau, et de l’Ovomaltine.
A cette heure-ci, les valeureux concurrents au tour, les leaders imperméables comme leurs équipiers maigrelets, finissent de télécharger un peu de variété internationale sur leur iPod.
Toutes reconnaissances effectuées, on retrouve l’excitation des veilles de grandes vacances, car le Tour, c’est aussi la colo.
On espère retrouver les Italiens, qui sont si rigolos, et l’on se demande si, parmi les hôtesses Aquarel, il s’en trouvera de nouvelles.
En dépliant ma carte IGN, il m’est difficile de ne pas relever l’enjeu éminemment historique de cette édition 2005 : Une 7ème victoire de Lance Armstrong, terminant à jamais invaincu, entérinerait l’annexion symbolique du Tour, vestige de la grande Europe d’avant 1914, par les Etats-Unis.
Le Texan n’aura simplement pas trouvé d’adversaire à sa taille, alors même que, bon prince, il offre cet été une dernière chance à ses détracteurs, comme un oncle farceur propose un ultime bras de fer à ses petits neveux.
Chacun des vainqueurs à 5 tours a fini par perdre, permettant ainsi à la succession de s’établir.
Gimondi après Anquetil, Thévenet après Merckx, Lemond suite à Hinault, et Riis après Indurain, ont été légitimés pour être parvenus à tuer le père.
Mesure-t-on bien le danger psychologique que Lance Armstrong fait encourir à ses descendants immédiats en les privant de sa défaite ?
Le cyclisme risque de connaître sa génération X. De pauvres hères roulant sans repères gagneront le Tour dans le soupçon, non plus à cause du dopage, mais parce qu’on insinuera que si Lance avait été là, ça se serait passé autrement.
Par réciprocité, la retraite du sextuple vainqueur pourrait être agitée de mauvais rêves, d’interminables ascensions en tête, seul, tout seul.
Son épopée, portée à un total de sept victoires, sentirait l’hypertrophie, la curiosité biologique, l’exception.
Vaincu, il regagnerait la course.
Dès lors, Lance Armstrong viendrait-il parfaire son destin en ce mois de juillet, 2005 et surchauffé, par une défaite héroïque ?
Ce serait pur bon sens. Et, du simple point de vue publicitaire, parfaitement bénéfique.
Lâché au général, Lance gagnerait la sympathie du public, et pourrait même caresser le rêve d’être invité chez l’habitant.
Le champion américain, qui, parmi ses nombreux mérites, aura permis aux journalistes de presse écrite, de maîtriser définitivement l’usage du copié-collé, a contribué à la transformation du Tour en un objet pittoresque, mélange de Butte Montmartre et de Calissons d’Aix.
Bien sûr, ce phénomène de vitrification était déjà bien avancé. Le Tour, ses organisateurs, ses suiveurs, se gargarisent à l’envi de cette vision de la France dans une boule neigeuse, France éternelle de la caravane publicitaire et du Galibier, des cathédrales vues d'hélico, rassurante et cependant aussi factice que les rues piétonnes franchisées d’un chef-lieu de province.
Par sa seule présence dans le décor, l'Américain à Paris a fini de rendre la paysage rétro, délicatement suranné. Sheryl Crow ne s’y est pas trompé, mitraillant le maillot jaune de son favori avec la même expression que devant les Châteaux de la Loire.
Le Tour, toujours précurseur, a inauguré l’avenir du pays : un gigantesque parc d’attractions, à thème unique : Histoire de France, gens du coin.
De ma fenêtre, j’aperçois glisser sur le périphérique les voitures aux couleurs des marques. Quelles merveilles tactiques est-on en train de convoyer là-bas, dans cette Seat Saunier Duval ?
Socquettes nylon ou coton ?
Va, j’en prends une de chaque.
Voilà à quoi tient un juillet réussi.
Pascal D’Huez, envoyé spécial.■
Malin, j’emporte aussi des coupe-faims vantés par Christophe Moreau, et de l’Ovomaltine.
A cette heure-ci, les valeureux concurrents au tour, les leaders imperméables comme leurs équipiers maigrelets, finissent de télécharger un peu de variété internationale sur leur iPod.
Toutes reconnaissances effectuées, on retrouve l’excitation des veilles de grandes vacances, car le Tour, c’est aussi la colo.
On espère retrouver les Italiens, qui sont si rigolos, et l’on se demande si, parmi les hôtesses Aquarel, il s’en trouvera de nouvelles.
En dépliant ma carte IGN, il m’est difficile de ne pas relever l’enjeu éminemment historique de cette édition 2005 : Une 7ème victoire de Lance Armstrong, terminant à jamais invaincu, entérinerait l’annexion symbolique du Tour, vestige de la grande Europe d’avant 1914, par les Etats-Unis.
Le Texan n’aura simplement pas trouvé d’adversaire à sa taille, alors même que, bon prince, il offre cet été une dernière chance à ses détracteurs, comme un oncle farceur propose un ultime bras de fer à ses petits neveux.
Chacun des vainqueurs à 5 tours a fini par perdre, permettant ainsi à la succession de s’établir.
Gimondi après Anquetil, Thévenet après Merckx, Lemond suite à Hinault, et Riis après Indurain, ont été légitimés pour être parvenus à tuer le père.
Mesure-t-on bien le danger psychologique que Lance Armstrong fait encourir à ses descendants immédiats en les privant de sa défaite ?
Le cyclisme risque de connaître sa génération X. De pauvres hères roulant sans repères gagneront le Tour dans le soupçon, non plus à cause du dopage, mais parce qu’on insinuera que si Lance avait été là, ça se serait passé autrement.
Par réciprocité, la retraite du sextuple vainqueur pourrait être agitée de mauvais rêves, d’interminables ascensions en tête, seul, tout seul.
Son épopée, portée à un total de sept victoires, sentirait l’hypertrophie, la curiosité biologique, l’exception.
Vaincu, il regagnerait la course.
Dès lors, Lance Armstrong viendrait-il parfaire son destin en ce mois de juillet, 2005 et surchauffé, par une défaite héroïque ?
Ce serait pur bon sens. Et, du simple point de vue publicitaire, parfaitement bénéfique.
Lâché au général, Lance gagnerait la sympathie du public, et pourrait même caresser le rêve d’être invité chez l’habitant.
Le champion américain, qui, parmi ses nombreux mérites, aura permis aux journalistes de presse écrite, de maîtriser définitivement l’usage du copié-collé, a contribué à la transformation du Tour en un objet pittoresque, mélange de Butte Montmartre et de Calissons d’Aix.
Bien sûr, ce phénomène de vitrification était déjà bien avancé. Le Tour, ses organisateurs, ses suiveurs, se gargarisent à l’envi de cette vision de la France dans une boule neigeuse, France éternelle de la caravane publicitaire et du Galibier, des cathédrales vues d'hélico, rassurante et cependant aussi factice que les rues piétonnes franchisées d’un chef-lieu de province.
Par sa seule présence dans le décor, l'Américain à Paris a fini de rendre la paysage rétro, délicatement suranné. Sheryl Crow ne s’y est pas trompé, mitraillant le maillot jaune de son favori avec la même expression que devant les Châteaux de la Loire.
Le Tour, toujours précurseur, a inauguré l’avenir du pays : un gigantesque parc d’attractions, à thème unique : Histoire de France, gens du coin.
De ma fenêtre, j’aperçois glisser sur le périphérique les voitures aux couleurs des marques. Quelles merveilles tactiques est-on en train de convoyer là-bas, dans cette Seat Saunier Duval ?
Socquettes nylon ou coton ?
Va, j’en prends une de chaque.
Voilà à quoi tient un juillet réussi.
Pascal D’Huez, envoyé spécial.■
1 Comments:
Punaise ça commence bien!
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