LE BLEU
9.7.12
En cette période d'annonce des
résultats du bac, le Tour de France rendait hommage à la jeunesse,
ce dimanche, en se choisissant pour vainqueur d'étape, le plus jeune
coureur de l'aventure, un bleu, un newbie, un étudiant en cyclisme,
dont le dossier d'inscription, recommandé par Marc Madiot, ne nous
était parvenu qu'au dernier moment.
Thibaut Pinot, Franc-comtois de 22 ans au nom de brigadier, portait la socquette plume le long du trajet bucolique qui conduisait les coureurs vers le pays des tennismen. Le profil de cette huitième étape évoquait une radiographie des molaires, avec de solides chicots et peu d'intervalles. A propos de molaires, l'olympique Sanchez, coureur spectaculaire et champion de la montagne sortant, devait en sacrifier quelques-unes sur le bitume, du côté de Fessevillers. Le métacarpe en vrac, il rejoint ses compatriotes Freire et Rojas dans l'ambulance des poissards qui ne verront pas Londres. A noter que l'équipe Euskaltel ne compte déjà plus que cinq coureurs (sur neuf), alors même qu'on n'est pas rendu aux Alpes. C'est dire la férocité tactique et physique de ce début d'épreuve.
Dans la côte de Maison Rouge, puis dans celle de Saignelégier, une joyeuse bande se fait la malle. Une dizaine de nationalités y sont représentées, quatre continents. On y parle treize langues, et l'on paye ses commissions avec pas moins de trois devises différentes. Aussi, passé la béatitude des premières heures, une pareille usine à gaz ne peut pas turbiner bien longtemps sans exploser. Un à un, les éléments du groupe se dissocient dans le pâturage suisse. Des spectateurs en sandales ont beau brandir des pancartes « Nucléaire, non merci ! », le mal est fait, et le peloton disloqué devient nuage radioactif, incapable de contrôler ses particules disparates.
Sans complexes, le môme Pinot dépose son copain Gallopin dans le Col de la Croix, avale le Suèdois Kessiakoff, puis, sans mollir, se lance dans une grande chevauchée de quinze bornes dans la plaine, afin de rallier l'arrivée en solitaire.
Le suspense ne doit rien à la verve des commentateurs, car, derrière, sous l'initiative des Sky, puis du turbulent Van den Broeck, le rythme s'intensifie. Que cherche-t-on, au juste ? A se faire une place au général en semant les maillons faibles du jour (Taramae, Chavanel) ?
Le final est épique.
En avance de cinquante secondes sur ses poursuivants à dix kilomètres de la ligne, Ti Pinot, vent de face, n'en compte plus que quarante, à huit. Trente, à six. Farceur, Cadel Evans simule une attaque au passage du Col, afin de tester les nerfs de Bradley Wiggins, dont les rouflaquettes ne se défrisent pas d'un poil. A son tour, dans la descente, Nibali la joue Valentino Rossi, frôlant le précipice pour effrayer sa passagère britannique. On l'entend même imiter des bruits de dérapage avec la bouche. Mais rien n'y fait. Wiggins maîtrise le flegme comme personne. Auprès de lui, Indurain fait figure de cabotin.
Un kilomètre devant, le corps à moitié passé par la portière du véhicule FDJ, Madiot houspille son poulain, préférant l'usage de la cravache à celui de l'oreillette. Moustiques collés aux lèvres, Thibaut Pinot entre enfin dans Porrentruy, animé tout autant par le désir de victoire que par la peur de se faire engueuler.
Un dinosaure taille réelle sis sur le rond-point inaugural, annonce, superbe, la fin du crétacé et l'entrée du jeune Française dans la cour des grands.
Il gagne l'étape au nez et à la barbe des cadors du général qui, malgré quelques échauffourées aux alentours de la flamme rouge, arrivent peu ou prou groupés.
Ce lundi, veille de vacances, rendez-vous crucial du côté de Besançon sous la forme d'un contre-la-montre de 40km. Brad, l'ancien pistard, le spécialiste, est sensé y croquer entre une et deux minutes sur ses principaux concurrents. En deçà, il permettra aux villageois de jaser et autorisera ses rivaux à échafauder des plans de reconquête. Au-delà, ce sera the hammer. La massue. Une bataille dantesque s'engagera pour la troisième place.
Thibaut Pinot, Franc-comtois de 22 ans au nom de brigadier, portait la socquette plume le long du trajet bucolique qui conduisait les coureurs vers le pays des tennismen. Le profil de cette huitième étape évoquait une radiographie des molaires, avec de solides chicots et peu d'intervalles. A propos de molaires, l'olympique Sanchez, coureur spectaculaire et champion de la montagne sortant, devait en sacrifier quelques-unes sur le bitume, du côté de Fessevillers. Le métacarpe en vrac, il rejoint ses compatriotes Freire et Rojas dans l'ambulance des poissards qui ne verront pas Londres. A noter que l'équipe Euskaltel ne compte déjà plus que cinq coureurs (sur neuf), alors même qu'on n'est pas rendu aux Alpes. C'est dire la férocité tactique et physique de ce début d'épreuve.
Dans la côte de Maison Rouge, puis dans celle de Saignelégier, une joyeuse bande se fait la malle. Une dizaine de nationalités y sont représentées, quatre continents. On y parle treize langues, et l'on paye ses commissions avec pas moins de trois devises différentes. Aussi, passé la béatitude des premières heures, une pareille usine à gaz ne peut pas turbiner bien longtemps sans exploser. Un à un, les éléments du groupe se dissocient dans le pâturage suisse. Des spectateurs en sandales ont beau brandir des pancartes « Nucléaire, non merci ! », le mal est fait, et le peloton disloqué devient nuage radioactif, incapable de contrôler ses particules disparates.
Sans complexes, le môme Pinot dépose son copain Gallopin dans le Col de la Croix, avale le Suèdois Kessiakoff, puis, sans mollir, se lance dans une grande chevauchée de quinze bornes dans la plaine, afin de rallier l'arrivée en solitaire.
Le suspense ne doit rien à la verve des commentateurs, car, derrière, sous l'initiative des Sky, puis du turbulent Van den Broeck, le rythme s'intensifie. Que cherche-t-on, au juste ? A se faire une place au général en semant les maillons faibles du jour (Taramae, Chavanel) ?
Le final est épique.
En avance de cinquante secondes sur ses poursuivants à dix kilomètres de la ligne, Ti Pinot, vent de face, n'en compte plus que quarante, à huit. Trente, à six. Farceur, Cadel Evans simule une attaque au passage du Col, afin de tester les nerfs de Bradley Wiggins, dont les rouflaquettes ne se défrisent pas d'un poil. A son tour, dans la descente, Nibali la joue Valentino Rossi, frôlant le précipice pour effrayer sa passagère britannique. On l'entend même imiter des bruits de dérapage avec la bouche. Mais rien n'y fait. Wiggins maîtrise le flegme comme personne. Auprès de lui, Indurain fait figure de cabotin.
Un kilomètre devant, le corps à moitié passé par la portière du véhicule FDJ, Madiot houspille son poulain, préférant l'usage de la cravache à celui de l'oreillette. Moustiques collés aux lèvres, Thibaut Pinot entre enfin dans Porrentruy, animé tout autant par le désir de victoire que par la peur de se faire engueuler.
Un dinosaure taille réelle sis sur le rond-point inaugural, annonce, superbe, la fin du crétacé et l'entrée du jeune Française dans la cour des grands.
Il gagne l'étape au nez et à la barbe des cadors du général qui, malgré quelques échauffourées aux alentours de la flamme rouge, arrivent peu ou prou groupés.
Ce lundi, veille de vacances, rendez-vous crucial du côté de Besançon sous la forme d'un contre-la-montre de 40km. Brad, l'ancien pistard, le spécialiste, est sensé y croquer entre une et deux minutes sur ses principaux concurrents. En deçà, il permettra aux villageois de jaser et autorisera ses rivaux à échafauder des plans de reconquête. Au-delà, ce sera the hammer. La massue. Une bataille dantesque s'engagera pour la troisième place.
Pascal d'Huez, sur la route du Tour de
France.
2 Comments:
article trés intéressant ,je vous remercie bien pour votre niveau de description de votre annonce , ça m'encourage de le suggéré avec d'autre amis ,bonne chance et bonne continuation !
Thoughtful blog, thanks for posting
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