MORT AUX CHAMPIONS !
17.8.08
Spectateur insomniaque des Jeux Olympiques de Pékin, alors qu’aux alentours de 5h du matin, le nageur Phelps rend caduque la notion de rediffusion, je suis soudain pris d’un doute.
Quelle quantité de bassesse est-il utile d’accumuler pour décrocher une médaille d’or ?
Témoin comme moi des efforts magnifiques déployés par nos champions, le lecteur vertueux pourra trouver mon interrogation lamentable. Cependant, je l’invite à méditer : Qu’est-ce qu’un vainqueur ? Comment le fabrique-t-on ? Et parmi les molécules de courage qui le composent, n’y aurait-il pas, tenus au silence, quelques électrons de lâcheté rôdant autour de gros atomes d’indifférence ?
Tandis que retentissent les hymnes, le commentateur, dans une espèce de transe où la pensée se raréfie, s’étouffe en évoquant les sacrifices endurés par le héros du jour pour arriver au sommet, mais n’est-on pas en droit de s’interroger sur le bien-fondé du mode d’existence nécessaire au succès sportif ?
Il arrivera un jour où, tel le glacier d’Aletsch, les valeurs en cours aujourd’hui auront glissé. L’humanité aura pour dogme les lois de la Nature, pour dieu le Vivant, et ses messes consisteront en des balades aux champignons. Dès leur plus jeune âge, on apprendra aux petits enfants l'art de bien paresser au soleil, faire cuire des saucisses, et caresser des brebis en regardant le Mont-Blanc.
On s’étonnera alors que nos contemporains naïfs, humiliés par la conjoncture économique, trouvaient néanmoins la force de s’enthousiasmer sans réserves pour des énergumènes ayant fait le choix de délaisser famille et amis, chats, chiens, montagnes, prairies, parties de cartes et grasses matinées, de se couper d’Apollinaire, Jean-Louis Murat et la pêche aux gros, soit de l’inutile mais précieuse contemplation que l’on doit aux merveilles du monde, pour ne plus se préoccuper que d’alimentation et de courbes de poids, ceci dans l’objectif dérisoire de voir tomber à leur cou un pendentif clinquant qui ne va avec aucun vêtement.
Vous choquerais-je si je vous annonce qu’il arrive parfois que ces champions qu’on élève au rang de modèles soient de médiocres humains ?
N'emporter qu'une médaille d’argent, de bronze à l’arrache, ou -mieux encore,- ne faire que participer en prenant soin de ne jamais rien gagner, ne suffit pas à se racheter tout à fait, car à ce niveau, les entraînements sont les mêmes pour tous et l’engagement complet. Un participant aux Jeux est quelqu’un qui n’a jamais de temps à accorder à sa petite amie, et qui, tout entier à l’attention de son organisme, ne voit pas s’échapper sa jeunesse. Bref, c’est un morbide doublé d’un malsain, que les instances fédérales encouragent dans son vice.
Au regard de cette réflexion, l’Organisation Mondiale de la Santé réhabilitera un jour le sportif dopé.
Ce dernier, préférant en effet les chemins de traverse de la tricherie pour parvenir au podium, sait replacer les choses dans leur juste hiérarchie. Capable de rester au lit pour mieux relire Proust quand les copains, déjà, entament les tours de circuit, il rend hommage à l’existence en ne se refusant rien de ce que le créateur nous offre à profusion, se laissant gentiment pousser un bide que des produits fumeux lui feront fondre sans efforts, la compétition arrivant.
Quand il est pris les doigts dans la confiture supersonique, il quitte la course avant les autres afin de retourner profiter des rires de sa multitude d’enfants et de la douceur du feu qui s’élève dans l’âtre de sa cheminée en polyuréthane.
D'autres fois, au meilleur de lui-même, quand honoré de toutes parts, il est soudain déchu de sa victoire, il vient apporter réconfort à tous ceux qui, de par le monde, perdent un jour femme ou emploi et tombent de leur piédestal. Les bluesmen se faisant rares, c’est au sportif dopé qu’incombe le rôle d’apaiser les blessures des hommes par l’exemple de sa propre tragédie.
Quant au médaillé d’or, du haut de sa colonne d’efforts, le voilà tout juste bon à nous culpabiliser à tort du bienheureux temps perdu tout à l’heure, au petit-déjeûner, quand devant les épreuves sur piste, nous observions, toi et moi, les miettes de Krisprolls tombés dans ma toison pectorale.
Pascal d’Huez
Quelle quantité de bassesse est-il utile d’accumuler pour décrocher une médaille d’or ?
Témoin comme moi des efforts magnifiques déployés par nos champions, le lecteur vertueux pourra trouver mon interrogation lamentable. Cependant, je l’invite à méditer : Qu’est-ce qu’un vainqueur ? Comment le fabrique-t-on ? Et parmi les molécules de courage qui le composent, n’y aurait-il pas, tenus au silence, quelques électrons de lâcheté rôdant autour de gros atomes d’indifférence ?
Tandis que retentissent les hymnes, le commentateur, dans une espèce de transe où la pensée se raréfie, s’étouffe en évoquant les sacrifices endurés par le héros du jour pour arriver au sommet, mais n’est-on pas en droit de s’interroger sur le bien-fondé du mode d’existence nécessaire au succès sportif ?
Il arrivera un jour où, tel le glacier d’Aletsch, les valeurs en cours aujourd’hui auront glissé. L’humanité aura pour dogme les lois de la Nature, pour dieu le Vivant, et ses messes consisteront en des balades aux champignons. Dès leur plus jeune âge, on apprendra aux petits enfants l'art de bien paresser au soleil, faire cuire des saucisses, et caresser des brebis en regardant le Mont-Blanc.
On s’étonnera alors que nos contemporains naïfs, humiliés par la conjoncture économique, trouvaient néanmoins la force de s’enthousiasmer sans réserves pour des énergumènes ayant fait le choix de délaisser famille et amis, chats, chiens, montagnes, prairies, parties de cartes et grasses matinées, de se couper d’Apollinaire, Jean-Louis Murat et la pêche aux gros, soit de l’inutile mais précieuse contemplation que l’on doit aux merveilles du monde, pour ne plus se préoccuper que d’alimentation et de courbes de poids, ceci dans l’objectif dérisoire de voir tomber à leur cou un pendentif clinquant qui ne va avec aucun vêtement.
Vous choquerais-je si je vous annonce qu’il arrive parfois que ces champions qu’on élève au rang de modèles soient de médiocres humains ?
N'emporter qu'une médaille d’argent, de bronze à l’arrache, ou -mieux encore,- ne faire que participer en prenant soin de ne jamais rien gagner, ne suffit pas à se racheter tout à fait, car à ce niveau, les entraînements sont les mêmes pour tous et l’engagement complet. Un participant aux Jeux est quelqu’un qui n’a jamais de temps à accorder à sa petite amie, et qui, tout entier à l’attention de son organisme, ne voit pas s’échapper sa jeunesse. Bref, c’est un morbide doublé d’un malsain, que les instances fédérales encouragent dans son vice.
Au regard de cette réflexion, l’Organisation Mondiale de la Santé réhabilitera un jour le sportif dopé.
Ce dernier, préférant en effet les chemins de traverse de la tricherie pour parvenir au podium, sait replacer les choses dans leur juste hiérarchie. Capable de rester au lit pour mieux relire Proust quand les copains, déjà, entament les tours de circuit, il rend hommage à l’existence en ne se refusant rien de ce que le créateur nous offre à profusion, se laissant gentiment pousser un bide que des produits fumeux lui feront fondre sans efforts, la compétition arrivant.
Quand il est pris les doigts dans la confiture supersonique, il quitte la course avant les autres afin de retourner profiter des rires de sa multitude d’enfants et de la douceur du feu qui s’élève dans l’âtre de sa cheminée en polyuréthane.
D'autres fois, au meilleur de lui-même, quand honoré de toutes parts, il est soudain déchu de sa victoire, il vient apporter réconfort à tous ceux qui, de par le monde, perdent un jour femme ou emploi et tombent de leur piédestal. Les bluesmen se faisant rares, c’est au sportif dopé qu’incombe le rôle d’apaiser les blessures des hommes par l’exemple de sa propre tragédie.
Quant au médaillé d’or, du haut de sa colonne d’efforts, le voilà tout juste bon à nous culpabiliser à tort du bienheureux temps perdu tout à l’heure, au petit-déjeûner, quand devant les épreuves sur piste, nous observions, toi et moi, les miettes de Krisprolls tombés dans ma toison pectorale.
Pascal d’Huez
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