DEMAIN, ON PART À LA MONTAGNE
14.7.11
Pour la deuxième journée consécutive, arc-bouté sur des histoires d'editing, je n'ai pas daigné regarder l'étape. Attention, cependant !... je garde un oeil ouvert. Chemin faisant, vers le métro Gambetta, je passe la tête dans les rares bistrots branchés sur la Grande Boucle.
Bien entendu, je ne bois rien. Je viens juste m'assurer que l'échappée va bien, qu'on ne signale pas de chutes, que le micro de Thierry Adam est correctement ouvert.
Au barman inquisiteur, qui s'avance vers moi pour prendre ma commande, j'indique par un signe des paupières, que je fais -grosso modo-partie du Tour. Par conséquent, je ne consomme rien. Je ne suis pas du monde des humains réguliers. Je suis dans la course.
Le mystère engendré par mon air érudit suffit en général à avoir la paix.
Aujourd'hui donc, nous poursuivons la descente vers les précipices. C'est tout le charme du Tour. Les profanes doivent comprendre ceci : ce n'est pas la fête tous les jours. Et c'est précisément pour ça que c'est bon.
Le Tour de France soigne ses temps faibles comme s'il s'agissait de temps forts, parce qu'ils constituent des moments essentiels à sa dramaturgie. Dans vingt, trente ans, quand l'ennui n'aura définitivement plus droit de cité, peut-être irons-nous directement du prologue aux Alpes, puis aux Pyrénées. Mais il y a fort à parier que non. Le Yang montagneux a besoin de son Yin des plaines. La loi des contrastes ne prédomine pas seulement dans les maillots.
Pour un Luz-Ardiden, ce jeudi après-midi, col hors-catégorie juché à 1 715 m d'altitude, il faut compenser par un Carmaux, un Lavaur, un Lisieux. Simple question d'équilibre esthétique. Vous allez penser, qu'une fois encore, j'ai les yeux de Chimène pour les petits coureurs et que je les prends pour plus grands qu'ils ne sont. Faux. Comme les personnages des romans, ils obéissent à la loi du désir. Il convient de longuement le susciter, ce désir, de l'entretenir par la frustration, de le lustrer à coups d'arrivées groupées, d'échappées rattrapées sous la flamme rouge. Il est nécessaire de retarder le climax au maximum. Prudhomme a tout appris chez Flaubert.
Aujourd'hui, donc, veille de fête nationale, je n'ose même pas vous raconter ce qui s'est passé - ce qui m'est bien commode, étant donné que je n'ai rien vu.
Serait-ce trop vous demander que de m'accorder une minute, afin que je me mate le résumé du jour sur lequipe.fr ?
J'arrive. Je suis dans le salon. Je regarde. Puis je vous raconte en mieux ce que vous savez déjà.
…
Aux environs de 13h, une bande de six gusses tente sa chance.
Ils prennent jusqu'à trois-cents secondes d'avance, mais n'en ont plus que trente à 10 kilomètres du but. Putain, doivent-ils se dire au gré des différentes langues parlées dans le groupe, pourquoi la vie est-elle si mal faite ? Pourquoi est-elle -en juillet, particulièrement- si prévisible ?
Le bien-nommé Lars Boom tente un coup d'éclat, en s'échappant seul du radeau qui prend l'eau.
Il est rapidement bouffé par les crocodiles HTC.
Garmin, Sky, Omega-Pharma sont ici des noms de prédateurs. Leurs proies s'appellent Cofidis, Française des Jeux, Euskaltel... C'est l'écosystème du peloton. A partir de demain, les traqués de la première semaine trouveront dans l'altitude l'alliée idéale pour éloigner les carnassiers. On verra les fauves passer, efflanqués, tirant la langue, les yeux hagards, pressés de trouver la Camargue.
Sous la pluie, Cavendish règle Greipel et Farrar.
Il dépouille Philippe Gilbert du maillot vert, qu'il entend bien conserver jusqu'à Paris, ce qui serait une première pour l'homme de Man, qui n'a jamais sérieusement disputé ce challenge.
Sans vouloir manquer de respect à la noble caste des sprinteurs, peu m'importe qui du Cav, du Thor ou du Rojo, passera le mieux la montagne.
Le Tour de France, le grand, celui qui tutoie les étoiles, commence ce 14 juillet, par les escalades successives de la Hourquette d'Ancizan, puis du Tourmalet.
Calmos, toutefois.
Probable que ce ne sera pas demain le jour du fight.
A moins que l'un des ténors (Schleck, Evans ou Contador) ne connaisse une défaillance propice à encourager les deux autres à l'attaque, on se contentera de se jauger dans les derniers kilomètres de la montée vers Luz-Ardiden.
Comme chaque année, Cadel, après dix jours passés à entraîner un moulin de pachyderme, aura du mal à se faire à un braquet plus petit. Andy surveillera Franck, ou bien l'inverse, si le cadet, faute d'une préparation digne de ce nom, court toujours après sa forme. Contador, enfin, n'aura plus d'ombre où se cacher.
On saura demain si le Giro est aussi épuisant qu'il le dit.
Pascal d'Huez
Bien entendu, je ne bois rien. Je viens juste m'assurer que l'échappée va bien, qu'on ne signale pas de chutes, que le micro de Thierry Adam est correctement ouvert.
Au barman inquisiteur, qui s'avance vers moi pour prendre ma commande, j'indique par un signe des paupières, que je fais -grosso modo-partie du Tour. Par conséquent, je ne consomme rien. Je ne suis pas du monde des humains réguliers. Je suis dans la course.
Le mystère engendré par mon air érudit suffit en général à avoir la paix.
Aujourd'hui donc, nous poursuivons la descente vers les précipices. C'est tout le charme du Tour. Les profanes doivent comprendre ceci : ce n'est pas la fête tous les jours. Et c'est précisément pour ça que c'est bon.
Le Tour de France soigne ses temps faibles comme s'il s'agissait de temps forts, parce qu'ils constituent des moments essentiels à sa dramaturgie. Dans vingt, trente ans, quand l'ennui n'aura définitivement plus droit de cité, peut-être irons-nous directement du prologue aux Alpes, puis aux Pyrénées. Mais il y a fort à parier que non. Le Yang montagneux a besoin de son Yin des plaines. La loi des contrastes ne prédomine pas seulement dans les maillots.
Pour un Luz-Ardiden, ce jeudi après-midi, col hors-catégorie juché à 1 715 m d'altitude, il faut compenser par un Carmaux, un Lavaur, un Lisieux. Simple question d'équilibre esthétique. Vous allez penser, qu'une fois encore, j'ai les yeux de Chimène pour les petits coureurs et que je les prends pour plus grands qu'ils ne sont. Faux. Comme les personnages des romans, ils obéissent à la loi du désir. Il convient de longuement le susciter, ce désir, de l'entretenir par la frustration, de le lustrer à coups d'arrivées groupées, d'échappées rattrapées sous la flamme rouge. Il est nécessaire de retarder le climax au maximum. Prudhomme a tout appris chez Flaubert.
Aujourd'hui, donc, veille de fête nationale, je n'ose même pas vous raconter ce qui s'est passé - ce qui m'est bien commode, étant donné que je n'ai rien vu.
Serait-ce trop vous demander que de m'accorder une minute, afin que je me mate le résumé du jour sur lequipe.fr ?
J'arrive. Je suis dans le salon. Je regarde. Puis je vous raconte en mieux ce que vous savez déjà.
…
Aux environs de 13h, une bande de six gusses tente sa chance.
Ils prennent jusqu'à trois-cents secondes d'avance, mais n'en ont plus que trente à 10 kilomètres du but. Putain, doivent-ils se dire au gré des différentes langues parlées dans le groupe, pourquoi la vie est-elle si mal faite ? Pourquoi est-elle -en juillet, particulièrement- si prévisible ?
Le bien-nommé Lars Boom tente un coup d'éclat, en s'échappant seul du radeau qui prend l'eau.
Il est rapidement bouffé par les crocodiles HTC.
Garmin, Sky, Omega-Pharma sont ici des noms de prédateurs. Leurs proies s'appellent Cofidis, Française des Jeux, Euskaltel... C'est l'écosystème du peloton. A partir de demain, les traqués de la première semaine trouveront dans l'altitude l'alliée idéale pour éloigner les carnassiers. On verra les fauves passer, efflanqués, tirant la langue, les yeux hagards, pressés de trouver la Camargue.
Sous la pluie, Cavendish règle Greipel et Farrar.
Il dépouille Philippe Gilbert du maillot vert, qu'il entend bien conserver jusqu'à Paris, ce qui serait une première pour l'homme de Man, qui n'a jamais sérieusement disputé ce challenge.
Sans vouloir manquer de respect à la noble caste des sprinteurs, peu m'importe qui du Cav, du Thor ou du Rojo, passera le mieux la montagne.
Le Tour de France, le grand, celui qui tutoie les étoiles, commence ce 14 juillet, par les escalades successives de la Hourquette d'Ancizan, puis du Tourmalet.
Calmos, toutefois.
Probable que ce ne sera pas demain le jour du fight.
A moins que l'un des ténors (Schleck, Evans ou Contador) ne connaisse une défaillance propice à encourager les deux autres à l'attaque, on se contentera de se jauger dans les derniers kilomètres de la montée vers Luz-Ardiden.
Comme chaque année, Cadel, après dix jours passés à entraîner un moulin de pachyderme, aura du mal à se faire à un braquet plus petit. Andy surveillera Franck, ou bien l'inverse, si le cadet, faute d'une préparation digne de ce nom, court toujours après sa forme. Contador, enfin, n'aura plus d'ombre où se cacher.
On saura demain si le Giro est aussi épuisant qu'il le dit.
Pascal d'Huez
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