CONCOURS D’OMBRES
24.7.08
Cette édition, aussi sympathique soit-elle devenue du fait de la valeur quasi égale de ses principaux prétendants, n’en porte pas moins le dossard marron des Tours de transition. Nous traversons un fondu enchaîné, entamé au soir de la dernière victoire de Lance Armstrong, dont la brume ne nous laisse pas encore deviner l’image 1 de la prochaine séquence. Il appartient au futur crack de décider de ce point de montage, quand bien même Jean-Maurice Ooghe, élevé au biberon de Wong Kar-wai, tente d’influencer la marche de l’histoire en poussant sa manette sur un gros plan d’Andy Schleck.
Ces cuvées-là, coupées à la flotte, ont le charme des vacances de vache maigre. La Baie de Somme plutôt que la Côte ; le Cirque Gruss au lieu de Grasse. On s’émerveille d’un rien, les filles sont pas bégueules, l’absence d’un soleil trop brûlant nous préserve de porter le bob, et –pratique !- le chemin du retour n’est jamais très long. Mystère autour duquel les météorologues du monde entier se cassent les dents : ces sous-Tours vont souvent de paire avec des étés pas folichons.
Nos caïds de l’année, ceux qui vivent tout en haut de l'organigramme à une branche qu’on nomme "classement général", savent bien le caractère entrée de gamme de la camelote qu’ils essaient de nous refourguer, et n’essaient même pas de nous embobiner par quelques boniments de fort en gueule dont nous sommes pourtant friands. Depuis qu’on a coupé les jambes et le micro de Ricco, les showmen ont disparu du peloton et le Tour de France, qui a cependant connu plus de modes que la discographie de David Bowie, tourne au concours d’ombres, à faire passer Modiano pour un extraverti. Entre Evans, Sastre, Kohl et Menchov –bien que les Frères Schleck touchent aussi leurs billes- c’est à qui fera le moins de vagues, à qui, plus gentil que les autres, fera la plus belle imitation de l’agneau. On imagine l’embarras des mères de famille réunies devant leur poste de télévision, face à un aussi beau plateau de gendres idéaux.
Le challenge de la transparence est à ce point disputé qu’on est en droit de se demander si l’on verra quelque chose s’agiter sur le podium. Les drames du dopage ont eu pour conséquence qu’invisibilité est devenue vertu plus recherchée qu'invincibilité, et que les coureurs, victimes complices de je ne sais quelle mutation, prennent peu à peu les propriétés du Cristal d’Arcq. Au terme de ce pélérinage à la pureté qu’aura été le Tour 2008, pronostiquons sans risque la victoire de Cadel Evian.
Hormis ça, l’étape du jour, qui allait croisant la bourgade de Pélussin, berceau de la Fromagerie Guilloteau, a consacré le triomphe de Marcus Burghardt, rendu plus rapide encore par l’urgent besoin de se débarrasser de son compagnon Barredo, un bavard invétéré. A bout de forces sur la ligne d’arrivée, le vainqueur se félicitait d’avoir su résister à tous les thèmes abordés par son adversaire. Ainsi, la protection des écosystèmes marins dans la Croix de Montvieux, puis, coup sur coup, dans la dernière ligne droite : les investissements transfrontaliers et la filière bois.
Quant à Cunego, il est rentré en Vénétie faire la peau de son astrologue. Une telle scoumoune, si ça ne fait pas de grumeaux dans le Lavazza…
Demain, dernière étape pour la plupart. Ensuite ce sera contre-la-montre à la papa, puis Champagne. Une traversée du maquis qui fournira à notre armée des ombres l’ultime occasion de rester cachée.
Pascal d’Huez
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