COUP DE FORCE À WILLUNGA
23.1.10
Le projet des trois hommes n’avait rien d’original. Unir leur force pour décramponner Greipel et ses fantassins, le long de la route des vins, dont Willunga, plantée de grenache, figure le terminus. Le caractère hautement prévisible de la démarche aurait logiquement du conduire les compères à renoncer, or, ne voilà t-il pas qu’à la surprise générale, le plan ruminé la veille est déclenché à heure pile. Au deuxième assaut de la colline, Cadel Evans provoque une hola en attaquant tambour battant, suivi des deux Caisse d’Epargne et du jeune tchèque néo-romantique Peter Sagan.
Le quatuor se retrouve bientôt porteur d'un petit pécule de trente secondes et, pendant dix kilomètres d’ombre verte, hachée comme du persil dans la salade de tomates, le maillot de champion du monde disparaît derrière la tunique virtuelle de leader du TDU. Un orange pâle pas très heureux, façon pamplemousse jeune. Ayant bien réfléchi, Cadel Evans lève le pied. Il préfère conserver l’arc-en-ciel. Les Columbia –de vrais mômes- jouent au TGV et reviennent sur les fugitifs, à l’exception de Sanchez qui, en ayant prudemment gardé sous la semelle, gagne l’étape et remonte à la deuxième classe du classement général, onze secondes seulement derrière le leader, le glacial Greipel.
Oserais-je vous jouer le couplet du suspense insoutenable à vingt-quatre heures du terme de la course ? Non. Demain, fin de cette aimable semaine de training-détente par vingt fois le tour du billard Adélaïde. Une bande maximum. Chaque boule dans son trou et en route vers l’aéroport.
En marge de la course, il se passe ici un phénomène étonnant. Au début du mois, une poignée de passionnés locaux se sont mis en tête de supporter un coureur anonyme, européen, un sans-grade, à la fois pour signifier leur admiration envers le courage des participants au Tour Down Under, si loin qu’ils soient au classement, -taclant au passage l’omniprésence médiatique d’Armstrong,- et aussi, sans doute, pour la beauté du geste.
Le sort est tombé sur le newbie de la Française des Jeux, Arthur Vichot, dont c’est la première course pro.
Quelques semaines de marketing viral via facebook, et la Vichomania a pris, au grand étonnement de l’intéressé.
« Au début, je me suis demandé ce que c’était, explique-t-il. Moi, je ne suis pas quelqu’un qui a des fans, en dehors de ma famille et de quelques amis. Et encore !... C’est vrai que j’avais plutôt de bonnes jambes en début de semaine, mais de là à voir des banderoles avec mon nom partout !... »
Tee-shirts home-made, bitume couvert par son patronyme, Vichot ! Vichot ! repris en chœur par des orchestres locaux, les démonstrations d’hystérie se mulitplient sur le passage du jeune homme, qui compte désormais plus de 800 fans sur un site dédié.
- A l'avenir, on suivra toujours les résultats d’Arthur, annonce une institutrice d’Adélaïde à la poitrine peinte d’un VICHOT en lettres bleues. S’il fait le Tour de France, nous y serons. Et s’il n’y est pas, on ira le trouver là où il est. N'importe où. Il a changé ma vie, je lui dois bien ça. »
Cette belle histoire, encore à son commencement, a pris une ampleur qui ferait tourner la tête de plus d’un.
- Pour être honnête, ils commencent un peu à me casser les c… Franchement, ils sont bien sympas, mais si y’en a encore demain qui viennent pour des autographes, je fonce dans le tas. Je fais pas du vélo pour me faire emmerder par des branleurs ».
Pascal d’Huez