VIVE LE CYCLISME LIBRE !
2.10.07
Si vous flâniez l’autre dimanche, dans les quartiers populaires du vieux Madrid, peut-être avez-vous remarqué Denis Menchov, attablé seul devant un bol d’olives qu’il n’avait pas à cœur de finir. « A quoi bon ? » semblait se dire le lauréat du Tour d’Espagne arrivé l’après-midi même; héros du jour, que par peur d’éventuelles représailles, personne parmi ses équipiers n’avait souhaité accompagner dans la bringue.
Autrefois, la déprime n’était pas trop le fort des coureurs, gars durs au mal, pas tellement portés sur la psycho. Dorénavant, elle leur est plus fidèle que le roucoulement de leur roue libre.
Le cyclisme s’est vidé de sa substance, le récit s’est décousu. Plombées par les trous faits à leur palmarès, les épreuves sont devenues sans intérêt, car sans contexte. Rares sont les vainqueurs sortants admis à se présenter de nouveau, et quand bien même, par miracle, ils y parviennent, c’est en l’absence de leurs principaux rivaux, retenus par procès et suspensions, souvent collés à titre préventif, sur simple présomption.
Dans ce contexte lamentable, toute passion est impossible. Le soupçon a les vertus du bromure.
L’apothéose à ce pourrissement absurde a culminé ces jours-ci à Stuttgart et ses championnats du monde, fête de fin d’année de notre bahut, où il était de coutume que les coureurs se déguisent, et nous offrent des numéros. Cette année, fi de gaudriole. Les organisateurs étaient les premiers à faire la gueule, et à tenter de saborder la nouba. Le génial Bettini, tarabusté toute la semaine pour des pacotilles, a eu beau nous régaler d’un final de rêve, il n’a pas échappé à une bordée de sifflets lancée par une bande d’imbéciles de haut vol, qui pensaient sans doute faire justice (mais à quoi ?), soutenus en cela par les hautes instances sportives de tous poils.
Preuve définitive de la folie ambiante, la demande exprimée à Eddy Merckx par les commissaires masochistes de ne pas se rendre sur l’épreuve, eu égard à son passé douteux ! Or, qui est Eddy Merckx, sinon le cyclisme en personne ? Les deux termes sont indissociables. On illustre presque toujours le second par le premier sur la couverture des encyclopédies. Se débarrasser de l’un, c’est tenter de noyer l’autre.
Voilà qu’à travers cet aveu, se dévoile un projet sinistre.
C’est le cyclisme, dans son épopée vingtièmiste, qu’on rêve d’effacer des tablettes.
Espère-t-on sérieusement voir la victoire du bien sur le mal ? La volonté d’améliorer ses performances par tous les moyens est propre au compétiteur, et cette déraison, qui est constitutive d’un caractère fort, d’une nature d’exception, il faut l’apprécier à sa juste mesure, plutôt que de tenter naïvement d’en faire la chasse.
Dans la roue de Hegel, je suis d’avis que l’humanité naît avec le péché. C’est sa malédiction, mais aussi sa gloire. Avant de croquer la pomme, Adam et Eve sont deux automates à peu près aussi monotones que nos petits gars de chez Bouygues.
Exister, et à plus forte raison pour un champion, c’est jouer avec le feu, tenter le diable ; exercice il est vrai peu répandu chez les journalistes courageux dénicheurs d’affaires.
Tout ce sur quoi se fonde ce sport, c’est une mythologie du dépassement de l’individu confronté aux forces de la nature. Si l’on évacue ceci, on se retrouve avec le pitoyable Vélo Magazine, qui par frousse de s’enflammer pour un exploit non autorisé, ne cause plus que pignons et randos, comme si Lire, effarouché par la recrudescence d’auteurs toxicomanes, publiait des enquêtes sur l’actualité des traitements de texte.
Etant donné la gravité de la situation, moi, Pascal d’Huez, considère légitime de former un contre-feu. J’appelle au libre exercice du métier de champion quelles que puissent être parfois ses conséquences les plus extrêmes, et je demande la démission dans les plus brefs délais des directeurs du Tour de France, de celui de l’UCI, et des sbires mortifères du Vélo Mag.
En outre, j’appelle à la restitution du Tour 96 à son propriétaire, et à la réhabilitation urgente des valeureux Landis et Rasmussen.
Que tous ceux qui partagent mon avis, me fassent signe, afin d’organiser prochainement une grande manifestation pour un cyclisme libre, à bicyclette évidemment, depuis le siège de L’Equipe jusqu’au rond-point des Champs-Elysées, rebaptisé pour l’occasion Square Raimondas Rumsas.
Pascal d’Huez
1 Comments:
Nombreux étions nous à attendre ce texte et nous ne fumes pas déçus ! Un regret peut-être : l'omission, involontaire, j'en suis sûr, du plus racé d'entre tous, Marco le magnifique, sacrifié sur l'autel de l'Empire du bien !
Ton humble serviteur,
Sonic Eric
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