JE M'ENTRAÎNE EN AMERIQUE
15.9.04
"L’entrée dans l’âge du numérique implique, quoi qu’on en pense, des méthodes d’entraînement nouvelles, basées sur la statistique" : Le titre limpide du récent best-seller de Stephen Roche en dit assez long sur les rapports étroits entretenus entre science et sport…
Bouleversé par sa lecture, convaincu par les nombreux témoignages et photos couleurs, j’eus l’idée d’organiser, à l’occasion du récent Tour du Massachussets, une rencontre entre l’équipe Quick-Step et le professeur Brown, du M.I.T de Boston.
Or, dans l’avion survolant Terre-Neuve, j’appris avec surprise que les nouvelles technologies avaient déjà pénétré le peloton, non seulement en course, mais aussi pendant la longue période d’avant-saison.
Préparation par internet, programmes d’échauffement conçus par le champion d’échecs Kasparov, algorithmes permettant de mieux gérer sa nutrition : Rien n’arrête la course à l’efficacité.
« Ça me permet d’améliorer mon sens tactique », me confia Richard Virenque, entre deux turbulences, « Désormais, quand il fait moche, je ne sors plus, mais grâce au web, je refais les grandes étapes du passé ».
Je manquai d’avaler de travers le sandwich de la compagnie aérienne.
«… Oui, avant-hier, j’étais Merckx dans Pra-Loup. L’avatar d’un internaute de Delhi m’a proposé des pâtes de fruits en bas du col. Je me suis pas fait piéger, et je les ai prises ! Résultat : Pas de coup de fringale, et Thévenet à huit minutes ! »
Un peu plus tard, je m’assis auprès de Paolo Bettini, côté hublot, qui mitraillait, à l’aide d’un petit appareil numérique.
« Les icebergs ? fis-je, sais-tu que dans vingt ans, quatre-vingt pour cent d’entre eux auront disparu ? »
Il s’en moquait. « Bof ! » répondit-il, malicieux, « Sur Paris-Roubaix, ils disaient la même chose des pavés…Résultat : ils sont toujours là ! ».
« Oui ! » appuya Mercado, hilare, « Mais ici, c’est plutôt l’Amstel Gold Glace ! ». Fous rires.
A notre arrivée à l’aéroport, un étudiant Belge de l’Université de Boston, identifia le petit groupe de coureurs, leur demanda des autographes, puis les traita de dopés. Une engueulade éclata, à laquelle deux assistants du Professeur Brown se dépêchèrent de mettre un terme.
Fort heureusement, car la campagne était superbe.
Dans la Limousine qui nous emmenait, des vallons lointains faisaient briller les yeux. Echappé par ici, se disait-on sans doute, quelque soit l’endroit, on était définitivement à l’abri du retour du peloton.
L’Amérique s’emparerait-t-elle un jour définitivement du cyclisme ? Ne fallait-il pas voir dans les réussites récentes de Greg Lemond et Lance Armstrong, de simples signes avant-coureurs d’une domination plus écrasante encore ? Comme la Russie, la Chine bientôt peut-être, sa géographie semblait l’y prédestiner. Vallées, bosses, plateaux déserts et montagnes rocheuses, constituaient de quoi produire en masse des champions complets, tant il est certain que ce dont un cycliste a besoin, c’est d’espace. Pensez-y, architectes urbains, et faiseurs de ronds-points indifférents, qui, d’un ralentisseur à l’entrée d’une agglo, détruisez en novembre la belle échappée d’août.
Promettant à Patrick Lefévère de parler, personnellement, du danger représenté par les gravillons dans les descentes au Président de la République, lors de la prochaine garden-party, nous arrivâmes au M.I.T.
Patron d’un labo aux installations ultra-modernes, Brown est un homme affable. Petit, mais replet, il dirige une équipe de dix jeunes scientifiques qui ont choisi, depuis quatre ans, de s’investir dans le champ du sport.
A leur invitation, nous chaussâmes nos lunettes 3D ; lesquelles nous projetèrent immédiatement dans un univers d’hologrammes plus vrais que nature, présentant l’évolution de la selle à travers le siècle, depuis Petit-Breton.
« J’ai bossé huit ans sur le cancer » me confia Brown, « …avant de mettre au point la pédale Look ! ». Un procédé révolutionnaire, en effet, inauguré par l’équipe La Vie Claire, au milieu des années 80, puis vite adopté par l’ensemble du peloton, en remplacement de l’antique cale-pieds à lanière.
Amusés, puis déshabillés, les petits gars de Quick-Step se prêtèrent volontiers aux tests. On les plongea dans des caissons afin d’observer leur résistance à l’effort. Suivant les substances rejetées par l’organisme, l’eau se colorait différemment. On pouvait ainsi recueillir toutes sortes d’informations, et adapter pour chacun d’eux un programme spécifique.
Qu’on ne se fasse pas d’illusions, c’est ici, parmi les écrans à cristaux liquides, que les courses se gagnent.
Un épisode de tachychardie ayant sonné l’arrêt de la séance, nous nous retrouvâmes tous le soir, au Buffalo Bang, un club des environs, appartenant à l’ancien champion Andy Hampsteen.
Sous les hourrahs des copains émêchés, un jeune sprinter s’en alla tester le rodéo mécanique.
Hélàs, furieusement secoué, malgré un bon départ, il fut éjecté et retomba mal.
On l’annonce indisponible jusqu’au Dauphiné.■
Bouleversé par sa lecture, convaincu par les nombreux témoignages et photos couleurs, j’eus l’idée d’organiser, à l’occasion du récent Tour du Massachussets, une rencontre entre l’équipe Quick-Step et le professeur Brown, du M.I.T de Boston.
Or, dans l’avion survolant Terre-Neuve, j’appris avec surprise que les nouvelles technologies avaient déjà pénétré le peloton, non seulement en course, mais aussi pendant la longue période d’avant-saison.
Préparation par internet, programmes d’échauffement conçus par le champion d’échecs Kasparov, algorithmes permettant de mieux gérer sa nutrition : Rien n’arrête la course à l’efficacité.
« Ça me permet d’améliorer mon sens tactique », me confia Richard Virenque, entre deux turbulences, « Désormais, quand il fait moche, je ne sors plus, mais grâce au web, je refais les grandes étapes du passé ».
Je manquai d’avaler de travers le sandwich de la compagnie aérienne.
«… Oui, avant-hier, j’étais Merckx dans Pra-Loup. L’avatar d’un internaute de Delhi m’a proposé des pâtes de fruits en bas du col. Je me suis pas fait piéger, et je les ai prises ! Résultat : Pas de coup de fringale, et Thévenet à huit minutes ! »
Un peu plus tard, je m’assis auprès de Paolo Bettini, côté hublot, qui mitraillait, à l’aide d’un petit appareil numérique.
« Les icebergs ? fis-je, sais-tu que dans vingt ans, quatre-vingt pour cent d’entre eux auront disparu ? »
Il s’en moquait. « Bof ! » répondit-il, malicieux, « Sur Paris-Roubaix, ils disaient la même chose des pavés…Résultat : ils sont toujours là ! ».
« Oui ! » appuya Mercado, hilare, « Mais ici, c’est plutôt l’Amstel Gold Glace ! ». Fous rires.
A notre arrivée à l’aéroport, un étudiant Belge de l’Université de Boston, identifia le petit groupe de coureurs, leur demanda des autographes, puis les traita de dopés. Une engueulade éclata, à laquelle deux assistants du Professeur Brown se dépêchèrent de mettre un terme.
Fort heureusement, car la campagne était superbe.
Dans la Limousine qui nous emmenait, des vallons lointains faisaient briller les yeux. Echappé par ici, se disait-on sans doute, quelque soit l’endroit, on était définitivement à l’abri du retour du peloton.
L’Amérique s’emparerait-t-elle un jour définitivement du cyclisme ? Ne fallait-il pas voir dans les réussites récentes de Greg Lemond et Lance Armstrong, de simples signes avant-coureurs d’une domination plus écrasante encore ? Comme la Russie, la Chine bientôt peut-être, sa géographie semblait l’y prédestiner. Vallées, bosses, plateaux déserts et montagnes rocheuses, constituaient de quoi produire en masse des champions complets, tant il est certain que ce dont un cycliste a besoin, c’est d’espace. Pensez-y, architectes urbains, et faiseurs de ronds-points indifférents, qui, d’un ralentisseur à l’entrée d’une agglo, détruisez en novembre la belle échappée d’août.
Promettant à Patrick Lefévère de parler, personnellement, du danger représenté par les gravillons dans les descentes au Président de la République, lors de la prochaine garden-party, nous arrivâmes au M.I.T.
Patron d’un labo aux installations ultra-modernes, Brown est un homme affable. Petit, mais replet, il dirige une équipe de dix jeunes scientifiques qui ont choisi, depuis quatre ans, de s’investir dans le champ du sport.
A leur invitation, nous chaussâmes nos lunettes 3D ; lesquelles nous projetèrent immédiatement dans un univers d’hologrammes plus vrais que nature, présentant l’évolution de la selle à travers le siècle, depuis Petit-Breton.
« J’ai bossé huit ans sur le cancer » me confia Brown, « …avant de mettre au point la pédale Look ! ». Un procédé révolutionnaire, en effet, inauguré par l’équipe La Vie Claire, au milieu des années 80, puis vite adopté par l’ensemble du peloton, en remplacement de l’antique cale-pieds à lanière.
Amusés, puis déshabillés, les petits gars de Quick-Step se prêtèrent volontiers aux tests. On les plongea dans des caissons afin d’observer leur résistance à l’effort. Suivant les substances rejetées par l’organisme, l’eau se colorait différemment. On pouvait ainsi recueillir toutes sortes d’informations, et adapter pour chacun d’eux un programme spécifique.
Qu’on ne se fasse pas d’illusions, c’est ici, parmi les écrans à cristaux liquides, que les courses se gagnent.
Un épisode de tachychardie ayant sonné l’arrêt de la séance, nous nous retrouvâmes tous le soir, au Buffalo Bang, un club des environs, appartenant à l’ancien champion Andy Hampsteen.
Sous les hourrahs des copains émêchés, un jeune sprinter s’en alla tester le rodéo mécanique.
Hélàs, furieusement secoué, malgré un bon départ, il fut éjecté et retomba mal.
On l’annonce indisponible jusqu’au Dauphiné.■
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