REVUE D’AFFECTIF
2.2.09
A chaque fois que notre planète entame une nouvelle révolution autour du soleil, le peloton cycliste participe au renouvellement général des choses en effectuant son relooking. Bienveillants, les sponsors s’accordent pour changer subtilement l’agencement des couleurs de leurs maillots. Motifs, lignes, typographies, glissent, dégradent, se décalent, pour nous donner l’illusion que tout commence, et permettre au spécialiste d’épater les lycéennes en datant d’un simple coup d’œil –et sans aucun recours au papier carbone- la photographie sans légendes d’Eddy Merckx, au sujet duquel leur professeur de bonne conduite leur a commandé un exposé.
Souvent même, c’est l’intitulé tout entier d’une équipe qu’il faut oublier, et un autre qu’il faut immédiatement réapprendre. Oublier par exemple Saunier-Duval pour Fuji et CSC au profit du titre plus funky de Saxo Bank, encore que, pour ce dernier exemple, il s’agisse d’un autre cas : celui -monnaie courante en ces temps de guerre économique- qui voit l’un des sponsors bouffer son ancien partenaire et s’étendre de tout son long en travers du maillot. Les coureurs, et c’est tant mieux, continuent de pédaler, indifférents aux batailles dantesques qui redécoupent leurs tuniques comme des territoires.
Alors ? Quoi de neuf ? Quels mots, encore gauches et bizarres aujourd’hui, quand ils nous sembleront familiers demain, font ce tantôt leur entrée dans le dictionnaire cycliste ?
D’origine russe, Katusha (Katyusha pour les coquets qui ne manqueront pas de se distinguer en préférant la prononciation originale) serait le nom d’un lance-roquettes. Cette nouvelle équipe, puissamment financée par le magnat Oleg Tinkov, fleure bon le roman d’espionnage, et il n’est qu’à voir les expressions peu rassurées des transfuges McEwen et Pozzato, invités à venir présenter leur nouveau maillot dans les frimas de la Place Rouge, pour s’imaginer que ces deux naïfs, attirés par l’appât du gain, sont désormais pris au piège d’effrayants enjeux planétaires auprès desquels les histoires de dopage sont d’aimables contes pour enfants. Livraisons d’armes ? Transferts de poches de gaz ? A quoi servent réellement les coureurs Katusha ? Le dessin du Kremlin qui orne leur poitrine parmi des flammes blanches et bleues est-il un pictogramme avertissant d’un danger explosif ? On réfléchira probablement à deux fois avant de venir s’y frotter.
Mot-valise intrigant, Cervélo indique l’appellation d’une nouvelle équipe suisse, refuge du lauréat du Tour, Carlos Sastre. Le rêveur pourra y voir un programme, une approche de la compétition par l’intellect, l’union des puissances cognitives et de l’action pédalée. Chez Cervélo, tout est analysé à l’avance, pensé, réfléchi. Ici, pas de panache, pas de démarrage intempestif sous l’effet d’une envie folle, mais du discernement au contraire, l’analyse en temps réel des forces en présence et le calcul des chances par la preuve par neuf. Cervélo, ou une équipe de professeurs à barbe, mi-maillot vert, mi-diplômé du M.I.T, qui entend bien dominer la course en passant par la tactique, sentier couvert d’herbes folles, rarement emprunté par les coureurs modernes, bien qu’il soit pourtant un raccourci imparable. Anti-bling bling, les Cervélo portent logiquement une discrète tenue grise, comme la matière dont elle est faite.
Sur un mode mineur, nos petits Bouygues se parent d’un clinquant "Bbox" pour devenir de redoutables Bbox-Bouygues Telecom. Se la jouant cool, et espérant sans doute par ce moyen grossier emballer un peu la course, ils sont à l’image d’une bande d’ados sans grâce se payant des poignées de force. Dans ce domaine, ils demeurent à des années-lumières de mes chouchous de la Garmin, délicat nuage de vitesse paré de son jacquard impeccable, qui, en dépit du handicap de l’élégance, ont raflé cet après-midi le prologue du Tour du Qatar.
Pascal d’Huez, envoyé spécial.
Souvent même, c’est l’intitulé tout entier d’une équipe qu’il faut oublier, et un autre qu’il faut immédiatement réapprendre. Oublier par exemple Saunier-Duval pour Fuji et CSC au profit du titre plus funky de Saxo Bank, encore que, pour ce dernier exemple, il s’agisse d’un autre cas : celui -monnaie courante en ces temps de guerre économique- qui voit l’un des sponsors bouffer son ancien partenaire et s’étendre de tout son long en travers du maillot. Les coureurs, et c’est tant mieux, continuent de pédaler, indifférents aux batailles dantesques qui redécoupent leurs tuniques comme des territoires.
Alors ? Quoi de neuf ? Quels mots, encore gauches et bizarres aujourd’hui, quand ils nous sembleront familiers demain, font ce tantôt leur entrée dans le dictionnaire cycliste ?
D’origine russe, Katusha (Katyusha pour les coquets qui ne manqueront pas de se distinguer en préférant la prononciation originale) serait le nom d’un lance-roquettes. Cette nouvelle équipe, puissamment financée par le magnat Oleg Tinkov, fleure bon le roman d’espionnage, et il n’est qu’à voir les expressions peu rassurées des transfuges McEwen et Pozzato, invités à venir présenter leur nouveau maillot dans les frimas de la Place Rouge, pour s’imaginer que ces deux naïfs, attirés par l’appât du gain, sont désormais pris au piège d’effrayants enjeux planétaires auprès desquels les histoires de dopage sont d’aimables contes pour enfants. Livraisons d’armes ? Transferts de poches de gaz ? A quoi servent réellement les coureurs Katusha ? Le dessin du Kremlin qui orne leur poitrine parmi des flammes blanches et bleues est-il un pictogramme avertissant d’un danger explosif ? On réfléchira probablement à deux fois avant de venir s’y frotter.
Mot-valise intrigant, Cervélo indique l’appellation d’une nouvelle équipe suisse, refuge du lauréat du Tour, Carlos Sastre. Le rêveur pourra y voir un programme, une approche de la compétition par l’intellect, l’union des puissances cognitives et de l’action pédalée. Chez Cervélo, tout est analysé à l’avance, pensé, réfléchi. Ici, pas de panache, pas de démarrage intempestif sous l’effet d’une envie folle, mais du discernement au contraire, l’analyse en temps réel des forces en présence et le calcul des chances par la preuve par neuf. Cervélo, ou une équipe de professeurs à barbe, mi-maillot vert, mi-diplômé du M.I.T, qui entend bien dominer la course en passant par la tactique, sentier couvert d’herbes folles, rarement emprunté par les coureurs modernes, bien qu’il soit pourtant un raccourci imparable. Anti-bling bling, les Cervélo portent logiquement une discrète tenue grise, comme la matière dont elle est faite.
Sur un mode mineur, nos petits Bouygues se parent d’un clinquant "Bbox" pour devenir de redoutables Bbox-Bouygues Telecom. Se la jouant cool, et espérant sans doute par ce moyen grossier emballer un peu la course, ils sont à l’image d’une bande d’ados sans grâce se payant des poignées de force. Dans ce domaine, ils demeurent à des années-lumières de mes chouchous de la Garmin, délicat nuage de vitesse paré de son jacquard impeccable, qui, en dépit du handicap de l’élégance, ont raflé cet après-midi le prologue du Tour du Qatar.
Pascal d’Huez, envoyé spécial.
2 Comments:
sportif/jouisseur?
Faire plusieurs heures de selle sous la pluie ou sous un soleil écrasant, se lever au chant du coq (pour qui, possède un coq) pour aller faire son jogging avant d’attaquer une journée de boulot,
se retrouver au stade après une journée éreintante pour taper dans la balle ou s’envoyer de gros caramels, les exemples ne manquent pas. Quelles que soient les disciplines, nous sommes des centaines de milliers à jongler entre travail,vie sociale et familiale
Tout ça pourquoi ? pour l’argent ? la reconnaissance ? Seuls les pros ont ces préoccupations.
L’amateur lui n’aspire qu’à s’évader des contingences de la vie quotidienne, souvent anxiogènes et sources de stress.
Juste se « laver la tête » se réapproprier son corps, se sentir bien, il ne pratique pas pour faire briller les couleurs nationales ou être un modèle de réussite.
Le plaisir devant rester le but présent de l'action, continuons à nous adonner à nos plaisirs solitaires ou collectifs et oublions les grincheux qui voudraient réduire le sport à sa dimension sociale et éducative.
Le sport est avant tout une source de plaisir.
PS: exelent votre blog
sportif/jouisseur?
Faire plusieurs heures de selle sous la pluie ou sous un soleil écrasant, se lever au chant du coq (pour qui, possède un coq) pour aller faire son jogging avant d’attaquer une journée de boulot,
se retrouver au stade après une journée éreintante pour taper dans la balle ou s’envoyer de gros caramels, les exemples ne manquent pas. Quelles que soient les disciplines, nous sommes des centaines de milliers à jongler entre travail,vie sociale et familiale
Tout ça pourquoi ? pour l’argent ? la reconnaissance ? Seuls les pros ont ces préoccupations.
L’amateur lui n’aspire qu’à s’évader des contingences de la vie quotidienne, souvent anxiogènes et sources de stress.
Juste se « laver la tête » se réapproprier son corps, se sentir bien, il ne pratique pas pour faire briller les couleurs nationales ou être un modèle de réussite.
Le plaisir devant rester le but présent de l'action, continuons à nous adonner à nos plaisirs solitaires ou collectifs et oublions les grincheux qui voudraient réduire le sport à sa dimension sociale et éducative.
Le sport est avant tout une source de plaisir.
PS: Exelent votre blog
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